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UNE RELIGION DE PAIX ET DE TOLÉRANCE?
 

Article de Jeanne Smits dans Présent du 16 septembre.
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« COMME UN APPEL A LA CROISADE »…

C’est ce que la commission nationale pour les minorités en Inde a cru voir dans les propos de Benoît XVI à Ratisbonne sur les rapports entre foi et raison, et les différences entre les manières chrétienne et islamique de considérer Dieu.
Etonnant raccourci, amalgame qui se répète dans une partie du monde musulman: c’est au moment ou le Pape dénonce comme « déraisonnable », et indigne du Dieu beau, bon et juste la volonté de convertir par la contrainte, qu’on l’accuse de vouloir entrer en guerre avec l’islam !


 
 

On ne s’étonnera évidemment pas de la virulence des réactions de musulmans qui s’affichent comme islamistes, bien que les représentants les plus fanatiques de cette mouvance nous aient justement habitués à des appels nullement équivoques au djihad. Une association musulmane en Inde accuse Benoît XVI de «blasphème », crime encore puni de mort dans certains pays islamiques. Au Pakistan, l’un des responsables du parti islamiste Jamiat Ulema-e-Islam, assure que « le djihad est un instrument de défense et nous attendons du pape qu’il s’exprime plutôt contre l’agression ». Le guide spirituel des Frères musulmans en Egypte, Mohammad Mehdi Akef, a accusé le Saint-Père de jeter de « l’huile sur le feu » au point de « menacer la paix mondiale ».
Il risque d’enflammer « la colère du monde musulman entier ».
Au Koweït, le secrétaire du parti islamiste Oumma (la Nation islamique qui a vocation à s’étendre jusqu’aux confins de la terre) a demandé à tous les pays musulmans de rappeler leur ambassadeusr près le Vatican «jusqu'à ce que le pape présente des excuses pour le tort porté au Prophète et à l’islam ».
Toute suggestion que ces réactions ne sont pas sans illustrer les propos de Benoît XVI serait évidemment politiquement peu correcte…


 
 

Mais ce sont aussi des instances plus officielles qui protestent au nom de la « tolérance » et de l’attachement à la raison dont elles se réclament. En Turquie – où le Pape doit se rendre pour la Saint-André, fin novembre – le directeur du département des Affaires religieuses auprès du gouvernement, Ali Bardakoglu, a déclaré ne voir « aucun intérêt pour le monde musulman à la visite en Turquie d’une personne ayant de telles convictions pour l’islam et son Prophète ».
Le secrétaire général du Conseil central des musulmans d’Allemagne, Aiman Mazyek, a trouvé l’Eglise « mal placée pour critiquer les dérives extrémistes de l’islam en raison de son histoire », évoquant « la sanglante christianisation de l’Amérique du Sud, les croisades dans le monde islamique, le fait que l’Eglise se soit laissé récupérer par le régime nazi… .. »




 
 

L’Organisation de la conférence islamique, comme Dalil Boubakeur à Paris, demande une « clarification » des propos du Pape.
Le nouveau porte-parole du Vatican, le père Federico Lombardi, l’a en quelque sorte apportée en disant : « Il est opportun de relever que ce qui tient à cœur au pape est une claire et radicale réfutation de la motivation religieuse de la violence » : un appel à la réflexion et finalement, l’ouverture d’une véritable
confrontation intellectuelle entre le christianisme et l’islam qui repose sur la juste exposition de ce que chacun croit et enseigne.
Le Figaro ne voit pas les choses ainsi: pour lui, Benoît XVI vient de réduire la diplomatie vaticane à l’état de « champ de ruines ». Pas moins !


 
 

Pourtant (et c’est un thème récurrent, une préoccupation angoissée qui ressort de nombreux textes et paroles de Benoît XVI), le Saint-Père a voulu avant tout dénoncer la coupure opérée en Occident entre la foi et la raison, par le rejet de Dieu qui rend radicalement impossible toute rencontre avec les cultures qui ont sauvegardé le rapport à Dieu dans leur mode de penser et de vivre.
Ce rapport peut être faussé, suggère son discours, et donc remis en question à partir de la vérité… universelle. Mais son absence est le premier mal qui nous détruit. En cela les relations avec l’islam sont loin d’être le thème central de son discours de Ratisbonne.
On est loin du ton employé par Abdelilah Benkirane, député islamiste marocain, qui a mis le Pape en accusation:
« C’est une offense à plus d’un milliard de musulmans, à la religion la plus dynamique du monde et qui avance partout, même dans les territoires chrétiens »…
JEANNE SMITS


 

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