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 LE THÉOLOGIEN
De A à Z

PARENTS (LES SIENS)
 

"Le sel de la terre", Peter Seewald, page 35.


 

Mes parents s'étaient mariés tard, et un gendarme bavarois du grade de mon père, simple commissaire, était modestement payé.
Nous n'étions pas pauvres au sens strict du mot, parce que le revenu mensuel était garanti, mais nous devions cependant vivre avec parcimonie et simplement, ce dont je suis très reconnaissant. Car cela engendre des joies que l'on ne peut avoir dans la richesse. Je me rappelle souvent comme c'était beau, comme nous pouvions nous réjouir des plus petites choses et comme on essayait aussi de faire quelque chose les uns pour les autres. De cette situation très modeste, et aussi financièrement difficile, est née une solidarité intérieure qui nous a profondément liés les uns aux autres.
Pour que nous puissions tous les trois faire des études, mes parents devaient naturellement s'imposer des privations énormes. Nous l'avons senti et nous avons essayé d'y répondre. À cause de ce climat de grande simplicité, il y avait chez nous beaucoup de joie et d'amour réciproque. Nous sentions ce qui nous était donné et ce que nos parents assumaient.

Notre mère était cuisinière de son métier et elle savait tout faire. À un moment où tout le pays avait faim, elle n'avait pas son pareil pour vous préparer avec les moyens du bord un bon repas.
Ma mère était très chaleureuse et intérieurement très forte ; mon père était plutôt rationnel et d'un caractère volontaire, sa conviction religieuse était réfléchie, il comprenait tout très vite et clairement et il a toujours eu un jugement étonnamment juste. Quand Hitler est arrivé au pouvoir, il a dit : Nous allons avoir la guerre, maintenant il nous faut une maison !

Mon père était un homme très juste, mais aussi très sévère. Mais nous avons toujours senti qu'il était sévère par bonté, aussi acceptions-nous facilement sa sévérité. Notre mère était toujours là pour compenser par sa chaleur et sa cordialité ce qui était peutêtre trop sévère chez lui.
C'étaient deux tempéraments très différents qui se complétaient à merveille, précisément à cause de leurs différences.
C'était sévère, je dois le dire, mais il y avait quand même beaucoup de chaleur et de cordialité et de joie, accrues encore par le fait que nous jouions tous ensemble, les parents aussi ; la musique, qui a un immense pouvoir de rassemblement, jouait un grand rôle dans la vie familiale.

Il y a eu sûrement çà et là [des tensions avec mon père].
Toutefois, j'avais une relation très étroite avec mon père. C'était dû au fait que, lors de sa dernière année de service, il avait déjà pris d'assez longs congés de maladie. Le IIIe Reich lui répugnait terriblement, et il a essayé de quitter le service aussi vite que possible. Pendant ces mois-là, il a fait beaucoup de promenades à pied avec moi. Cela nous a étroitement rapprochés.
Quand ensuite les trois enfants firent des études et qu'après la mise à la retraite de mon père les problèmes financiers s'aggravèrent, au point que ma mère dut s'engager comme cuisinière pour la saison à Reit, dans le Winkl, je suis resté seul à la maison avec mon père. Il m'a raconté beaucoup de choses, il avait un vrai don de conteur. En marchant, en racontant, nous sommes devenus très proches l'un de l'autre. Et sa conviction religieuse comme son opposition décidée au régime ont su nous persuader. Sa force de persuasion, toute simple, venait d'une sincérité intérieure. Son attitude était pour nous un exemple, bien qu'elle fût opposée aux valeurs officielles.


 

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