Chantal Delsol, Hélène Bodenez, etc.

Une semaine après, les plus beaux échos, et d'autres... (19/9/2008)


Delsol, et le discours des Bernardins

La leçon des Bernardins
http://www.lefigaro.fr/lefigaromagazine/..
Par Chantal Delsol (cf Chantal Delsol )
19/09/2008
Le discours de Benoît XVI à l'intention du monde de la culture était un texte de haut vol. Décryptage.
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Au Collège des Bernardins, la magnifique salle cistercienne du XIIIe siècle fournit à Benoît XVI son entrée en matière : en nous demandant ce que faisaient ici ces jeunes moines, nous comprendrons mieux les racines de la culture occidentale. Ces hommes cherchaient Dieu : ils se réunissaient ici pour quêter l'essentiel et le définitif, ce qui ne périt pas. Ils ne cherchaient pas au hasard, comment l'auraient-ils pu, mais à partir des livres des Ecritures. Notre culture est une culture du logos, qui signifie à la fois parole et raison.

Les chrétiens ne croient pas que la Bible ait été écrite par Dieu ou sous la dictée de Dieu. Elle est constituée de textes littéraires multiples. C'est à travers ces paroles humaines et historiques que Dieu nous parle. Il convient donc d'interpréter les textes. Pour cela, il faut une communauté qui suscite à la fois la pluralité des sens et la communion des esprits autour des significations comprises en commun.

Cette exigence de l'interprétation exclut de cette religion tout fondamentalisme : la littéralité du texte n'est pas sacrée. Ce n'est pas la lettre qui compte, disait Paul, mais l'esprit. Or, quelle est la caractéristique de cet esprit qui interprète, traduit, comprend les textes ? Il est libre ! Car c'est à travers son temps, son histoire, ses coutumes, que l'esprit humain interprète le texte. Mais s'il l'interprète en lien avec d'autres dans une communauté, il échappe au subjectivisme et à l'arbitraire, il échappe aussi à la tentation du fondamentalisme, qui voudrait (c'est humain) diviniser la lettre du texte. La culture de l'europe est fondée sur une liberté dans la communauté.

Ainsi nos cisterciens étaient-ils là pour chercher Dieu ensemble et pour le prier ensemble. Mais aussi, ils travaillaient : Ora et Labora. En travaillant de leurs mains (Benoît XVI rappelle que déjà Paul était fabricant de tentes), ils participaient à l'euvre divine qui est création incessante. Car Dieu est toujours à l'euvre dans l'histoire : Dieu travaille ! Et l'homme, loin de vouloir créer ou recréer le monde à sa façon, travaille avec Dieu. La culture européenne est fondée sur le travail comme participation à la transformation incessante du monde.

Enfin, la quête de Dieu est rendue possible parce que la parole a été annoncée, mais surtout parce que Dieu s'est révélé. Et cette révélation doit se divulguer, parce qu'elle concerne tous les hommes : Dieu est universel comme la raison est universelle. Cependant l'annonce de la parole ne sera entendue que par les esprits disponibles pour l'écouter : ceux qui cherchent la vérité au-delà de l'éphémère quotidien. Celui qui parie résolument sur le hasard ou sur le chaos ne se laissera pas trouver par Dieu. La quête elle-même exige une certaine humilité de l'esprit, qui répond à l'humilité de Dieu révélée par la création (Dieu n'est pas seul à se contempler et à s'aimer lui-même).

La religion qui façonne ce continent n'est donc pas seulement affaire de foi aveugle ou illuminée, mais affaire de raison. Ainsi a grandi l'europe, puis l'Occident : la raison et la liberté, qui vont de conserve, ressortissent à cette source religieuse. Nous sommes les petits-fils de ces moines cisterciens.


