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 BRÉSIL 2007
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LUIGI ACCATTOLI FAIT LE BILAN DU VOYAGE
 

Le vaticaniste du Correre della Sera accompagnait le Pape au Brésil, c'est donc un témoignage de première main, qui complète celui de John Allen.
Son compte-rendu est honnête, avec le souci évident de justifier le Saint-Père d'accusations fallacieuses sur les différentes polémiques inventées au fur-et-à-mesure du voyage..

Article original en italien ici: http://www.luigiaccattoli.it/ (il y a aussi des commentaires)

Ma traduction (et mes sous-titres):


 

Etant allé au Brésil avec le Pape, j'affirme qu'il s'est agi d'un voyage important au cours duquel Benoît XVI a réaffirmé et fait sien le choix préférentiel pour les pauvres, encourageant une "proximité" concrète à leurs besoins; a honoré le martyre de l'archevêque Romero; a invité les episcopats à faire front aux défections de l'Église avec une évangélisation renouvelée, soumettant à la critique la pastorale actuelle et encourageant une relance missionaire. Le tout dans une continuité substantielle avec la prédication latino-américaine de son prédécesseur.
Il y a eu des actes et des gestes significatifs, comme la canonisation du premier saint brésilien, Frei Antonio de Sant'Anne Galvao, connu comme "homme de réconciliation et de paix" et la visite alla Fazenda d'Esperança, communauté de réinsertion pour toxicomanes. Au cours de cette visite, le samedi 12 mai à Guarantinguetà, on a vu un Benoît extraordinairement ému par l'entretien prolongé avec tous les jeunes présents, porteurs d'histoires terribles qu'ils ont en partie racontées eux-mêmes.

A propos de la polémique soulevée par certaines évaluations des media, j'ajoute qu'il n'a pas lieu de parler de "faillite de la mission papale" par manque de foules, ou de "raidissement intégriste" du Pape théologien qui aurait profité de cette occasion pour régler de vieux comptes avec la théologie de la libération, pour faire marche arrière par rapport à la reconnaissance wojtylienne de responsabilités catholiques dans l'oppression des peuples indiens, et pour étendre l'excommunication aux parlementaires qui voteraint des lois favorisant l'avortement.



L'Eglise des pauvres

La proximité aux pauvres, Benoît XVI l'a recommandée en ces termes, dans le discours du 11 mai aux évêques du Brésil : "Les pauvres des périphéries urbaines ou des zones rurales, ont besoin de sentir la proximité de l'Église, que ce soit dans l'aide pour leurs besoins les plus urgents, dans la défense de leurs droits et dans la promotion commune d'une societé fondée sur la justice et sur la paix. Les pauvres sont les destinataires privilégiés de l'Évangile, et l'Évêque, à l'image du Bon Pasteur, doit être particulièrement attentif à offrir le baume divin de la foi, sans négliger le pain matériel".
En désignant les pauvres comme "destinataires privilégiés de l'Évangile" le Pape théologien s'approprie, en le traduisant dans son propre langage, "le choix préférentiel pour les pauvres" qui caractérise l'histoire récente de la catholicité latino-américaine, mais au cours des cinq journées brésiliennes, il n'a pas manqué de citer explicitement cette maxime, qui a ainsi été reprise lors du discours d'ouverture de la Cinquième conférence des évêques latino-américains prononcé dimanche 13 à Aparecida : "L'option préférentielle pour les pauvres est implicite dans la foi christologique en ce Dieu qui s'est fait pauvre pour nous, pour nous enrichir avec sa pauvreté".


Béatification de Mgr Romero?

