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 BRÉSIL 2007
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A LA FERME DE L'ESPÉRANCE...
 

A la ferme de l'Espérance, le Brésil découvre un Pape chaleureux.

Devant des jeunes anciens toxicomanes, le pape, avec des gestes affectueux, a su toucher le Brésil. Et se laisser toucher
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La voix tremble, comme lorsque les douleurs passées rendent soudain l'émotion insoutenable. Antonio poursuit cependant son histoire, sous les yeux extraordinairement attentifs de Benoît XVI. Devant le pape, il déroule sa vie de toxicomanie et de violence, jusqu'à cette rencontre au coin d'une rue: «J'ai cru que ce jeune venait me demander de la drogue, mais il m'a parlé de la Ferme de l'Espérance. » Antonio pleure. On sent Benoît XVI très ému, comme lorsqu'une jeune fille évoque sa «vie de cauchemar»: anorexie-boulimie, dépression, tentative de suicide, révolte contre la famille... Incapable de finir, elle tombe, en larmes, dans les bras du pape.
Assis sur un fauteuil en bambou, dans ce centre de désintoxication fondée par un franciscain à 30 km d'Aparecida, Benoît XVI a d'abord assisté à une chorégraphie sur musique rock, avec la politesse perplexe que lui suggère ce genre de manifestation. Mais lorsque la parole est venue, avec son poids de souffrance et de vérité, le pape est touché. Image étonnante de ce vieil homme en blanc, embrassant chacun de ces jeunes, adolescents déjà cabossés, enfants aux yeux trop grands. Un pape grand-père, compréhensif pour une jeunesse dont l'histoire ressemble si peu à la sienne. Comme si, au Brésil, Benoît XVI avait appris à embrasser, sous l'oeil stupéfait des photographes peu habitués à des gestes aussi expansifs de sa part...
Emu, mais en colère, le pape, dans ce pays aux records de toxicomanie: «Je dis aux trafiquants de réfléchir au mal qu'ils font à une multitude de jeunes et d'adultes de toutes les strates sociales: Dieu leur demandera des comptes pour ce qu'ils ont fait! La dignité humaine ne peut être piétinée de cette manière, le mal provoqué reçoit la même désapprobation que Jésus a exprimée pour ceux qui ont scandalisé les plus petits, les préférés de Dieu. »
À la Ferme de l'Espérance, le pape a touché les Brésiliens. Et il s'est laissé toucher. Après avoir semblé statique et lointain à une population chaleureuse, à Aparecida, l'accueil s'est fait enthousiaste. Ce haut lieu de la piété catholique attendait le pape de pied ferme, comme Rosaria, statuette de Benoît XVI dans une main et dans l'autre, celle de Fra Galvao. Dans les rues, les boutiques vendent le CD à succès, Bento Beneto di Senho («Benoît, béni du Seigneur»).
La veille, à Sao Paulo, l'enthousiasme était plus mesuré: ni drapeaux ni affiches. La métropole semblait ignorer le visiteur. Mais un million de personnes étaient venues vendredi à la canonisation de
Fra Galvao, premier saint du Brésil. Comme le remarque Soeur Rosalie, «il a fallu attendre 2007 pour que le plus grand pays catholique du monde ait enfin son saint!» La célébration, classique, ne reflétait guère la ferveur latino-américaine. «Les gens, ici, ont du mal à comprendre que le pape lise tout le temps, alors qu'il fait un effort en portugais. Au Brésil, le langage parlé est différent», décrypte un évêque. L'accueil fut donc mitigé, à l'image de cette capitale économique du Brésil où à peine la moitié de la population se dit catholique. Et d'une Église inquiète, loin de l'enthousiasme du premier voyage de Jean-Paul II en 1980. «Nous avons de gros problèmes avec notre jeunesse qui quitte les églises, explique Maria Angélica Famez, de Sao Paulo. Nos paroisses ne sont plus assez attractives. » «Et il y a tellement de violence», ajoute Soeur Rosalie.
Face à «cette soif de Dieu» qu'il discerne dans ce peuple, le pape a avancé des réponses exigeantes: aux jeunes, il demande de s'engager dans la société et de respecter le sacrement du mariage, aux fidèles, de « cultiver des vies limpides et claires» et de « refuser d'être considérés comme des créations et objets de plaisir». Aux évêques brésiliens, il explique que, si trop «de catholiques ont abandonné la vie de l'Église», c'est à cause «des défauts d'une évangélisation insuffisamment centrée sur le Christ et son Église».
Trop exigeant, Benoît XVI? «Nous avons besoin que l'Église nous explique les valeurs à suivre, pour ne pas passer à côté de la vie», assure Estevao, 20 ans, venu de Rio avec ses copains à la messe d'Aparecida: «Avec le pape, l'Église est venue ici pour nous montrer qu'elle n'existe pas seulement au Vatican, mais aussi au milieu de nous. »

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