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BENOÎT XVI AU FIL DES JOURS
 

Benoît XVI au fil des jours

IL Y A UN AN EXACTEMENT, LE CARDINAL JOSEPH RATZINGER SUCCÉDAIT À JEAN-PAUL II À LA TÊTE DE L'ÉGLISE CATHOLIQUE. DEPUIS SON PALAIS ROMAIN, IL RÈGNE DÉSORMAIS SUR UN MILLIARD ET DEMI DE FIDÈLES. À L'HEURE DES FÊTES PASCALES, PLONGÉE AU CCEUR DU VATICAN, DANS LES PAS D'UN HOMME QUI A TOUJOURS CULTIVÉ LE SECRET


 
 

C'est au troisième étage du palais du Vatican qu'il habite. Dans les appartements qui avaient été ceux de Karol Wojtyla. L'été dernier, plus d'une centaine d'ouvriers, peintres, tapissiers, électriciens, plombiers... ont travaillé dur - les derniers aménagements dataient tout de même d'il y a vingt-sept ans ! Le pape a souhaité des murs aux couleurs plus chaudes, des salles de bains modernisées, des chambres pour son personnel. L'infirmerie a été déménagée, un cabinet dentaire installé, et, grâce à la générosité d'un donateur allemand, la cuisine est désormais en Inox...



 

Il arrive que Benoît XVI s'arrête quelques instants face aux fenêtres de sa chambre. Elles donnent plein sud. Sur la place Saint-Pierre, toujours animée du va-etvient ininterrompu des touristes et des pèlerins. Elles offrent une vue imprenable sur la Ville éternelle... Comme pour lui rappeler qu'il fut un temps où, lui aussi, avait encore le loisir de s'y promener librement.


 
 

Cette époque est révolue. Le Saint-Père est prisonnier en son palais. Contraint de régner sur un monde d'ombres et de lumières. C'est de son bureau qu'il pilote le vaisseau de la chrétienté. De là qu'il apparaît chaque dimanche à midi pour la prière de l'Angelus. Une statue de Saint-Joseph, une icône de la Vierge à l'enfant, un chaton en porcelaine sur la table, un sous-main usé, un porte-crayon sans âge... Bien qu'il vive dans l'un des plus beaux lieux du monde, le pape théologien n'a rien d'un matérialiste.

Il accorde pourtant autant d'importance à la lettre qu'à l'esprit. Il écrit et parle six langues, dont le français sans accent. Et alors que Wojtyla donnait le squelette de ses discours, Ratzinger, lui, passe de nombreuses heures à peaufiner les siens, remplissant les pages de son écriture très fine, sans laisser ni blanc ni marge. Il excelle dans l'art du pamphlet, avec un style proche du Pascal des Provinciales. Hédonisme, matérialisme, consumérisme, relativisme... II mène croisade contre tout les « isme » de notre époque. Et ne délègue à personne le soin de mener à bien les réformes de l'Eglise.

