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INSIDE VATICAN PAGE 1

Première partie

Une enfance bavaroise. La Bavière catholique après la 1ère guerre mondiale. Les catholiques face à la montée du nazisme

Je voudrais commencer avec vous-même, vous en tant que personne.
Soyons brefs, alors. Les individus ne comptent pas beaucoup.

Mais ici, l'individu aussi a beaucoup d'importance...
... Dimanche dernier, j'ai prêché sur la lumière du monde que nous devons être, et cela signifie que nous acceptons que l'on puisse voir le Seigneur à travers nous. En tant que chrétiens, nous ne voulons pas être vus pour nous-mêmes, mais pour que par nous, on puisse voir le Seigneur. Il me semble que c'est le sens réel de ce texte de l'Evangile - il dit même "agissez en sorte que les gens puissent voir l'oeuvre de Dieu, et puissent prier Dieu" - non pas que les autres gens puissent voir les Chrétiens, mais "à travers vous, Dieu". Ainsi, ce n'est pas la personne qui doit être vue, elle doit seulement permettre que Dieu puisse être vu à travers cette personne. C'est pourquoi nous ne devons pas nous arrêter trop longtemps sur les questions personnelles.

Mon idée est que la personne porte -d'une manière unique, car il n'y a pas deux personnes semblables... (le cardinal rit) ...que la personne porte la lumière dans une époque, un contexte, d'une façon qui lui sont propres. Par exemple, Saint-Augustin. Pour comprendre la façon avec laquelle il apporta la lumière à son temps, il peut être utile de connaitre son enfance, sa jeunesse, ses éudes, même ses tentations. Et, en ce 20ème siècle, il semble qu'il soit devenu plus difficile d'apporter la lumière, que celui qui cherche à apporter la lumière, à être transparent de façon qu'on puisse voir Dieu à travers lui, a une tâche difficile, solitaire. En fait, il semble qu'il n'y ait plus guère de gens à avoir un tel but.
Il y a des saints cachés, qui, cependant, apportent la lumière à cette époque.

