Analyses de M. Fromentoux, dans Action Française

Il livre sa lecture de le conférence des Bernardins, et comment il voit la réception par les jeunes du discours du pape (5/10/2008)




On peut juste déplorer son pessimisme - même si je le partage - ... à peine tempéré par la lueur d'espoir finale: Sachons espérer...

Texte scanné sur l'édition papier.


Un discours qui fera date.

La lettre tue, l'esprit libère.
Michel Fromentoux, L'Action française du 18 septembre.

Une culture sans Dieu serait « la capitulation de la raison », selon le Pape qui s'exprimait le 13 septembre à paris au Collège des bernardins

De tous les propos tenus ces 12 et 13 septembre à Paris par le souverain pontife, son discours au monde de la culture ce vendredi 13 au collège des Bernardins (5e arrondissement) tout récemment, et magnifiquement!, restauré, fera date, sans aucun doute, dans l'histoire des idées.

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Le chemin vers la Parole
Il s'agit d'un texte prononcé devant six cents personnes triées sur le volet, dont deux anciens présidents peu coutumiers d'une telle élévation d'esprit, Valéry Giscard d'Estaing et Jacques Chirac qu'accompagnait son épouse Bernadette, des chefs religieux de différentes confessions, dont le recteur de la mosquée de Paris, Dalil Boubakeur qui écoutait en jubilant, de divers hommes politiques, dont le maire de Paris Bertrand Delanoe ou l'ancien ministre Robert Badinter qui n'a pas caché sur LCI qu'il avait été séduit, ainsi que des artistes, savants, écrivains et universitaires...
On ne saisit réellement la richesse d'un tel expose qu'après plusieurs lectures, mais dès l'abord on se trouve emporté aux origines mêmes de l'Europe dont il n'est plus possible d'oublier ou de nier qu'elles sont chrétiennes, à moins que l'on se réfère à l'Europe technocratique, mercantile et libertaire que d'aucuns s'obstinent à construire aujourdhui de toutes pièces. Le pape pense à l'Europe réelle, comme il l'avait montré le mtin même à l'Elysée parlant d'une unité européenne garantissant "le respect des différences nationales et des diverses traditions culturelles qui constituent une richesse dans la symphonie européenne ".
Sous les angéliques voûtes gothiques de ce lieu historique bâti par les fils de saint Bernard de Clairvaux en 1247, le Saint-Père évoque les monastères, ces espaces où, dans l'effroyable fracture culturelle et dans les grandes migrations du haut Moyen Âge, "survécurent les trésors de l'antique culture". Les moines, cherchant Dieu, "s'appliquaient à trouver ce qui a de la valeur et
demeure toujours, à trouver la vie elle-même ".
Or les livres des saintes Écritures étaient comme les « bornes milliaires » conduisant à la Parole, car « le désir de Dieu comprend l'amour des lettres, l'amour de la parole, son exploration dans toutes ses dimensions".

Fondamentalisme
La bibliothèque fit alors partie intégrantee du monastère tout comme l'école, éveillant ainsi toute la communauté à la Parole, avec laquelle les moines établissaient par la prière et par le chant des psaumes le plus beau des dialogues, uni à la musique des anges. Ici, Benoît XVI, lui-même grand musicien (il joue, dit-on, tous les jours du piano), évoque la naissance de la grande musique occidentale, qui n'est pas le fruit de la « créativité » individuelle, mais qui atteint « avec les oreilles du coeur les lois constitutives de l'harmonie de la création ». On est alors bien loin de la musique moderne, pour laquelle "faire la fête" est si souvent un but en soi.
Et voici que la pensée papale s'ouvre sur un prodigieux développement : Dieu nous parle par l'humanité des paroles des hommes, mais le sens profond, le caractère divin de celles-ci, n'est pas saisissable si l'on s'en tient aux simples mots. Au-delà du Livre, il faut une communion vécue avec la Parole qui crée l'histoire. Alors, mais alors seulement, se trouve exclu tout fondamentalisme religieux : la lettre tue, mais l'Esprit'libère par « le dépassement de la lettre et sa compréhension holistique ». Hors de ce lien supérieur, ne subsistent plus que l'arbitraire subjectif ou le fanatisme fondamentaliste, l'un et l'autre tournant le dos à la culture occidentale née du monachisme. D'où cet avertissement, qui, sans peut-être que le pape l'ait réellement pensé, remet en cause les principes de 89 et vaut, nous semble-t-il, le plus élaboré des plans antiterroristes : « Si la culture européenne d'aujourd'hui comprenait désormais la liberté comme l'absence totale de liens, cela serait fatal et favoriserait inévitablement le fanatisme et l'arbitraire. L'absence de liens et l'arbitraire ne sont pas la liberté mais sa destruction ».

