Encyclopédie Universelle


LOUIS XVI (1754-1793)

Roi de France (1774-1792)


monnaie à l'effigie de Louis XVI

Petit-fils de Louis XV, fils du Dauphin et de Marie-Josèphe de Saxe, Louis Auguste devient dauphin lui-même à douze ans par la mort de son père (il sera orphelin de mère à treize ans).

De son père, qu'il n'a guère connu et qui ne s'est guère intéressé à lui, il gardera toujours le culte; il en héritera la piété, la générosité, l'aversion contre les idées nouvelles et la méfiance envers tous ceux qui, hommes d'État, écrivains ou penseurs, ont touché de près à cette coterie des philosophes protégés par Mme de Pompadour et tenue pour responsable des mœurs relâchées de Louis XV. Il est élevé par son gouverneur, le duc de La Vauguyon, et par son précepteur, Mgr de Coestloquet.

Louis XVI enfant

L'instruction, à la fois livresque et pratique, est bonne, mais la formation médiocre; il entendra le latin, parlera l'italien, rédigera dans un français clair et nuancé, excellera dans les mathématiques, la géographie et les sciences physiques, s'intéressera de très près au droit et à l'histoire. En revanche, il ignorera tout de l'art militaire et méconnaîtra le soldat. Il manque de manières, fait preuve de brusquerie et de bizarrerie. Chasseur infatigable, cavalier d'une rare adresse, doué pour les travaux artisanaux (on connaît assez son goût pour la serrurerie), il semble peu porté sur l'amour. Peut-être est-il encore vierge lorsque, à quinze ans, il épouse Marie-Antoinette. Une légère malformation retardera la réalité de l'union consacrée par la naissance de Mme Royale (1778).

Le Dauphin

Devenu roi à vingt ans par la mort de son grand-père, Louis XVI se sépare des ministres du défunt roi, interrompt la révolution royale commencée en 1771, ouvre son Conseil à Maurepas, à Vergennes et à Turgot. La roideur dogmatique de ce dernier amène le souverain à s'en séparer dès 1776, non sans que le ministre ait réalisé d'utiles réformes. Louis XVI refusera de même de soutenir longtemps Necker quelques années plus tard. Il n'est pas un monarque doué pour agir fermement, ni même pour conserver sa confiance à ceux qui pourraient agir en son nom. Contre les parlements rétablis qui multiplient les entraves à l'administration royale, le roi se refuse à sévir tant il croit nécessaire d'appuyer son gouvernement sur sa propre popularité. Celle-ci ne souffrira longtemps que des inconséquences de la reine. Louis XVI, passionné pour la renaissance navale de la France, enflammé par l'idée de revanche sur l'Angleterre, intervient victorieusement en Amérique (avec Rochambeau), aux Indes (avec Suffren) et rend au royaume une position d'arbitre européen inconnue depuis le temps de Fontenoy.

Mais ces campagnes ont, de concert avec les dépenses de la cour et des privilégiés, épuisé les finances publiques. Un État pauvre dans une France riche assure de plus en plus malaisément ses fonctions, cependant que les récoltes médiocres engendrent sporadiquement des disettes. Louis XVI voudrait revenir aux combats de son grand-père pour la gratuité de la justice et l'égalité devant l'impôt mais ne veut pas se heurter aux privilégiés. Par l'octroi aux nobles des bénéfices ecclésiastiques et le monopole à leur profit des grades d'officiers, la soutane et l'épée, promotions traditionnelles dans l'ancienne France et ouvrant au troisième ordre les portes des deux premiers, sont désormais confisquées.

Portrait officiel, par Duplessis

En 1787, Louis XVI tente l'assainissement fiscal et financier en réunissant, à l'instigation du contrôleur général Calonne, une Assemblée des notables. Devant l'échec, il renvoie Calonne et fait appel à son adversaire, Loménie de Brienne. Celui-ci connaît les mêmes difficultés et revient, trop tard pour la monarchie, à la politique de Louis XV; il exile les parlements. Une nouvelle fois Louis XVI, si constant en politique extérieure mais répugnant aux mesures violentes, même nécessaires, dans le domaine intérieur, se sépare de Loménie et renonce à sa tentative de despotisme éclairé.

Comme l'Assemblée des notables n'a pas engendré de désordres, le roi, sur le conseil de Necker, croit pouvoir sans risque faire appel aux États généraux et autorise le doublement du tiers. À cette date, sa popularité, attestée par tous, est immense, à la mesure des espoirs que sa décision fait naître. Contrairement aux prévisions du monarque, les députés exigent de se constituer en Assemblée nationale. Louis XVI atermoie, puis leur ordonne de se disperser, enfin cède à leur résistance. Toujours à contretemps, il se décide pour la répression, renvoie Necker, concentre des troupes, provoque ainsi la journée parisienne du 14 juillet, dont il limite les effets en affrontant avec crânerie Paris insurgé. De même, agissant à contretemps, il refuse de sanctionner les décrets du 4-Août et la Déclaration des droits de l'homme avant de se voir forcé d'y adhérer par l'émeute de la faim des 5 et 6 octobre, et obligé de venir résider à Paris. Il s'assure alors la complicité de Mirabeau, mais n'ose suivre ses conseils; celui-ci préconisait le départ du souverain et de l'Assemblée pour une ville éloignée de la capitale.