En Allemagne, 70 ans auparavant, comment le catholicisme était-il vécu?
Je dirais que c'était dans une large mesure un catholicisme populaire. Il s'insérait dans la vie de tous les jours, avec des éléments folkloriques, et cetera. Mais aussi, il pénétrait toute la vie.
Cela ne veut pas dire que chacun était un catholique sérieux, croyant. Naturellement, il y avait tous les problèmes de cette époque. Par conséquent, il y avait de forts courants anti-cléricaux, disons, à la fois l'anti-cléricalisme du courant libéral, et celui du courant nationaliste. Et puis est venu le National-Socialisme.
A ce moment, les oppositions étaient sans aucun doute présentes, particulièrement dans les villes. Cependant, dans les campagnes et les petites villes, personne ne voulait ou ne pouvait se tenir à l'écart du catholicisme, du mode de vie chrétien. Seulement, avec le début du National-Socialisme, cela commença à changer.
Parce qu'alors, disons, les fanatiques, naturellement, quittèrent l'eglise, et s'opposèrent ouvertement à l'Eglise.
Mais, je voudrais dire que ces fanatiques , qui se proclamaient ouvertement anti-chrétiens, n'étaient pas très nombreux en zone rurale. Beaucoup étaient, comme nous disons en allemand, "MITLAUFER". Des gens qui ne s'opposaient pas au régime, que faisaient ce qu'il fallait sans être nécessairement très impliqués, et qui, dans le même temps, continuaient à aller à l'église, continuaient à s'impliquer dans la vie rurale, dans les usines, de l'Allemagne de cette époque, puiqu'il était inimaginable de ne pas en faire partie.
Mais il y avait aussi un groupe de catholiques convaincus, qui vivaient une vie engagée, et, de même que les adversaires fanatiques, étaient une minorité, de même ce groupe , profondément engagé, et pour cela, profondément opposé au régime, était une minorité
Il y avait en même temps un certain Renouveau Catholique, mais aussi une certaine diversité dans les façons d'envisager le futur de l'Eglise. Il y avait le mouvement de la jeunesse "Jugendbewegung" qui, au commencement, était un mouvement proche du nationalisme romantique, mais qui avec le temps, se sépara en différentes branches: une branche était nationaliste et en fin de compte devint National-Socialiste; une autre était catholique. Déjà dans les années 20, il y avait une aile catholique du mouvement de la jeunesse dont Guardini était la figure dominante, et cette aile était étroitement liée au mouvement de renouveau liturgique, qui avait lui-même d'autres racines. Ce mouvement liturgique était soutenu en particulier par les grandes abbayes, et là avait surgi des conflits y compris parmi le cercle des Catholiques engagés. Je ne parlerais pas d'un conflit majeur, mais disons, de différences de point de vue.
En fait, il y avait ceux qui voulaient promouvoir un renouveau liturgique, avec déjà l'idée d'une réforme de la liturgie, avec un retour aux idées simples, classiques, de l'ancienne liturgie romaine, et ils étaient assez opposés à la piété pleine d'émotion, la piété mariale, cette piété qui s'exprimait dans la dévotion aux saints, c'est-à-dire la piété clasiique. Le mouvement de la jeunesse favorisait aussi ce nouveau type de piété, qui n'était pas aussi familier que les formes classiques de dévotion, la dévotion au Sacré-Coeur, par exemple; par conséquent, parmi les catholiques engagés, il y avait ceux qui, avec une grande conviction, avec une grande pénétration intellectuelle, s'engagèrent au nom des formes classiques de dévotion, dans cet aspect émotionnel, soulignant la piété mariale, la dévotion aux saints, la dévotion au Sacré-Coeur, toutes choses très importantes, et il y avait de l'autre côté ceux qui s'engageaient pour une piété sobre, érudite, liturgique, centrée sur le mystère essentiel de la liturgie, avec un style qui, même du point de vue humain, était aussi très différent.
Et ces deux courants existaient.
Mais il y avait aussi dans le même temps la défense commune de la foi en tant que telle, et de l'Eglise en tant que telle. Mais on peut dire que le premier mouvement que j'ai évoqué, le plus traditionnel, s'engageait davantage pour le Pape, se sentait davantage lié au Pape. Les autres aussi étaient fidèles, mais, disons, dans une optique nourrie par l'Ancienne Eglise où le rôle du Pape était autre, et par là, le sentiment d'émotion était peut-être moindre, l'accent était légèrement différent, même si la fidélité exitait sans aucun doute.
Et peut-être puis-je ici évoquer ma formation initiale: au début, nous étions dans un petit village de 300 ou 400 habitants, et ce mouvement liturgique n'était présent que par un élément, un détail, choisi occasionellement par le prêtre de la paroisse.

Voulez-vous parler de Marktl-am-Inn, où vous êtes né?

Non, Aschau. Le prêtre de la paroisse était un "traditionaliste", mais il avait aussi compris l'importance du renouveau, et il avait choisi d'introduire prudemment quelques éléments de la nouvelle liturgie, dans la piété de la paroisse. Mais il l'avait fait d'une telle manière que personne ne pouvait voir de rupture avec le passé, nulle opposition ne se dressa, il n'y eut aucune tension dans la paroisse.
Mais ensuite nous nous installâmes à Traunstein, une petite ville au pied des Alpes. Et là, naturellement, dans un environnement avec des écoles secondaires, etc.., les forces du renouveau, et aussi celles de la dévotion tradionnelle étaient davantage en évidence l'une et l'autre.
Ici, je voudrais dire qu'il n'y avait pas de grandes tensions. Les groupes de la jeunesse, formés par des vicaires, étaient très actifs, ici - même s'ils risquaient beaucoup, et étaient menacés par les nazis. Parmi ces jeunes, les prêtres indiquaient la force de la nouveauté, dans le renouveau. Ils avaient introduit quelque chose qui est aujourd'hui reconnu: la distribution de la communion durant la messe. Avant cela, la Communion était distribuéee AVANT la messe, ou APRES la messe.
Et ainsi, étape par étape, un certain nombre de changements dans la liturgie furent introduits, et peut-être qu'un certain nombre de catholiques traditionalistes commencèrent à se sentir mal à l'aise. Mais fondamentalement, durant ces années, la résistance commune à la religion allemande propagée par les nazis, fut un lien d'unité si fort qu'aucune tension ne put apparaître comme très importante.


 
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