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L'AGENCE REUTERS SUR LE MP
 

Benoît XVI prépare-t-il un retour en arrière?
12.07.07 | 14h48
Par Philip Pullella
http://www.lemonde.fr/web/
CITE DU VATICAN (Reuters) -
Benoît XVI est convaincu que l'Eglise catholique doit s'appuyer sur son passé pour aborder l'avenir. Pour ses détracteurs, c'est un retour en arrière d'un demi-siècle qu'amorce le pape, s'aliénant au passage les communautés musulmane, juive et protestante.
Ses partisans estiment au contraire qu'en publiant un "motu proprio" libéralisant la célébration de la messe en latin selon le rite de Saint Pie V et en réaffirmant la primauté de l'Eglise catholique, Benoît XVI raffermit l'identité des 1,1 milliard de fidèles qui s'en réclament.
Après le Concile Vatican II (1962-1965), la messe en latin a été abandonnée au profit des langues vernaculaires et l'Eglise s'est modernisée, encourageant le dialogue oecuménique.
Les catholiques qui pensaient révolu le temps des cérémonies solennelles où l'officiant tournait le dos aux fidèles sont décontenancés et des juifs s'inquiètent d'un possible retour aux prières pour leur conversion contenues dans le missel pré-conciliaire.
Benoît XVI a en outre approuvé un document affirmant que "l'Eglise du Christ subsiste dans l'Eglise catholique" et soulignant la "déficience" des Eglises orientales "qui ne sont pas en pleine communion avec l'Eglise catholique".
Au grand dam des communautés protestantes, ce texte va plus loin encore en ne reconnaissant pas le titre d'Eglises aux communautés ecclésiales issues de la Réforme dans la mesure où elles "n'ont pas maintenu la succession apostolique ni conservé l'Eucharistie valide".

CHANGEMENTS REVOLUTIONNAIRES
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Le pape agit "en professeur allemand qui définit les termes dans sa salle de classe, et il pense que le monde est sa salle de classe", estime le père jésuite Tom Reese, chercheur au Centre théologique Woodstock de l'université de Georgetown.
"Le problème, c'est qu'il définit ce qu'est une Eglise, et ce faisant, il exclut du dialogue (avec les autres religions) toute discussion sur ce qu'est une Eglise."
Après Vatican II, l'identité catholique a subi des changements révolutionnaires.

La messe en latin a pratiquement disparu, le grégorien a cédé la place aux chants accompagnés à la guitare et juifs, musulmans ainsi que fidèles d'autres confessions chrétiennes n'ont plus été considérés comme des hérétiques qu'il faut tenter de convertir ou d'éviter.
"Le débat fondamental après Vatican II était 'devrions-nous nous rapprocher du monde, devenir plus modernes, plus en phase afin d'aller à sa rencontre, ou le monde va-t-il dans la mauvaise direction, auquel cas la dernière chose à faire serait de le suivre?", explique John Allen, auteur de plusieurs ouvrages sur l'Eglise et le Vatican.
Pendant la période qui a immédiatement suivi Vatican II, les tenants d'une modernisation l'ont emporté en dépit d'une chute de la pratique religieuse et du grand nombre de prêtres qui ont abandonné leur sacerdoce.
Les religieuses ont simplifié leurs habits religieux quand elles n'ont pas tout simplement adopté des tenues laïques, certains prêtres sont entrés dans la vie active afin de mieux comprendre les problèmes des ouvriers et dans de nombreux cas, l'identité catholique s'est fondue dans le dialogue interreligieux.

PAYANT A LONG TERME ?
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Avec l'élection du pape Jean Paul II, en 1978, les traditionnalistes ont commencé à regagner du terrain et les initiatives prises ce mois-ci par Benoît XVI semblent pour certains annoncer un retour en arrière.
"Son intention n'est pas d'insulter des gens, mais souvent, cela en donne l'impression", assure le père Reese. "Il utilise les mots de la manière dont il les définit, que cela plaise ou non, que cela irrite ou non les homosexuels, les femmes, les théologiens, les protestants ou les musulmans."
L'an dernier, des musulmans ont protesté contre le recours par Benoît XVI à une citation associant l'islam à la violence. Il a plaidé le malentendu et a par la suite exprimé son estime envers les musulmans, mais la blessure demeure.

George Weigel, un théologien catholique américain, auteur conservateur de renom, considère que l'identité catholique est une question de vie ou de mort pour l'Eglise.
"Les communautés chrétiennes qui maintiennent une notion claire de leurs limites doctrinales et morales, non seulement survivront à leur rencontre avec la modernité, mais elles s'y épanouiront. Tandis que les communautés chrétiennes qui estompent leurs limites auront tendance à s'étioler et à mourir", dit-il.
Selon lui, si l'Eglise veut survivre, l'identité catholique et la foi ne peuvent faire partie d'options "à choisir dans un supermarché".
Pour John Allen, le Vatican escompte que le recul actuel débouche sur une "Eglise plus petite mais qui sera plus focalisée, plus dynamique, ce qui devrait être payant à long terme".