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LETTRE À MARIANNE
 

Non, ce n'est pas le titre d'une pièce musicale, ou d'un poème romantique...

Marianne est un méchant petit journal hebdomadaire, paraît-il assez diffusé, en tous cas fort présent dans les kiosques, sorte de croisement contre-nature entre Gala (pour la facilité) et Le Nouvel Observateur (pour l'ennui et l'idéologie post soixante-huit qu'il récuse pourtant avec aplomb); ayant déjà eu l'occasion de dire ce que j'en pensais, je ne souhaitais pas surenchérir. Je ne l'aurais d'ailleurs pas fait si je n'avais vu par hasard, en feuillettant dans une grande surface le dernier numéro, le nom de Benoît XVI. J'ai eu la curiosité de l'acheter, avec le souci de réagir.

Il y est en effet, entre autre grossières contre-vérités sur la campagne électorale et le "mercato" des "intellectuels" (le jargon footballistique qui est le cache-misère des journalistes incultes se porte ici très bien), assez brièvement question du Saint-Père. Sur une page. Deux phrases résument l'article, qui traite du référendum sur l'avortement au Portugal, et du PACS à l'italienne, sous le titre évocateur "Europe: les défaites de Benoît XVI":
- "La bonne nouvelle est pour l'Europe"
- "La mauvaise nouvelle est pour le Vatican".
(il suffit d'inverser les propositions pour savoir le vrai!! merci quand même à l'auteur d'avoir si bien résumé sa pensée)
Le tout autour de l'image, choisie avec un instinct sûr de la laideur, d'un homme au look de bagnard de BD, ou d'homosexuel militant, ou de skin-head (au choix), body-buildé, tatoué, le crâne rasé, simplement vêtu d'un tricot de corps, une croix attachée à un lacet autour du cou, photographié ou collé sous la belle affiche de la visite de Benoît XVI en Bavière.
Le reste (panzerkardinal, "reconquête" de l'Europe, main tendue aux intégristes, "mauvaise" polémique avec les juifs et les musulmans) n'est qu'un catalogue de lieux-communs archi ressassés, déjà passés de mode, et qui ne valent même pas d'être cités, tellement ils relèvent de la distorsion pure et simple des faits.

On ne saurait trouver meilleure illustration de la méthode Kahn.

L'habile directeur, ou ceux qui travaillent pour lui, recycle en effet semaine après semaine la même idée de génie: écrire l'exact contraire de la vérité, par surcroît à 110% dans l'air du temps, tout en claironnant avec force cette hallucinante duperie selon laquelle il serait l'unique garant en France de la pluralité médiatique, du non-conformisme, et de la liberté d'opinion: "Marianne, le journal qui ose"(*), tel est son slogan!!!!
Exemples actuels: les medias favorisent Sarkozy aux dépens de Royal, Alain Finkelkraut vire vers l'extrême-droite, Marianne subit la censure des revues de presse, et JFK est un courageux pourfendeur du politiquement correct, etc..
Examinons donc sa recette: emparez-vous de n'importe quelle vérité, la plus objective possible, n'importe quelle idée à peu près saine, puis prenez-en la contraposition exacte, serrez au maximum votre texte (ce qui est d'autant plus facile que vous n'avez pas grand chose à dire, ayant peu creusé votre sujet), mais n'oubliez-pas d'ajouter quelques pincées de dérision dans l'air du temps, et égrenez là-dessus des platitudes dans la langue la plus négligée et la plus vulgaire possible, sans craindre les gros mots, pour faire "branché". Présentez le tout, sous un titre accrocheur, comme la vérité révélée (par lui) mais surtout cachée au bon peuple (par les autres). Ajoutez à cela, pour faire du volume, les faits divers les plus sordides, les dépêches les plus glauques ou les plus grotesques, puisées auprès des agences de presse, c'est si facile, avec Google (exemples de titres "les poissons espagnols ont deux sexes", "votre cher toutou est mort, transformez le en diamant", "un trône de wc digne d'un derrière royal", etc...). Vous aurez ainsi une idée de cette compilation d'articulets (de "texticules" pour citer Alain Soral) -illustrés de taches de boue se faisant passer pour des dessins humoristiques- qui se prétend pourtant une sorte de "think tank" politiquement incorrect du pauvre. Car il y a une rubrique fournie de courrier des lecteurs(?), tout à fait dans l'esprit de la démocratie participative chère à Ségolène Royal, et alimentée par les contributions de nombreux gogos, dont certains argumentent sans peine avec plus de talent et de bon sens que les "journalistes". Il faut croire que cela marche puisque ce qu'on doit bien appeler un magazine, en est (il en crie victoire) à sa dixième année de parution. Comme quoi je ne suis pas seule à être masochiste.
J'aimerais quand même lui demander -sans guère d'espoir d'être entendue, malheureusement- de ne pas mêler le nom du Saint-Père à sa petite entreprise. Je déteste l'idée que ce nom que je vénère soit sali par cette proximité. Le voir à cet endroit me fait le même effet qu'une brassée de lys fraîchement cueillis déposés sur une décharge publique. En contrepartie, je cède bien volontiers à JFK, Jacques Gaillot, Christian Terras, et même les mânes de l'Abbé Pierre, s'il éprouve le besoin de se référer à la religion catholique.
Quel intérêt y trouve-t'il, d'ailleurs, si ce n'est la volonté de flatter toutes les déviances au nom de la liberté d'expression, puisque les gens qui le lisent régulièrement se fichent de toute évidence éperdument et tout autant que lui, des injonctions "morales" du Vatican, comme ils disent.
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(*) L'éditorial de cette semaine, se conclut par ces mots, sur un ton qui se veut celui du persiflage: "Qui doute que les grands medias libres et indépendants rendront compte objectivement du point de vue que nous avons exprimé ici? Qui en doute? N'empêche: pour résister au rouleau compresseur, lire Marianne, faire découvrir et diffuser Marianne, c'est peut-être plus sûr. De plus en plus nombreux sont ceux qui en sont convaincus". S'agirait-il de la méthode Coué?
Moi, j'ai envie de lui dire, au contraire: ils sont de plus en plus nombreux ceux qui sont las, saturés, exaspérés, pour faire bref, ceux qui en ont marre, de la chape de plomb, l'odieuse censure idéologique, le véritable terrorisme intellectuel, que Marianne et ses clones font peser sur l'information et sur l'expression. La vraie bonne nouvelle pour la France, à défaut de l'Europe, ce serait qu'ils se reconvertissent dans la chronique philatélique, le pronostic hippique, ou bien qu'ils déposent leur bilan et se taisent définitivement.

Mercredi 21 février


 

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