La petite revue de presse de P. Maxence

... dans L'homme nouveau
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Petite revue de presse sur un voyage

Philippe Maxence le 18-09-2008

Dans la vie d’un journaliste, le jeudi est un jour particulier. Sur son bureau s’entasse un nombre plus important que d’habitude de quotidiens, d’hebdomadaires et de revues. Les spécialistes de revue de presse trouvent là leur pâture. Les autres se tiennent informés, cherchant éventuellement de nouveaux sujets ou, pour les descendants de Zola, Rochefort et autres Daudet (Léon), matière à polémique.
Ce jeudi est un jeudi comme les autres. Pas tout à fait cependant ! On revient très largement dans la presse sur la visite du Pape Benoît XVI en France. Dans Valeurs Actuelles, François d’Orcival estime, par exemple, que « Sarkozy, Benoît XVI, même combat ». Il veut parler, bien sûr, de la laïcité, cette machine de guerre anti-chrétienne, enfant illégitime du catholicisme et que le Président actuel entend voir évoluer vers une « laïcité positive ».
Dans Le Point, c’est Claude Imbert qui y va de son éditorial, intitulé « Foi et raison ». Il voit, avec raison, Benoît XVI « en penseur de Dieu » et le dépeint « plus novateur que feu Jean-Paul II, icône charismatique ». L’amusant avec les modernes, c’est cette propension à mesurer le monde, les êtres et Dieu lui-même à l’aune de la nouveauté. C’est-à-dire de l’éphémère. Pour l’éditorialiste du Point, donc, « le Pape innove ». Toujours la nouveauté ! Dans quel registre ? « Par la considération éminente qu’il voue à la raison. Il écarte l’apologétique qui fait de la foi une illumination d’essence irrationnelle, étrangère et supérieure à la raison. »
Il faudrait que Claude Imbert n’hésite pas à lire saint Thomas d’Aquin, dont l’édition des œuvres se poursuit aux éditions du Cerf. Il pourrait aussi lire Chesterton, notamment Orthodoxie dont nous fêtons cette année le centenaire. Il y a cent ans les Claude Imbert anglais de l’époque tenaient le même discours. Ils étaient eux-mêmes en retard de plusieurs siècles et Chesterton s’est amusé à le dire et à le démontrer. Mais, à défaut de Chesterton et de saint Thomas d’Aquin, ou de Chesterton sur saint Thomas d’Aquin (voir son livre édité par DMM), et puisque Claude Imbert titre « Foi et raison », il pourrait tout simplement lire Jean-Paul II dont une encyclique porte justement ce titre. On la trouve sur Internet. C’est facile et lire ce texte permettra d’éviter de dire des bêtises.
Mais, avouons-le, au plan des bêtises, Claude Imbert est battu par Jean Delumeau, toujours dans les pages du Point. Notre « historien des religions » s’en prend aux « silences de Benoît XVI ». Bigre ! Le Pape, en effet, « n’a pas abordé les sujets qui fâchent : la contraception, l’admission des hommes mariés à la prêtrise, la réévalution du rôle des femmes dans l’église ».
Au fait, ces sujets fâchent qui ? Jean Delumeau ? C’est peu et n’a pas grande importance. Mais qu’il se rassure. Le Pape n’a pas abordé beaucoup d’autres sujets, et même des sujets qui ne fâchent pas. Il n’a pas parlé de la qualité des ouvrages de Jean Delumeau, ni de l’ouverture de la chasse, ni du temps qu’il faisait à Rome, ni des montagnes de Bavière, ni de ce que lui a dit le Président de la République pendant leur entretien privé. Il n’a pas parlé non plus de l’hiver qui s’annonce et de l’été qui est parti. Bref de beaucoup de choses.
Jean Delumeau, qui est Professeur honoraire au Collège de France, et qui sait donc beaucoup plus de choses que nous, est très inquiet du retour du latin et de la communion dans la bouche. Étrangement, il a un regard superstitieux sur ce sujet. Il semble craindre que le retour du latin et de la communion dans la bouche n’agisse comme des amulettes de sorcier et ne provoque des effets désastreux. Qu’il se rassure et au besoin qu’il visionne à nouveau les images des messes papales pendant ce voyage en France. Non, la foudre, la tempête et le choléra réunis ne se sont pas abattus sur notre pays. Et le catholicisme n’est pas tombé d’un coup dans le reflux qu’il semble craindre. Un conseil cependant, contre la superstition, la meilleure arme reste la prière.
Jean Daniel, dans Le Nouvel Observateur, nous ressort le poncif de la religion facteur de violence. Il regrette les silences (lui aussi) de Benoît XVI à ce sujet. Faut-il juste lui rappeler que la religion n’a jamais fait autant de morts que les totalitarismes communistes et nazis, deux phénomènes entièrement séculiers, sans même parler de la Révolution française ? Et, que plus prosaïquement, comme le souligne Jean Sévillia dans sa chronique de L’Homme Nouveau, les JMJ comme la visite du Pape en France ne suscitent aucun de ces mouvements de foule violents auxquels on assiste dans les stades, par exemple, ou dans les concerts de musique moderne. Bien, au contraire, des foules importantes se déplacent pour voir le Pape. Sans incidents, sans heurts, sans haine. Mais certains ne le voient pas. Au fait, n’y a-t-il pas une parole de l’Évangile à ce sujet ?


