Un ton nouveau

L'éditorial de LA CROIX (10 juillet 2006)

Un ton nouveau
Par Guillaume Goubert
Lorsque le cardinal Joseph Ratzinger a été élu l'an dernier sur le siège de Pierre, peu de personnes auraient imaginé que ce nouveau pape associerait dans ses discours le mot «famille» avec des vocables comme «Joie amoureuse », «bonheur», «enthousiasme» ou encore « liberté». Beaucoup pensaient au contraire que le préfet de la Congrégation pour la doctrine de foi, réputé sévère, serait encore plus cinglant que ses prédécesseurs pour défendre la forteresse assiégée de la famille chrétienne contre les attaques du monde moderne..
Eh bien non.
Ceux qui, à l'occasion de la Rencontre mondiale des familles de Valence, s'attendaient à un pape fulminant des anathèmes se sont trompés.
Benoît XVl est resté soigneusement à l'écart des polémiques que connaît l'Espagne depuis que le gouvernement Zapatero a légalisé le mariage homosexuel. On pourra penser que le pape s'en est ainsi tenu à une réserve toute diplomatique, laissant porter le fer à d'autres responsables d'Église, tant en Espagne qu'au sein de la Curie romaine. Cela est en partie vrai, mais on ne saurait réduire la tonalité positive des discours de Benoît XVI à une attitude purement tactique.
Une fois encore, on observe chez ce pape des attitudes qui deviennent petit à petit la signature d'un pontificat. D'abord une très grande précision dans l'analyse, s'interdisant tout simplisme.
Ainsi lorsque BenoîtXVI affirme à propos de la famille: «Rien ne peut la remplacer totalement», en creux, cela veut bien dire que d'autres formes d'organisation sociale peuvent la remplacer partiellement. Cependant, s'exprimer de cette manière, ce n'est pas ouvrir la porte au relativisme. C'est essayer de faire mieux entendre à, nos contemporains tout ce que la conception chrétienne de la famille peut apporter de joie, de bonheur.
Benoît XVI introduit ainsi, une dimension nouvelle dans le discours pontifical sur la famille. Il ne s'exprime pas «contre» mais «pour». Il n'enjoint pas aux catholiques de dire « non » aux tentations du monde. Il propose à tous les hommes de dire « oui » à la famille comme « lieu privilégié où toute persanne apprend à donner et à recevoir de l'amour».


On ne peut pas dire que cet éditorial soit hostile au Pape, au contraire, dans une première lecture, il donne l'impression de vouloir en donner une image consensuelle, donc plaisante, mais il livre bien le ton de la presse française conformiste (y en-a-t'il d'autre?).
D'abord, il faut bien mal connaître -ou en faire semblant- le cardinal Ratzinger pour reprendre le vieux cliché usé jusqu'à la corde, du "préfet de la Congrégation pour la doctrine de foi, réputé sévère, [qui] serait encore plus cinglant que ses prédécesseurs [...]".
Il faut aussi avoir bien mal écouté le Pape depuis son élection pour oser associer à son nom une épithéte aussi violente que "fulminant des anathèmes".

Ces exagérations simplificatrices sont tempérées par des remarques justes, mais en les présentant comme des objections: "on ne saurait réduire la tonalité positive des discours de Benoît XVI à une attitude purement tactique".
Evidemment, l'éditorialiste de LA CROIX ignore que, alors qu'il était encore archevêque de Munich, Joseph Ratzinger avait dit en substance que l'attitude d'un pasteur qui, afin d'éviter les conflits, éviterait d'aborder toute discussion et d'affronter tout problème était pour lui "une image repoussante ".

Tout cela donne finalement l'impression que la presse souhaite s'approprier la pensée du Saint-Père (qui ne lui appartient pas plus qu'à moi, c'est vrai), pour la détourner à son profit, et lui faire dire finalement, par interprétations, le contraire de ce qu'il a voulu dire. A ce propos, la phrase qui suit est vraiment emblématique: "Ainsi lorsque BenoîtXVI affirme à. propos de la famille: «Rien ne peut la remplacer totalement.», en creux, cela veut bien dire que d'autres formes d'organisation sociale peuvent la remplacer partiellement".
Moi, j'ai entendu pendant deux jours le Saint-Père dire et répéter de façon explicite, avec force et passion, sous les acclamations de l'assistance, le caractère sacré et irremplaçable du mariage "entre un homme et une femme", et la famille construite dessus.

Il est intéressant de rapprocher cet éditorial d'une simple dépêche d'agence (AFP/ASCA) que j'ai traduite depuis le portail yahoo.italia.


Espagne: la presse souligne le ton de conciliation du Pape durant sa visite

(ASCA-AFP) - Madrid, 10 Juillet
La presse espagnole souligne le ton conciliant du Pape Benoît XVI durant sa visite en Espagne de samedi et dimanche derniers, durant laquelle le Pontife a souligné le rôle central de la famille sans affronter directement les thèmes de discorde avec le gouvernement espagnol.
Benoît XVI est venu à Valence défendre les valeurs de la famille et du mariage lors de le clôture de la 5ème rencontre des familles. Les relations entre l'Eglise Catholique et le gouvernement espagnol - comme le souligne le quotidien de centre-gauche El Païs - traversent une passe difficile depuis l'arrivée au pouvoir des socialistes en 2004, mais il convient de remercier le Pape pour son ton conciliant et diplomatique.
"Le voyage du Pape a été trop politisé par quelques groupes civiles et religieux qui semble préférer l'accentuation du choc plutôt que le respect, entre l'état et l'Eglise Catholique d'Espagne", ajoute El Païs.
"La toile de fond du voyage du Pape est sans équivoque: la défense rigoureuse des valeurs chrétiennes", selon ABC (droite catholique monarchiste) mais "la forme est très significative: le Pape ne discrédite jamais les positions de l'adversaire, il est prêt à dialoguer sincèrement, et laisse la porte ouverte à l'entente".
Le gouvernement de José-Luis Zapatero "a été beaucoup critiqué par l'épiscopat espagnol, pour avoir approuvé des réformes qui légalisent le mariage entre homosexuels, ficilitent le divorce ou suppriment le cathéchisme obligatoire à l'Ecole. "On ne peut pas dire que l'attitude de Benoît XVI ait été belliqueuse à l'égard des responsables d'un gouvernement qui donne aussi peu d'importance à la famille ", explique l'éditorialiste du quotidien libéral El Mundo.


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