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LA VIE PRIVÉE DE BENOÏT XVI

Benoît XVI intime

ALORS QUE le Vatican s'apprête à fêter le premier Noël du pontificat de Benoît XVI, Le Figaro raconte la vie quotidienne du pape allemand, élu le 19 avril dernier. Entouré d'un cercle très restreint, cet « intellectuel de l'Eglise» a rompu avec les fréquentes apparitions publiques de son prédécesseur comme avec la réception de visiteurs dans les appartements privés. Le successeur de Jean-Paul II a opté pour le silence, la discrétion et le travail dans son bureau, où il a entassé les 20 000 volumes de sa bibliothèque personnelle. Un ascète dans les palais pontificaux.


 
 

La vie austère d'un Pape amoureux du silence
Le Vatican s'apprête à vivre les premières fêtes de Noël du pontificat de Benoît XVI. A cette occasion, nous avons enquêté sur la vie quotidienne du Pape allemand élu le 19 avril.

AU PIED de l'obélisque de la place Saint-Pierre, la crèche de Noël est installée sous les ramures du sapin colossal qui la surplombe.

A cette heure matinale, les portes de bronze, entrée officielle du Vatican sur laquelle veille la Garde suisse, sont encore closes. Il est 5 h 30. Une lumière s'est allumée à l'angle droit du troisième étage du palais (1). Benoît XVI se lève. A Rome, il n'y a pas de secrets, mais des mystères. Et depuis son élection, les pièces qu'occupe là-haut le Pape n'ont toujours pas livré le leur. Avec Benoît XVI, les portes de l'appartement pontifical se sont refermées.
Jean-Paul II en avait pourtant fait un foyer chaleureux. Il recevait chaque matin pour sa messe privée, ne déjeunait et ne dînait presque jamais seul. Il était alors aisé de ramasser des miettes d'information après les soupers pontificaux. Aujourd'hui, les visiteurs de son successeur restent sur leur faim. Benoît XVI a préservé la vie austère qu'il menait avant son élection. Il ne reçoit quasiment plus chez lui, sinon un nombre infime de privilégiés. C'est dans cette tour d'ivoire que le Pape gouverne l'Église, à l'abri des regards et surtout des oreilles indiscrètes. Plus que jamais, chez le Pontife bavarois, le silence est d'or.

Une atmosphère universitaire
Il y a cent ans que les papes ont élu domicile au troisième étage du palais apostolique. Benoît XVI a pris officiellement possession des lieux au lendemain de son élection. Il y vit désormais entouré de sa maisonnée. Carmela, Emanuela, Loredana et Cristina, quadragénaires et laïques consacrées du mouvement conservateur italien Communion et Libération - et non des religieuses comme pour ses prédécesseurs -, s'occupent de la cuisine et du linge. Angelo Gugel, le majordome de Jean-Paul II, continue de servir à table.
Le second secrétaire- du pape polonais Mgr Mieczyslaw Mokrzycki, surnommé « Mietek », est aussi resté en fonction.
De cette « famille pontificale », Mgr Georg Gaenswein, le secrétaire particulier du Pape, est la figure la plus médiatique. Bavarois tout comme le Saint-Père, 49 ans, sportif, « Don Giorgio » a pourtant dû abandonner ses habitudes en gagnant son nouveau logement de fonction au quatrième étage du palais, au niveau des terrasses aménagées en jardin avec vue imprenable sur Rome.
Cet habitué des restaurants du centre-ville n'a pas perdu son sourire, mais il a coupé les ponts avec bon nombre de ses anciens amis pour se dédier au service exclusif d'un Pape discret. Il le suit partout, et a appris à être inflexible. Pas d'étiquette, mais des consignes strictes. Si l'on a la chance d'être présenté au Pape, on dispose de quelques secondes pour le saluer et laisser le flash crépiter.
Surtout pas de question.
Benoît XVI a une vie minutée. C'est sa façon de gouverner. Avec une montre à l'heure de Rome, on peut savoir ce que le Pape est en train de faire dans une journée ordinaire. Après son lever, il célèbre la messe dans sa chapelle privée (2) de marbre clair aux vitraux colorés, la même que celle de Jean-Paul II, aménagée par Paul VI. Ses deux secrétaires serventcette messe à laquelle assistent les quatre femmes à son service. Suit le petit déjeuner dans la salle à manger (3). Le Pape prend un cappuccino. Puis il retrouve son bureau (4) aux murs couverts de rayonnages où s'entassent les 20 000 ouvrages de sa bibliothèque personnelle. Par beau temps, la fenêtre qui donne sur la place Saint-Pierre est ouverte. C'est de là qu'il apparaît chaque dimanche à midi pour la prière de l'Angélus. Une statue de saint Joseph, une icône de la Vierge à l'enfant et un chaton enjôleur en porcelaine sur la table, un vieux téléphone blanc, un sous-main usé et un porte-crayons sans âge sont les objets familiers qui entourent le Pape théologien.
C'est dans cette atmosphère universitaire qu'il lit, étudie, écrit bon nombre de ses discours et travaille ses dossiers. Le Pape délègue peu.
Son ancienne gouvernante, Ingrid Stampa, habituée à retranscrire son écriture fine et ses notes en allemand, ne l'a pas suivi dans sa nouvelle demeure. Elle est plus utile à la secrétairerie d'État, dans l'autre aile et loge dans une petite rue de la Cité du Vatican.