Humilité, rigueur, sobriété... S'il n'avait été pape, Benoît XVI aurait pu être moine, lui qui a emprunté son nom au fondateur du monachisme occidental. Lever 6 h 30, déjeuner 13 h, dîner 19 h 30, coucher 22 h 30... Il a la régularité d'un métronome. Sa maisonnée aussi. Angelo Gugel, le majordome de Jean-Paul II, continue de le servir à table. Carmela, Emanuella, Loredana et Christina, quadragénaires et laïques consacrées du mouvement conservateur italien Communion et Libération - et non des religieuses comme pour ses prédécesseurs - s'occupent du linge et de la cuisine.
Sensible au froid, fragile du coeur, souffiant d'un léger diabète, le pape a une santé fragile. Et suit un régime sévère à base de plats italiens. Dans les grandes occasions, pourtant, il s'accorde le luxe d'une bière ou d'un plat bavarois, sa région natale. Il avoue aussi quelques péchés de gourmandise : la limonade, les sucreries et les gâteaux. Mais se contente d'un vulgaire cappuccino en guise de réveille-matin.
Le pape est un homme pressé. Solitaire.
Non pas qu'il soit d'un tempérament sec et hautain. De l'avis même de ses détracteurs, Benoît XVI se montre toujours cordial, sensible, attentif à ses interlocuteurs. C' est juste qu'il supporte mal le bruit et la foule. Moins de cris d'amour, de mains tendues, d'embrassades inattendues, de boutades improvisées. A l'inverse de Jean-Paul II, si l'on a la chance de lui être présenté, on ne dispose que de quelques secondes pour le saluer et laisser crépiter le flash. Il n'a rien d'un homme de représentation. Quand il célèbre la messe du matin, dans sa chapelle privée, c'est uniquement entouré de son personnel. Seul Georg Ganswein partage ses repas. Quarante-neuf ans, l' oeil bleu, le physique athlétique - il a été moniteur de ski dans la Forêt-Noire et joue au tennis - son secrétaire privé le suit comme son ombre. Son ombre lumineuse.
« Don Giorgio » plaît aux Italiens et à la presse people transalpine. Mais c'est son efficacité, sa droiture et son caractère enjoué qui lui ont valu d'entrer au service du pape. En janvier dernier, faisant fi du protocole et connaissant la passion du pape pour le félins, cet abbé a introduit un chaton mal en point au Vatican. Ensemble, ils ont veillé à ce qu'il recouvre ses forces, avant de se résoudre à lui trouver un autre logement. En l'occurrence, l'ancien appartement de sa Sainteté, à deux pas du palais : Scherzo (« plaisanterie », en italien) plantait ses griffes dans les brocarts pontificaux. Don Giorgio vient le nourrir chaque jour. Et Benoît XV I l'accompagne dès qu'il en a l'occasion. C'est-à-dire moins souvent qu'il n'aimerait.
Sa Sainteté ne dispose plus de son temps. Même sa promenade postméridienne est minutée. A 16 h 30, une Mercedes blindée le conduit dans les jardins du Vatican. Trente minutes de marche plus tard, voici Benoît XVI de retour à la tâche. Lorsqu'il finit par retrouver son jardin secret, le pontife cultive l'amour des livres - sa bibliothèque personnelle compte 12 000 ouvrages où il sait trouver la référence qu'il cherche - et celui de la musique. Il voue un culte à Mozart, qu'il interprète sur son piano demi-queue. « Mozart a imprégné mon âme jusqu'au tréfonds ( ...) Son ceuvre n' est jamais un simple divertissement, tout le tragique de l'humanité y est contenu », précise-t-il. Souvenir d'une enfance en famille à chanter les psaumes et les cantiques. Benoît XVI est resté attaché à ses racines. Jusqu'à sa mort en 1991, sa sœur prenait soin de lui.
Aujourd'hui, Joseph ne manque jamais une occasion de retrouver son frère aîné, Georg. En août dernier, ils étaient à CastelGandolfo, la résidence d'été des Papes. A Noël, ce dernier passait quelques jours dans l'appartement que Benoît XVI lui a aménagé près du sien.
Durant son séjour, Georg a commis quelques maladresses, évoquant la santé fragile de son frère. Mais comment ne pas être inquiet à la vue du programme quotidien du pape ? Audiences, arbitrages, discours, messes solennelles, entretiens diplomatiques... Les journées du Saint-Père sont un continuel va-et-vient. Sauf le mercredi, jour de l'audience générale où se pressent des milliers de fidèles, il commence sa vie publique à 11 heures. Par un ascenseur privé, il gagne son appartement officiel au deuxième étage. Celui-ci se compose de plusieurs pièces d' apparat: la salle Clementine où il reçoit de grandes assemblées, la salle du Consistoire où il réunit ses cardinaux, l'enfilade des onze antichambres que les invités traversent pour gagner la bibliothèque. Chefs d' Etat, évêques, simples particuliers, Sa Sainteté se réserve le droit de refuser ou cf accorder une audience. Mais, ses obligations accomplies, il ne manque jamais ses réunions avec ,Angelo Sodano, le cardinal secrétaire d'Etat du Saint-Siège depuis quinze ans. Ensemble, ils font le point sur les affaires de l'Eglise. Et préparent la journée du lendemain. L'âme en paix.

Laurent Del Bono





 

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