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CONCERT AU VATICAN

"La réforme de la réforme"

Benoît XVI, un Pape d'une culture universelle, qui a vraiment une vue d'ensemble de tous les problèmes de l'Eglise

Analyse de Sandro Magister, vaticaniste de l'hebdomadaire italien L'ESPRESSO.

Version italienne ici
Ma traduction en français

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Musique nouvelle au Vatican -pas seulement au Secrétariat d'Etat

Bertone prend la place de Sodano. Mais un tournant important se profile également dans la musique liturgique. Un concert avec le Pape dans la Chapelle Sixtine, dirigé par le maestro Bartolucci, indique le chemin.

Pas après pas, Benoît XVI imprime une nouvelle forme, et un nouveau style, au gouvernement de l'Eglise Universelle.
Les jours précédents, l'annonce du changement de secrétaire d'Etat fut un grand coup: d'Angelo Sodano à Tarcisio Bertone.
Mais un signal non moins important de changement fut un acte voulu par le Pape Joseph Ratzinger: le concert dirigé dans la chapelle Sixtine, samedi 24 juin, par le maestro Mgr Domenico Bartolucci.
Avec ce concert, Benoît XVI a restitué symboliquement la chapelle Sixtine à son véritable titulaire. Car la célèbre chapelle n'est pas uniquement le lieu sacré décoré des fresques de Michel-Ange, c'est aussi celui du choeur qui, depuis des siècles accompagne la liturgie pontificale.
Le maestro Domenico Bartolucci fut nommé directeur "à vie" de la Chapelle Sixtine en 1956 par Pie XII. Avec ce Pape, et ceux qui lui ont succédé, il fut le migistral interprète de la musique liturgique orientée vers le chant grégorien et la polyphonie sacrée. Mais après avoir longuement été attaqué, il fut démis, et remplacé par un maître de choeur considéré comme plus proche de la "musique populaire" chère à Jean-Paul II.
La substitution de Bartolucci fut la conclusion de la quasi élimination du grégorien et de la polyphonie voulu par les artisans de la réforme liturgique post-concilaire.

En 1997, l'initiateur de la mise à l'écart de Bartolucci fut le Maître des cérémonies pontificales, Piero Marini, toujours en exercice avec Benoît XVI même s'il est désormais proche du départ. A la direction de la Chapelle Sixtine, Marini nomma Mgr Giuseppe Liberto, qu'il avit remarqué et apprécié comme directeur des choeurs lors des voyages en Sicile de Jean-PaulI. Il lui fut alors facile d'obtenir l'accord du Pape Wojtyla.
A cette époque, le seul parmi les dirigeants de la Curie Romaine à prendre la défense de Bartoluci fut Ratzinger, pour des raisons à la fois théologiques et liturgiques qu'il a exposées dans des essais et des livres.
Ses positions étaient alors isolées. Mais, quand il est devenu Pape, Ratzinger a tout de suite montré sa volonté de vouloir procéder, dans le champ liturgique et musical, à la "réforme de la réforme".
On l'a compris, à l'issue de la messe d'inauguration de son pontificat, Place Saint-Pierre, empreinte dans sa célébration, d'un clacissisme qui avait connu une éclipse lors les rites de masse de son prédecesseur.
On l'a compris avec la rééducation des évêques, prêtres et fidèles, au vrai mystère de l'Eucharistie, à laquelle Benoît XVI s'est consacré en plusieurs occasions.
On l'a compris lors d'une des premières modifications survenues dans la Curie Romaine, lorqu'il a changé le secrétaire de la Congrégation pour le Culte Divin.
Dans la liturgie, et dans la musique liturgique, Benoît XVI sait que les décrets d'autorité ne suffisent pas. Son intention est de rééduquer, plus que d'émettre des ordres. Le concert du maestro Bartolucci dans la chapelle Sixtine est l'un de ces actes de magistère dont le pape veut laisser le signe.
Dans ce concert, Bartolucci a magistralement exécuté un offertoire, deux mottets et un "Credo" de Giovani Pierluigi da Palestrina, prince de la musique sacrée polyphonique romaine et maître de choeur de la chapelle Sixtine à la fin du XVIème siècle.
Mais il a également exécuté ses propres oeuvres: trois mottets, une litanie, un hymne et un "Oremus pro Pontefice nostro Benedicto" composé en 2005 après l'élection de Ratzinger comme Pape.
L'association entre polyphonie antique et moderne n'est pas un hasard. Prenant la parole à l'issue du concert, Benoît XVI l'a fait observer:
"Tous les morceaux que nous avons entendus -et surtout dans leur ensemble, où viennent en parallèle le XVIème et le XXème siècle - concourent à renforcer la conviction que la polyphonie sacrée, en particulier celle de ce que l'on nomme 'Ecole Romaine' , constitue un patrimoine à conserver avec soin, à tenir vivante, à faire connaître, non seulement au bénéfice des étudiants et des religieux, mais aussi de la communauté écclésiale dans son ensemble.
Une autenthique mise à jour de la musique sacrée ne peut prendre place que dans le cadre de la grande tradition du passé, du chant grégorien, et de la polyphonie sacrée"

Auparavant, voici comment le maesto Bartolucci s'était adressé à Benoît XVI/
"Très Saint-Père, tout le monde connaît le grand amour que Votre Sainteté porte à la liturgie, et donc à la musique sacrée. L'art musical est celui qui, plus que tous les autres, a bénéficié de la liturgie de l'Eglise; les cantiques furent son berceau, grâce auquel à pu se former le langage que nous admirons aujourd'hui. Les exemples les plus beaux que la foi des siècles passés nous a confiés, et que nous devons conserver, sont justement le chant grégorien et la polyphonie; d'eux, nous apprenons par une pratique constante à vivifier et animer dignement le culte divin".

Parmi les prélats de la Curie Romaine présents au Concert, il y avait aussi Marini et Liberto. Mais l'attention de Benoît XVI ne s'adressait qu'au maestro Bartolucci -89 ans accomplis, et en pleine vigueur- pour son choeur et la très grande qualité de leur exécution.
Que le Pape a qualifié de "véhicule d'évangélisation", et qui ne doit pas être réservé aux seuls concerts, mais servir à animer et embellir les liturgies. A commencer par la liturgie pontificale.

Tel est le chemin à suivre. En rendant la Chapelle Sixtine au maestro Bartolucci, Benoît XVI l'a indiqué sans équivoque.


 

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