Le bloc-notes de Rioufol

Ce que dit Benoît XVI à la France amnésique
Le bloc-botes d'Ivan Rioufol du 19 septembre.
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Les catholiques français se révèlent, à l'initiative de Benoît XVI, les héritiers d'une culture millénaire qui s'effrite. Pourtant, un républicanisme sectaire persiste dans un laïcisme qui a pour effet d'accélérer l'effacement de toute pensée spirituelle. Faut-il se satisfaire du bilan des «progressistes», qui se sont octroyé le monopole des Lumières et de la morale ? L'accumulation des désastres, dont les jeunes sont les victimes, invite à écouter ce que les religions ont à dire : l'occasion, pour la France, de renouer avec son identité déclinante.

En rappelant qu'il est «légitime de dialoguer avec les religions» et que «ce serait une folie de nous en priver», Nicolas Sarkozy a admis l'ostracisme produit par une laïcité revancharde : celle mise au service d'un discours anticlérical fustigeant le passéisme et ridiculisant plus particulièrement les «superstitions» d'une Église catholique ayant pourtant renoncé depuis longtemps à toute prétention hégémonique. Ce mépris survit au sein de la cléricature de gauche.

Seul Bertrand Delanoë représentait l'opposition, lors de la réception du Pape à l'Élysée. Même le catholique François Bayrou avait cru devoir calquer ses réactions sur celles des bouffeurs de curés.
Car c'est bien ce vieux fond antichrétien qui s'est laissé voir. La preuve ? Le silence de ces libres-penseurs devant les élus, socialistes notamment, reçus cet été par le dalaï-lama et photographiés mains en prière, sourire extatique et étole blanche au cou. Le drapeau tibétain flottait même sur la mairie (PS) de Nantes. Qui a dénoncé ces bigots ?

Dans la France sécularisée, les religions sont attendues pour corriger un relativisme décadent. Le phénomène se lit dans les sondages. Apparu aux États-Unis dès les années 1980, ce mouvement de fond invite les Églises à prendre place dans les débats publics sur l'aide sociale, l'immigration, l'environnement, l'éducation, l'éthique médicale, etc. Les états généraux de la bioéthique s'ouvriront d'ailleurs à ces courants de pensée, comme l'a promis Sarkozy au Pape. Aux catholiques de s'y montrer pertinents.

La séparation de l'Église et de l'État, de Dieu et de César, n'a rien à redouter de ces dialogues. «L'Église ne revendique pas la place de l'État», a rappelé le Pape, conscient cependant d'avoir à répondre à un besoin d'identification que la montée de l'islam rend d'autant plus nécessaire.
S'il y a une séparation à opérer, c'est entre «l'Église de la gauche et l'État», comme le rappelle opportunément Philippe Nemo (Les Deux Républiques françaises, Puf). Mais cette Église-là s'accroche à son pouvoir.