Le travail et la Création
Autre composante du monachisme : le travail, conçu comme participation de l'homme à l'oeuvre créatrice de Dieu, comme « expression de la ressemblance de l'homme avec le créateur » lequel poursuit sa création dans l'histoire. Cette culture du travail comme collaboration avec Dieu
est l'originalité de « l'ethos » européen, explique le pape avant de proclamer un autre avertissement essentiel : le travail a sa mesure en Dieu, et « là où cette mesure vient à manquer, là où l'homme s'élève lui-même au rang de créateur déifome, la transformation du monde peut facilement aboutir à sa destruction ».
Nous savons que refaire le monde à l'image et à la ressemblance de l'homme fut le voeu de la Révolution, comme il est toujours celui tant de certains urbanistes que de certains bioéthiciens...

"Au Dieu inconnu"
Le Saint-Père en vient alors à la nécessité d'élever les hommes à la Parole qui est le chemin de vie et par laquelle Dieu vient à la rencontre de l'homme. Ou du moins de susciter chez les hommes un « mouvement intérieur » qui éveille leur volonté de chercher et d'ouvrir à lui leur raison, car Dieu n'est pas du domaine de l'irrationalité, mais au contraire de celui de « la raison créatrice » et de « la liberté ». Comme au temps de saint Paul, le « Dieu inconnu » est plus ou moins dans la pensée et dans le sentiment humains, la question de son absence se pose aujourd'hui comme de tout temps. « Chercher Dieu et se laisser trouver par Lui », explique alors le pape, ne relève pas du domaine « subjectif et non scientifique ». Croire cela serait « la capitulation de la raison, le renoncement à ses possibilités les plus élevées et donc un échec de l'humanisme, dont les conséquences ne pourraient être que graves ». D'où cette conclusion lapidaire : « Ce qui a fondé la culture de l'Europe, la recherche de Dieu et la disponibilité à L'écouter demeure aujourd'hui encore le fondement de toute culture véritable. »
On ne sort pas indemne d'une méditation sur d'aussi fortes paroles. Benoît XVI, sans jouer le moins du monde au donneur de leçons, a su toucher et même ordonner les intelligences qui l'écoutaient. Et nous sommes tentés de penser à Maurras louant l'Église, dans la préface de La Démocratie religieuse, de toujours ramener tes esprits à la juste et lucide considération de ce qui a « le plus haut degré d'importance, d'utilité ou de bonté ».
Nous ajouterons aussi que l'épanouissement au temps de saint Bernard de la vie monacale et des fruits qu'elle dispensait à la société fut amplement favorisé par l'action ordonnatrice des Capétiens. Les valeurs spirituelles ont elles-mêmes besoin d'un terreau politique qui pousse tes hommes à donner le meilleur d'eux-mêmes.
Notre république ne peut rien comprendre aux paroles de Benoît XVI.


LE PAPE S'ADRESSE AUX JEUNES CATHOLIQUES

Je vous confie la Croix du Christ !
Quand le vieil homme en blanc tend vers eux les bras et leur adresse la parole, il déclenche aussitôt un ouragan de gaieté... Des feux de paille, vite étouffés ?

L'une des plus grandes leçons des voyages pontificaux en France ces dernières années est assurément qu'il ne faut jamais désespérer de la jeunesse. Elle ne manque pas d'enthousiasme, ni de disponibilité, mais tout simplement de vrais maîtres qui sachent la prendre au sérieux et qui, plutôt que de l'encenser, lui montrent des sommets à atteindre.