Cuisine plutôt italienne et pas trop salée
Sauf le mercredi, jour de l'audience générale où se pressent des milliers de fidèles, c'est à 11 heures que commence la vie publique de Benoît XVI.
Par un ascenseur privé, il gagne alors l'appartement officiel au deuxième étage. Il y reçoit à la suite chefs d'État, évêques et divers groupes, dont la liste a été rendue publique le matin même. Ses « ministres » les plus importants sont convoqués à heure et à jour fixes, mais le Pape se réserve le droit jusqu'au dernier moment d'accorder ou de refuser une audience. Les invités précédés d'huissiers, introduits par le préfet de la Maison pontificale, traversent l'enfilade des onze antichambres pour gagner la curie.
La cuisine est simple, plutôt italienne et pas trop salée. Le Pape suit un régime depuis une première alerte cardiaque, il y a quinze ans. Mais il a un faible pour les sucreries. Il aura ensuite un peu de temps pour se détendre en jouant du Mozart au piano (6). Il n'a pas été aisé de monter son vieux demi-queue au troisième étage.

Pas de chat dans les couloirs
Benoît XVI a fait effectuer des travaux dans cet appartement élégant et sévère aux grandes pièces tendues de toile claire et au sol de marbre. L'été dernier, plus d'une centaine d'ouvriers, peintres, tapissiers électriciens, plombiers, s'y sont affairés. L'infirmerie a été déménagée et modernisée, avec en particulier l'installation d'un cabinet dentaire (7). Carmela, Emanuela, Loredana et Cristina possèdent désormais chacune leur chambre (8). La cuisine (9) est flambant neuve. Fabriquée en Allemagne, c'est un cadeau d'un généreux donateur. Mais le mobilier est encore en grande partie celui de Jean-Paul II et surtout, malgré la légende et l'affection que le Pape leur porte, il n'y a pas de chat qui joue dans les couloirs...

A 16 h 30, une Merceries noire aux vitres teintées entre dans les cours médiévales du palais apostolique. Benoît XVI se rend dans les jardins du Vatican pour sa promenade quotidienne. Les gendarmes ont bouclé les alentours de la reproduction de la grotte de Lourdes. La voiture s'y arrête. Le Pape en descend avec son secrétaire. Généralement, ils se rendent jusqu'à l'héliport puis ils regagnent les appartements pontificaux. A 18 heures, il donne à nouveau audience à de hauts prélats de la curie et à leur suite.
Chaque jour, seul son« principal ministre », le cardinal secrétaire d'État du Saint-Siège depuis 15 ans, Angelo Sodano, passe devant le garde suisse en faction à l'entrée des appartements.
Il va s'entretenir des affaires de l'Église avec le SaintPère. Sa visite n'est pas inscrite à l'agenda officiel. Pas plus que celle de certains visiteurs que le Pape accepte de recevoir dans le plus grand secret. Le théologien contestataire Hans Kung ou Mgr Bernard Fellay, chef de file des intégristes, font partie de ces privilégiés. Ainsi, Benoît XVI peut parfois briser ses habitudes. Cet été, alors qu'il résidait dans son palais de Castel Gandolfo, il est descendu dîner au corps de garde des Suisses. La soirée fut animée par les chants et la musique de la Garde.
Il est maintenant 21 heures, une ombre passe discrètement la porte Sainte-Anne, l'entrée administrative du Vatican : Mgr Gaenswein s'accorde une discrète sortie en ville. Bientôt, la demi-heure sonne à Saint-Pierre. La lumière de la chambre pontificale s'éteint.

Hervé Yannou, correspondant du Figaro à Rome


 

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