Répondre à l'islam
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Pourquoi le taire ? L'islam est dans les préoccupations du Saint-Père, quand il exhorte la «douce France» à retrouver ses racines chrétiennes. La réticence des médias à soulever ce point montre combien le sujet les laisse désemparés. Subtilement, c'est à la mémoire collective que le Pape a choisi de s'adresser, pour rappeler l'histoire de la «fille aînée de l'Église». Les lieux d'où il a parlé (le Collège des Bernardins, Notre-Dame de Paris, la grotte de Lourdes) ont été à chaque fois l'occasion, pour lui, de rappeler les hommes qui les avaient construits, habités, vénérés. Et c'est cette pédagogie du souvenir qui a été comprise par les milliers de jeunes présents.

Quand, au Collège des Bernardins, le Pape rappelle que la Bible est «un recueil de textes littéraires dont la rédaction s'étend sur plus d'un millénaire» et que «ce pluriel souligne déjà clairement que la parole de Dieu nous parvient seulement à travers des paroles humaines», il souligne en creux la différence avec le Coran, supposé avoir recueilli directement la parole divine, qui ne se prête ni à la réécriture ni aux interprétations. La Bible, dit Benoît XVI, exclut pour cela «tout ce qu'on appelle aujourd'hui “fondamentalisme”».

Mais l'islam n'est pour rien dans la déculturation née d'une amnésie sur les origines de la nation. On ne peut non plus reprocher à la deuxième religion de France de tenter de tirer profit de la déchristianisation d'un pays laïque qui ne sait plus d'où il vient ni où il va. Le Pape réveillera-t-il la France ? C'est l'objectif qu'il s'est assigné : «Je suis convaincu que les nations ne doivent jamais accepter de voir disparaître ce qui fait leur identité propre (…). Les pays (….) doivent veiller à préserver et développer leur culture propre, sans jamais la laisser absorber par d'autres ou se noyer dans une terne uniformité.» Ce conservatisme est celui d'un visionnaire.

Les racines de la France
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Le Pape, présenté par ses détracteurs comme archaïque et sans envergure (ndlr: Benoît XVI n'a jamais été présenté comme sans envergure, seulement comme "peu charismatique", un concept inventé tot exprès pour le démolir), a touché au-delà des catholiques. Il a su parler aux Français soucieux de leur identité, et cet «élan populaire», souligné lundi par François Fillon, laissera des traces. L'exceptionnelle communion de vue entre Benoît XVI et Nicolas Sarkozy (ndlr: n'est-ce pas un peu beaucoup, même si on peut apprécier l'attitude du Président sur ce point?) laisse supposer des actions concrètes, dans le respect d'une laïcité ouverte, c'est-à-dire «positive». Pourquoi ne pas commencer par inscrire, dans le préambule de la Constitution française, le rappel des racines historiques, notamment judéo-chrétiennes, de la France ?
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"La visite de la providence" vue par H. Bodenez

Le plus bel article, le plus beau des récits!
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Une visite de la Providence. Sur les pas du pélerin Benoît XVI
Hélène Bodenez
http://www.libertepolitique.com/

Le ciel se pare des feux du soir.
Sur le pont Notre-Dame, s’agglutine une foule bigarrée, avide de voir, d’entendre, d’accueillir l’insigne visiteur. Calme, elle espère Benoît XVI. Tout groggy encore, on vient juste de sortir de la leçon des Bernardins, époustouflante de clarté, tendue vers une conclusion donnée avec douceur : « Ce qui a fondé la culture de l’Europe, la recherche de Dieu et la disponibilité à L’écouter, demeure aujourd’hui encore le fondement de toute culture véritable. »

Une femme imposante passe et vocifère, crachant sa haine. Des barrières trop lointaines, le badaud voit se profiler les tours de la cathédrale mais l’écran géant est loin. Magie du téléphone portable, il suivra tout de même, en direct sur Radio Notre-Dame, les enseignements qui se suivent et se répondent toujours plus profondément. Le pape a lancé désormais le pèlerinage marial. En ce jour du saint nom de Marie célébré lors de vêpres grandioses, le successeur de Pierre conclut avec sa première encyclique : « En Notre Dame nous avons le plus bel exemple de la fidélité à la Parole divine. […] Dans la Parole de Dieu, Marie est vraiment chez elle, elle en sort et elle y rentre avec un grand naturel. Elle parle et pense au moyen de la Parole de Dieu ; la Parole de Dieu devient sa parole, et sa parole naît de la Parole de Dieu. »

