Bien avant d'être le pape Benoît XVI, avant même d'être cardinal, Joseph Ratzinger fut un très grand théologien (et aussi, mais c'est un corollaire évident, un grand moraliste).

La théologie telle qu'il la conçoit, ce n'est pas l'étude d'un système de pensée (le cardinal Ratzinger dit ainsi "le christianisme n'est pas une spéculation philosophique, il n'est pas une construction de notre esprit. Le christianisme n'est pas "de nous", c'est une révélation, c'est un message qui nous a été confié en dépôt et que nous n'avons pas le droit de reconstruire selon notre bon plaisir"). Et le théologien Ratzinger, c'est quelqu'un qui a mis entièrement au service de Dieu, et de l'unique Vérité qui nous a été révélée, mais que nous cherchons encore à comprendre, ses extraordinaires capacités intellectuelles. Qui a toute sa vie étudié les textes sacrés pour en décrypter toujours davantage l'extrême complexité et découvrir les richesses cachées. Et qui se penche sans aucune crispation sur tous les problémes de notre société, pour édicter des règles de conduite en accord avec le magistère de l'Eglise. Avec érudition, sagesse et bienveillance, mais sans faiblesse.

Vittorio Messori voit en lui "un homme entièrement immergé dans la dimension religieuse. Et c'est seulement en se mettant dans sa perspective qu'il est possible de vraiment comprendre le sens de ce qu'il dit. De ce point de vue, les formules conservateur- progressiste, droite - gauche, n'ont plus de sens ; car elles proviennent d'une réalité bien différente, celle des idéologies politiques, et ne sont donc pas applicables à la vision religieuse qui, pour reprendre les mots de Pascal, est d'un ordre qui dépasse, en profondeur et en hauteur, tous les autres.
Ainsi, il serait erroné de vouloir lui appliquer une autre formule sommaire -optimiste ou pessimiste : plus l'homme de foi vit l'événement qui est le fondement de l'optimisme par excellence - la Résurrection du Christ -, plus il peut se permettre d'être réaliste, lucide et courageux pour appeler les problèmes par leur nom, et les affronter sans fermer les yeux ou voir tout en rose". ("Entretiens sur la foi")

Et même le chroniqueur religieux du Monde, Henri Tincq, que l'on a connu moins inspiré, parlant de lui, est illuminé d'un éclair de lucidité lorsqu'il écrit: "Il a pour ambition de réarmer le catholicisme face aux défis du monde moderne", ce qui est particulièrement juste.

On peut dire qu'aucun problème touchant les hommes n'est écarté sans un examen critique approfondi.

C'est l'autre face de sa personnalité, à laquelle on ne pense pas toujours lorsqu'on le voit en pape, si doux, si disponible, si souriant.

Ses nombreux et savants ouvrages de théologie s'adressent aux spécialistes, mais, comme un vrai pasteur, il est très soucieux d'être compris de tous. C'est ce qui l'a conduit à publier des ouvrages de vulgarisation écrits d'une plume alerte et accessibles au plus grand nombre; parmi eux, deux recueils de sermons, articles de journaux, ou émissions de radio datant des années 80, et trois ouvrages d'entretiens, en collaboration avec des journalistes qui n'étaient pas à priori susceptibles de lui servir de thuriféraires, l'italien Vittorio Messori, déjà cité plus haut, et le bavarois Peter Seewald. Tous deux ayant collaboré à la presse politiquement correcte, flirté avec les idées de soixante huit, comme la plupart des intellectuels de leur génération, et tous deux sortis ébranlés (pour éviter le terme convertis) par leur rencontre avec le théologien. Ces livres sont de véritables "sommes", leur lecture ne distille pas le moindre ennui, on n'est pas tenus de les consulter de façon "linéaire", et j'y trouve personnellement des réponses à toutes les questions que je me pose, sur l'Eglise, sur la société, sur la morale:

Je voudrais dans ces pages livrer à la réflexion des visiteurs quelques passages particulièrement significatifs -et aussi peut-être leur fournir des arguments contre le conformisme ambient.
Il y a évidemment une part de subjectivité dans le choix de ces passages, les mises en relief typographiques, et les titres forcément elliptiques que j'ai donnés aux articles, mais la force de sa pensée est intacte, il s'agit de thèmes centraux, repris dans tous ses discours comme Pape.
Au départ, j'avais pensé à une dizaine d'articles, mais la (re)lecture plus attentive des ouvrages cités m'a amenée à élargir considérablement la rubrique. En fait, tout est à méditer, et le fait de "couper" s'est révélé particulièrement difficile. Quant à la forme "lexicale", elle n'était pas prévue, mais elle s'est imposée tout naturellement à moi par le logiciel utilisé.
Je pense sincèrement qu'on peut se laisser prendre par la main, et guider par une pensée d'une telle hauteur, soutenue par une telle érudition, inspirée à ce point par la foi et surtout la bonté et la sagesse -car ses propos s'adressent aussi aux non-croyants, ce sont eux qu'il faut convaincre.
En le lisant, il m'arrive certes de me dire "je n'aurais pas pensé ainsi", mais jamais "il a tort"!

> Réflexions de Joseph Ratzinger