Restant prisonnier du peuple de Paris, Louis XVI se condamne à ne pouvoir prendre aucune des initiatives susceptibles de briser le cours de la Révolution, ou du moins de lui opposer une alternative réalisable. Il accable la Constituante de déclarations où il proteste de son dévouement total à l'œuvre de régénération de la patrie et il intrigue en cachette avec les cours hostiles à la Révolution. En son âme et conscience, tel qu'il a été façonné par les principes de son éducation, il est convaincu d'agir ainsi selon son devoir; son caractère indécis et souvent dissimulé par timidité s'accommode aisément de ses louvoiements et de ce qu'il faut bien appeler ses mensonges; mais, à mesure qu'elle est pressentie puis avérée, sa duplicité lui aliène les sympathies et même les estimes. La fuite à Varennes (juin 1791) mettra fin à toute possibilité pour lui d'être le roi le plus populaire et peut-être le plus réellement puissant de sa dynastie en prenant la tête d'une nation rénovée.

Torturé dans sa conscience de chrétien par l'application de la Constitution civile du clergé, qu'il avait pourtant ratifiée en décembre 1790, indigné par une émeute l'empêchant de se rendre à Saint-Cloud pour faire ses Pâques sans le secours d'un prêtre assermenté, Louis XVI tente avec sa famille de gagner la place fidèle de Montmédy, se fait arrêter à Varennes avant d'avoir pu rejoindre les troupes envoyées par Bouillé; reconduit à Paris, il est suspendu par l'Assemblée. Rétabli dans ses prérogatives un mois plus tard, il a la chance, la dernière de son règne, de voir venir à lui les Feuillants (ancienne aile droite des Jacobins: les Lameth, Duport et Barnave); comme ceux de Mirabeau naguère, il écoute leurs conseils mais, par défiance, ne les suit pas. Face à la Législative, passablement soupçonneuse à son égard, le roi paraît se cantonner dans ses devoirs constitutionnels, mais ne renonce pas à reconquérir ses pouvoirs. Quand Brissot fait campagne en faveur de la guerre contre l'Empire, Louis XVI pense en tirer avantage; si la guerre est gagnée, l'unité se cimentera dans la victoire; si elle est perdue, comme il l'espère, le roi pourra seul négocier utilement avec le vainqueur, et partant recouvrer son autorité. Toutefois, entre les émigrés, résolus à supplanter le monarque, et les Jacobins, déterminés à confisquer ses derniers pouvoirs, la marge de manœuvre est d'autant plus étroite que Louis inquiète les révolutionnaires par ses tractations mal dissimulées avec les chancelleries étrangères.

En opposant son veto suspensif aux mesures d'exception proposées par les ministres girondins, il s'attire la colère des faubourgs et subit, le 20 juin 1792, l'invasion de son palais. Sa fermeté et sa dignité dans cette circonstance lui valent un relatif retour de popularité, mais le manifeste de Brunswick, menaçant de raser Paris si la famille royale n'est pas respectée, provoque l'indignation populaire et l'insurrection du 10 août. Louis XVI, voyant les Tuileries investies, croit habile d'en appeler à la légalité; il se rend à l'Assemblée, ordonne aux gardes suisses de cesser leur défense contre les sections parisiennes et les fédérés. Suspendu pour la seconde fois, livré par les députés à la Commune, il est conduit à la prison du Temple. Après la proclamation de la République (21 sept. 1792), la Convention, soucieuse de légitimer l'insurrection du 10 août, se prononce pour le procès de "Louis Capet". Celui-ci, craignant des représailles contre sa famille, se laisse conduire devant l'Assemblée, paraissant du même coup la reconnaître. Embarrassé par la découverte de papiers compromettants dans l'armoire de fer des Tuileries, l'inculpé oppose à toutes les accusations des dénégations systématiques et maladroites mais impressionne les députés par sa dignité. Le manque d'unanimité des Girondins et la pression des tribunes provoquent néanmoins la condamnation à mort (théorique par 387 voix contre 344, effective par 361 voix contre 360). Un vote ultime en faveur du sursis ayant été rejeté par 380 voix contre 310, le condamné, montrant au matin de son exécution la majesté vraiment royale qui lui avait fait défaut durant son règne, monte à l'échafaud le 21 janvier 1793 à dix heures dix du matin.