Soudain une clameur ; le pape vient de franchir le parvis Jean-Paul II. La longue attente des jeunes pèlerins est enfin récompensée.
Benoît XVI a les deux trésors de l’Esprit Saint et de la Croix à confier à cette jeunesse turbulente mais disponible. L’exhortation avance, ferme, avec une impressionnante vigueur, une énergie inattendue, une joie communicative également ; la rapidité d'élocution du pape étonne même, s’adapte parfaitement à l’auditoire captivé. Les mots jaillissent, touchent et le courant passe. Le cœur du pape, toujours neuf, est jeune et heureux. L’unité de ses paroles et de ses actes est perçue immédiatement. La jeunesse est bien là, elle acclame l’homme en blanc qui les aime : « Je vous fais confiance, chers jeunes, et je voudrais que vous éprouviez aujourd'hui et demain l'estime et l'affection de l'Église ».

À minuit, les volontaires distribuent les flambeaux. La récitation du Rosaire, concentré de « la profondeur du message évangélique », « contemplation du visage du Christ » s’élève au gré de la progression des groupes sur le « Chemin de lumière ». Sur les quais, une grande statue d’argent de la Vierge ; la procession s’ébranle. Les participants ne cessent d'affluer, et à deux heures du matin les troupes ont grossi. Les chants se succèdent, l’unité se fait : grâce aux haut-parleurs mobiles à distance parfaite, on prie les mystères du chapelet, tout le monde chante, que ce soit l’antique « Chez nous soyez Reine » ou des chants plus swinguants. Les flux étaient tels que l’on se retrouvait tantôt sous une bannière tantôt sous une autre, sans sourciller. Il y avait là quelque chose d'inouï, quelque chose d’exceptionnel dans l’incroyable douceur de cette nuit d’été.

Deux heures et demie de repos plus tard – tout à fait relatif ! - chacun est déjà debout pour la messe des Invalides : elle fut, devant les oliviers de la paix, glorieuse et magnifique, fervente de ses centaines de milliers de participants, de ses milliers de volontaires en blanc ou en orange.

Mais incontestablement Lourdes sera le sommet du voyage avec la messe du « serviteur des serviteurs » sur la plaine, puis la procession eucharistique baignant dans un silence « rempli de prière et de la conscience de la présence du Seigneur », procession d’une intériorité extrême en ce dimanche de la Croix glorieuse. Joie de se retrouver par exemple mêlé au pèlerinage diocésain de Quimper. L’évêque reconnaît soudain ses ouailles au foulard vert, quitte sa file et s’approche d'elles. Puis il lance après avoir salué plusieurs personnes : « Priez pour le diocèse ! priez pour les vocations ! » Un homme de là-bas admet : « Il est bien cet évêque, il est pas fier ! »… Joie également de voir au milieu des allées, des prêtres en soutanes blanches avec leur étole violette, ils se rendent visibles, disponibles, et les personnes s’avancent, demandent à recevoir la miséricorde de Dieu.

Délicatesse extrême de notre pape le lendemain sur l’esplanade de Notre-Dame du Rosaire, où dans une homélie lumineuse, le vicaire du Christ nous attire dans la compassion de Marie, « source de tout amour », « étoile d’espérance », pour entrer dans la Passion de son fils, nous appelant à contempler le sourire de notre mère du ciel : « Dans le sourire de la plus éminente de toutes les créatures, tournée vers nous, se reflète notre dignité d'enfants de Dieu, cette dignité qui n'abandonne jamais celui qui est malade. Ce sourire, vrai reflet de la tendresse de Dieu, est la source d'une espérance invisible. » La journée avait commencé tôt ; la foule s’était pressée autour des malades et les yeux continuaient de briller. Des moines avaient chanté les laudes sous leur drapeau des JMJ de Sydney. Frappé du Receive the power, il flottait fluo dans le vent glacé du matin.