Grande ferveur
On l'avait vu avec Jean-Paul II, on le revoit avec Benoît XVI : dès que le vieil homme en blanc tend vers eux les bras et leur adresse la parole, passe aussitôt un ouragan de gaieté saine qui n'a rien de commun avec la frénésie panurgique de certains rassemblements à la mode. Il fallait voir ces filles et ces garçons agiter les drapeaux aux couleurs vaticanes, applaudir à tout rompre et crier « Benedetto » ou « vive le pape!» tant sur le parcours de la papamobile le long des quais de Seine, que sur le parvis de Notre-Dame ou le lendemain quand ils faisaient vibrer le sol de l'esplanade des Invalides... Ils étaient plus de 50 000, le vendredi soir, quand le Saint-Père sortit de Notre-Dame ; ils le reconnurent aussitôt comme un père que l'on fête et de qui l'on attend des paroles qui sauvent... Des paroles loin du langage du monde.
Il leur a parlé d'abord du Saint-Esprit : « Tous vous cherchez à aimer et à être aimés. L'Esprit qui est amour peut ouvrir vos coeurs pour recevoir le don de l'amour authentique. » C'est autre chose que les amours faciles et superficielles que montre la télévision...

N'ayez pas peur !
Et voici l'appel qui exalte le jeunes : « Vous êtes à l'âge de la générosité, [l'âge de] témoigner. N'ayez pas peur!» Tonnerre d'applaudissements (cela rappelle les premiers mots de Jean-Paul II en 1978, quand ils n'étaient pas nés... ). Et le pape poursuit sa paternelle exhortation: « Portez la Bonne Nouvelle aux jeunes de votre âge et aussi aux autres. lis connaissent les turbulences des affections, le souci et l'incertitude face au travail et aux études. »
Puis évitant un banal "vous êtes l'avenir de l'Église", trop ressassé et qui n'engage à rien, Benoît XVI s écrie : « L'Église vous fait confiance, je tiens à vous le dire. » Nouveau tonnerre d'applaudissements.
Ce n'est pas tout: le pape, a un autre trésor à leur confier: « Beaucoup d'entre vous portent
autour de leur cou une chaîne avec une croix. (. ..] Ce n'est pas un ornement, ni un bijou. C'est le symbole précieux de votre foi, le signe visible et matériel du ralliement au Christ. » L'allusion est discrète mais claire au stupide débat des dernières années Chirac sur les signes extérieurs de religion...
Et contre quels dangers corrupteurs la Croix les protégera-t-elle ? « Les querelles et
les luttes au sein de la communauté des croyants, la séduction offerte par de pseudo-sagesses religieuses ou philosophiques, la superficialité de la foi et la morale dissoute. »
L'homme qui ne peut rien par ses propres forces peut tout, nourri de la sagesse de l'Esprit, lequel « ouvre l'intelligence humaine à de nouveaux horizons qui la dépassent et lui fait comprendre que l'unique vraie sagesse réside dans la grandeur du Christ [..] mort et ressuscité pour la vie du monde, pour la vie de chacun et de chacune d'entre vous en particulier ».

Espérance
Ce n'est pas un chemin facile que propose le pape. Il ne le cache pas : « La Croix attire aussi parfois la raillerie et même la persécution. La Croix compromet en quelque sorte la sécurité humaine, mais elle affermit aussi et surtout la grâce de Dieu et confirme notre salut. Ce soir je vous confie la Croix du Christ! »
Nouveau tonnerre d'applaudissements. Enfin, rappelant avec saint Paul que c'est en donnant (ou "perdant") sa vie qu'on peut la trouver, le pape forme discrètement le souhait que le mystère de la Croix fasse découvrir à certains l'appel à servir le Christ dans le sacerdoce... Puis leur redisant, cette fois à la première personne « Je vous fais confiance, chers jeunes » (nouveau tonnerre d'applaudissements), il les bénit ainsi que leurs familles et leurs amis.

Fidèles infatigables
Commença alors la veillée de prières qui s'acheva vers minuit par un très beau "chemin de lumière" - une procession aux flambeaux vers l'esplanade des Invalides où ils passèrent la nuit à se reposer (un peu) en attendant l'arrivée du pape le lendemain matin pour la grand'messe. Ils s'apprêtaient déjà, infatigables, à manifester la même joie, avec cette faculté remarquable et rare de passer en une seconde de l'exaltation la plus bruyante au silence le plus total et le plus impressionnant.


Voilà qui fait plaisir à voir, mais on peut, hélas, craindre que ces moments bénis ne soient comme les JMJ que des feux de paille, vite étouffés chez beaucoup quand ils retrouveront l'atroce réalité, la banalité quotidienne de leurs quartiers ou la fadeur de trop de paroisses sans vie. La graine semée ne peut pourtant pas être perdue pour tous.
Sachons espérer.


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