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PARIS-MATCH

Benoît XVI déchaîne la passion... malgré lui.

Parce que Benoît XVI travaille seul et peaufine ses textes jusqu'à la dernière minute, ses collaborateurs n'ont pas eu le temps de l'alerter

Benoît XVI à la une de la presse mondiale, quelle épreuve pour un homme de 79 ans et demi ! Contrairement à son prédécesseur, ce Pape, qui a en sainte horreur d'occuper le devant de la scène, s'est fait relayer par ses ministres et proches collaborateurs insinuant, sotto voce, que « Errare humanum est ».
Erreur présentée en langage diplomatique « comme une mauvaise interprétation du texte du Saint-Père », précision apportée par le cardinal Poupard, responsable du dialogue interreligieux et ministre de la Culture de Benoît XVI. Ainsi que ce haut prélat du saint des saints l'a expliqué à Paris Match, « le Pape ne voulait guère critiquer l'islam mais fustiger l'Occident, en soulignant le besoin pressant d'un vrai dialogue des cultures et des religions ». Reste que les propos du Saint-Père ont entraîné dans le monde musulman une déferlante aux couleurs de guerre de religion.
...
« Un ouragan », commente un cardinal proche du Saint-Père : « En réalité, Benoît XVI est aussi ascétique qu'indomptable et fort peu influençable et, ayant analysé l'indéniable ascendant de l'entourage de Jean-Paul II sur lui les dernières années, il entend bien, avec le caractère très ferme qui est le sien, derrière un regard doux et des manières affables, décider seul et ne rendre compte qu'à Dieu. »
Un pape de fer, même s'il a mis plus d'une année pour lentement mais sûrement installer les siens comme Tarcisio Bertone, l'ancien archevêque de Gênes, son collaborateur dix années durant à la Congrégation de la doctrine de la foi, maintenant son Premier ministre depuis le 15 septembre... En phase avec sa nature très réservée, il a entre autres nommé comme directeur de la salle de presse Federico Lombardi, un jésuite d'une grande tenue intellectuelle et moins expansif que Joaquin Navarro-Valls.
Pendant ce voyage en Allemagne, le cardinal Sodano effectuait son dernier déplacement tandis que le nouvel interlocuteur des journalistes participait, lui, à son premier pèlerinage. De quoi, peut-être, troubler la sérénité de ce Pape intellectuel? En effet, si Jean-Paul II avait instinctivement le goût du secret, prudent, il soumettait néanmoins « pour révision », c'est le terme consacré, ses discours à l'étranger à la secrétairerie d'Etat plusieurs jours avant son départ. Aussi diplomate que politique et pragmatique, Karol Wojtyla savait combien chaque parole pouvait être un sujet de polémique ou d'amalgame.
Théologien plus attaché au sens de la doctrine qu'à la symbolique du geste, dans le silence de son bureau privé du troisième étage, Benoît XVI travaille seul. Il sait mieux que quiconque combien l'islam a, dans les préoccupations du Saint-Siège, pris la place jusque-là réservée au communisme.
C'est pourquoi il a nommé comme ministre des Affaires étrangères un grand expert du monde musulman, Mgr Mamberti.
Benoît XVI se concentre de longues heures sur ses discours, les analyse et les corrige jusqu'à la dernière minute. Ce qui plonge le staff des traducteurs germanistes de la secrétairerie d'Etat dans l'anxiété. Car le temps presse toujours.
Aidés par sa collaboratrice Ingrid Stampa (qui joue aussi du piano avec lui et pour laquelle son écriture et ses tournures de phrase n'ont pas de secret), ils travaillent minutieusement afin que la traduction, en italien cette fois, qui lui sera remise pour d'ultimes corrections soit parfaitement fidèle à ses propos. Joseph Ratzinger, les feuilles savamment ordonnées sur le sous-main de cuir immaculé, ne peut, en effet, de son écriture fine avec son stylo noir à la plume d'or, s'empêcher d'apporter chaque fois d'infimes précisions. Raison pour laquelle ces textes sont rarement, comme du temps de Jean-Paul II, remis à la presse sous embargo avant d'être prononcés.
Cela aussi, c'est le tempérament de Benoît XVI, qui à son rythme «apprend», comme disait son prédécesseur à ses débuts, à faire le pape. Il a un sens si aigu du détail que, par exemple, il s'est lui-même enquis, lors du voyage dans sa mère patrie, de ses déplacements. Se feraient-ils dans des véhicules des deux autres grandes marques allemandes, Audi et BMW, puisque la papamobile était une Mercedes?
Benoît XVI, lors de la journée privée en Bavière avec son frère Georg, a été particulièrement attristé de n'avoir pu jouer du piano avec lui car la vue de ce dernier s'est affaiblie et ses mains se sont trop détériorées ces derniers temps.
Ainsi va le Vatican version Benoît XVI. Un Souverain Pontife beaucoup plus réservé que Jean-Paul II et qui, depuis cette semaine, a entraîné le Saint-Siège à prendre des mesures de sécurité extrêmement strictes... ..
Pour éteindre l'incendie et porter la vraie parole du Pape, le cardinal secrétaire d'Etat Bertone vient de demander aux nonces des pays islamiques d'aller s'expliquer face au monde musulman. Apaiser et convaincre de telle façon que la prochaine visite de Benoît XVI dans la république turque, à l'invitation du patriarche de Constantinople, puisse se dérouler sans vagues. Et le Saint-Siège est en train de traduire en arabe le désormais trop fameux discours de Ratisbonne afin que les autorités religieuses, les intellectuels et les fondamentalistes musulmans puissent étudier à leur guise, et dans son contexte, le sens réel des phrases qui ont enflammé et blessé leur communauté.
« Celui qui croit n'est jamais seul », a martelé ce Pape solitaire tout au long de son pèlerinage en Allemagne. Une phrase à son image qui, dans le contexte survolté de ce voyage, n'a hélas pas eu l'écho qu'il espérait.
Caroline Pigozzi

Extrait de l'interview de Mgr Mamberti, nouveau "ministredes affaires étrangères" du Vatican
Comment percevez-vous sa Sainteté Benoît XVI?
Comme un Souverain Pontife qui en un an et quelques mois de pontificat a fasciné les gens, attirés par cette personnalité à la fois intellectuellement supérieure et d'une extrême amabilité, dont on voit bien qu'il désire le contact humain. C'est pourquoi je suis comme sa Sainteté le Pape, particulièrement attristé par les réactions à son intervention à Ratisbonne...


 

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