Il faudra bien accepter de comprendre l’insistance du Saint-Père à n’avoir pas voulu réduire sa venue à celle d’un intellectuel de haute stature, et à ne pas s’être laissé phagocyter par les grands de ce monde, fussent-ils tous invités aux Bernardins. Dès le message de la veille de son arrivée en France, donné du Vatican, dès le discours aux autorités de l’État à l’Élysée, le pape rappelle que la finalité de ce premier voyage est pastorale, celle au fond d’un fils de Marie qui veut vénérer en pèlerin parmi les pèlerins la mère de l’Église. Plusieurs fois, lors des discours prononcés reviennent en tranquilles leitmotive quelques avertissements : aux Invalides, Benoît XVI classe le savoir comme idole possible au même rang que le pouvoir ou l’avoir. À Lourdes, le pape ne manque pas de citer ce verset tranchant de l’Évangile lors de l’homélie du dimanche : « Ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l'as révélé aux tout-petits » (Mt 11, 25).

Lors de cette même homélie de la messe de la Croix glorieuse, le pape évoque l’humilité qui préside au jubilé : « En suivant le parcours jubilaire sur les pas de Bernadette, l'essentiel du message de Lourdes nous est rappelé. Bernadette est l’aînée d’une famille très pauvre, qui ne possède ni savoir ni pouvoir, faible de santé. » Quelle est donc cette autre science, supérieure même, donnée ici dans ce beau pays de Bigorre ? Leçon à méditer aussi et à recevoir.

Le voyage marial est plus important qu’il n’y paraît. Les liens, apparemment lâches, entre les deux étapes du Saint-Père ne seraient-ils pas plus étroits qu’on ne le pense ? Écoutons George Weigel interviewé par Zenit : « Je crois que l'on voit clairement, à travers son œuvre théologique des quarante-cinq dernières années que Joseph Ratzinger a une profonde dévotion pour la Vierge et une vision claire de sa place dans l'histoire du salut. L'héritage bavarois du cardinal Ratzinger l'a sans doute aussi prédisposé à une piété mariale sérieuse. »

La dimension du voyage à Lourdes ne serait-elle pas proprement eschatologique ? Comprenons bien entendu le mot tel que Benoît XVI l’explique aux Bernardins à propos des moines : « Au sens existentiel : derrière le provisoire, ils cherchaient le définitif. » Dans son autobiographie intitulée Ma vie, le cardinal Ratzinger s’était déjà attardé sur cette « curieuse providence » : … « L’Église au siècle du progrès et de la foi en la science s’est trouvée le plus souvent représentée par des êtres tout simples comme Bernadette de Lourdes, par exemple. » À Lourdes, le pape invite à voir clair et à reconnaître par là même l’heure de Dieu que prépare toujours la Vierge immaculée, Porta caeli. L’heure est mariale, « l’heure est propice à un retour à Dieu », précisera bien le pape encore à son départ.

« Demeurez donc, heures propices », ne cessons-nous de nous redire après ces temps d’exception vécus à Paris et au Sanctuaire des apparitions de la Vierge. En ce mois de septembre 2008, dix ans jour pour jour après Fides et Ratio, deux ans après le tollé de Ratisbonne, Benoît XVI est « non seulement venu », mais il est « resté » et les paroles qu’il a généreusement données à la France se sont inscrites en lettres de feu dans les cœurs et les esprits. Elles nous rééduquent, nous réapprenant les vertus oubliées du signe de Croix, de l’angélus, de la communion, et de l’adoration. Difficile de ne pas les affronter dans une relecture « obéissante », tant les thèmes abordés touchent le tréfonds de l’âme humaine.

Que conserverons-nous le plus en nos cœurs ? Sans nul doute, les bras ouverts du pape, son regard de bonté mais par dessus tout son ample parole de paix qui fait l’unité.


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