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MORALEMENT CORRECT
 

Après ses pamphlets intitulés "Historiquement correct", où il tentait de revoir les pages de notre histoire les plus malmenées sous la chape idéologique ambiante, des croisades à la décolonisation, et "Le terrorisme intellectuel", puis, dans la même veine "Quand le catholicisme était hors la loi", où, encore une fois, il essayait de rectifier notre vision de l'histoire, avec le passage en 1905 d'une vieille société imprégnée de culture chrétienne à l'ère de la "laïcité à la française" dans une fiction d'apaisement aujourd'hui largement admise contre toute évidence, voilà que Jean Sévillia nous offre une nouvelle et passionnante réflexion sur notre époque avec son dernier livre, "Moralement correct", qui, jusque dans son titre, s'inscrit dans la parfaite continuité des précédents, dont il constitue, si l'on veut, le dernier chapitre encore inachevé.

"Nous avons changé de société"; "Nous avons changé de morale": après ces deux constats objectifs, il dresse au fil de chapitres bien structurés un véritable catalogue des nouveaux dogmes de notre époque, cette "révolution silencieuse" que le Saint-Père désigne dans presque chacun de ses discours sous le nom global de "dictature du relativisme", et qu'on pourrait qualifier de 'nouveau code moral à l'usage des futurs barbares': une morale "qui exalte le droit à la différence, le devoir de tolérance,la transgression des traditions, la relativité des conventions".
En quatre rubriques, tout est dit. Et il en pointe avec lucidité les conséquences catastrophiques: individualisme et hédonisme forcenés, d'où culte du corps avec toutes ses déviances, sexualité débridée autorisant n'importe quelle perversion au nom de la liberté, disparition des codes de conduite en société, dévastation de toute les formes de l'autorité, éclatement de la famille, avec ses succédanés maléfiques et éphémères "le couple fusionnel" et le "culte de l'enfant-roi", et son dernier avatar, la famille homosexuelle, culpabilisation collective de la société et irresponsabilité généralisée, "droit au non-travail", démolition systématique de la culture, marginalisation du patriotisme et détestation de la civilisation européenne, déracinement universel avec son corollaire pro-immigrationniste, se superposant à une "substitution de populations" sans précédent dans l'histoire. Tout cela étant lié, dans les causes comme dans les effets.

Présentés en vrac, ces faits donnent l'impression d'un assez terrifiant lexique du diable, où tout est inversé -le blanc devient le noir, et vice-versa; et ils nous font comprendre que nous allons, comme il le dit "à petits pas vers la barbarie". La seule règle qui subsiste, qu'on nous impose pratiquement sous la menace, c'est la tolérance, décidément indispensable si l'on ne veut pas voir le chaos précéder la barbarie (ce n'est pas forcément lié, comme l'Histoire récente l'a prouvé). Car comment "vivre ensemble", ainsi qu'on nous le ressasse sur tous les tons, dès lors que les codes de conduite sont uniquement soumis au bon vouloir des individus, sans aucune référence à quelque chose qui serait au-dessus de tout, une sorte de pouvoir transcendant ne dépendant ni de l'époque, ni d'un quelconque conditionnement culturel, qui s'appelle la loi naturelle, et qui selon le Saint-Père, consiste simplement à « faire le bien et éviter le mal » (cf discours du 11 février)? Et surtout quand l'"intolérable", justement, nous est constamment présenté comme la norme?
Son analyse qui s'adresse à tous, et renonce pour cela, au moins en apparence, aux références religieuses, se révèle donc très proche des mises en garde de Benoît XVI (ce qui n'a rien pour nous étonner, venant de lui: voir ici son entretien avec le cardinal Ratzinger, en septembre 2001): le 11 février dernier, s'adressant aux membres du congrès organisé par l'Université pontificale du Latran sur le thème de la loi naturelle, ce dernier avait encore une fois alerté sur les dangers "d'une dérive relativiste qui blesse dramatiquement la société", rappelant qu'"aucune loi faite par les hommes ne peut subvertir la norme écrite par le Créateur, sans que la société ne vienne à être dramatiquement blessée dans ce qui constitue son fondement".

Pour conclure sur une note d'espoir, l'auteur nous invite à corriger notre route: "c'est d'une morale, que nous avons besoin, pas de la monnaie de contrebande du moralement correct, mais de vraies valeurs éprouvées par le temps".
Sans sombrer dans un pessimisme exagéré, il est permis de se demander s'il en est encore temps. Il suffit de regarder autour de soi pour craindre le pire.

C'est donc un livre qu'il faut lire, malgré tout: on n'y apprendra rien de nouveau, mais on y verra écrit noir sur blanc ce qu'on pense sans pouvoir le dire, et on sera peut-être réconfortés de constater qu'on n'est pas seuls. S'il y a un combat à mener, c'est important.

(21 février 2007)


 

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