Peut-être plus encore que ces affirmations, les mots sur le martyre de l'archevêque de San Salvador Oscar Arnulfo Romero prononcés dans l'avion, devant les journalistes en réponse à une question sur la cause de béatification, apportent un démenti à ceux qui veut lire de manière régressive le voyage brésilien du Pape: "Il a été certainement un grand témoin de la foi, un homme de grande vertu chrétienne, qui s'est engagé pour la paix et contre la dictature et qui a été tué pendant la célébration de la Messe. Donc une mort vraiment 'crédible', de témoignage de la foi ".
Martyr signifie "témoin" et donc le Pape considère Romero comme un martyr.



Peu de monde?

On a dit que le voyage a été un flop du point de vue des foules, mais le Pape se rendait à l'ouverture la Cinquième conférence de l'Episcopat latino-américain, il n'était pas là pour rassembler des foules et les 800 mille participants à la canonisation de Frei Antonio à San Paolo le 11 mai étaient de toutes façons une grande foule: huit fois la place Saint-Pierre lorsqu'elle est pleine!


Excommunication des législateurs pro-choix

L'excommunication présumée étendue à ceux qui votent des lois en faveur de l'avortement, est un malentendu - facilement vérifiable - , une équivoque entre les questions des journalistes et les réponses du Pape, dans l'avion qui nous emmenait au Brésil, le 9 mai: elle a été dissipée par une déclaration du porte-parole du Vatican, le Père Federico Lombardi pendant le vol lui même.
Une question mal posée concernait "l'excommunication pour les députés de la Ville de Mexico sur la question de l'avortement", demandant au pape s'il la soutenait ; le Pape a répondu comme si la question concernait l'excommunication pour ceux qui pratiquent l'avortement, l'unique situation prévue par le Code - il a dit qu'en effet, il la partageait parce qu'il s'agissait "simplement du Droit Canonique" ; le porte-parole a précisé que "puiqu'il n'y avait pas de déclaration d'excommunication de la part des évêques mexicains, il n'était pas dans l'intention du Pape de déclarer cette excommunication".
Cela me semble tout à fait clair.


L'Eglise et l'Etat

L'affirmation que le Pape ait exprimé des positions intégristes comparables à celles du fondamentalisme islamique est dictée uniquement par l'esprit de polémique. Les mots adressés à Aparecida le 13 mai aux délégués des episcopati latino-américains ont valeur de démenti: "Ce travail (d'élaboration de structures sociales justes, ndr) n'est pas de la compétence immédiate de l'Église. Le respect d'une saine laïcité - y compris la pluralité des options politiques - est essentiel à l'authentique tradition chrétienne".
L'appel aux "principes non négociables" n'est pas du fondamentalisme, ni l'avertissement adressé au marxisme et au comunisme, formulé avec le même langage qu'utilisait Jean-Paul II : "Ici (dans la négation de Dieu, ndr) est précisément la grande erreur des tendances dominantes du siècle dernier, erreur destructrice, comme le montrent les résultats aussi bien des systèmes marxistes que capitalistes".


La polémique sur les indigènes

Pour finir, la question la plus épineuse, liée à ces mots du pape lors de l'ouverture de la Cinquième conférence : "L'annonce de Jésus et de son Évangile ne comporta à aucun moment, une aliénation des cultures précolombiennes, ni ne fut l'imposition d'une culture étrangère". Ces mots ont été lus comme une négation du mea culpa de Papa Wojtyla, qui à plusieurs reprises avait parlé de la necessité "d'expier" les "péchés" de l'oppression dont s'étaient rendus responsables les colonisateurs du Nouveau Monde. Mais il s'agit d'une lecture erronée. Ce péché est bien connu de Papa Ratzinger, qui déjà comme cardinal en parla plusieurs fois avec des mots très clairs. Par exemple dans son livre "Dieu et le monde": "En Amérique du Sud, le christianisme est arrivé en partie sous les fatales augures des épées espagnoles". Il y parle aussi de la Vierge de Guadalupe qui a aidé les peuples latino-américains à avoir "une compréhension correcte du christianisme: c'est-à-dire qu'elle a ouvert pour eux une déchirure vers le vrai visage de Dieu qui veut nous sauver et n'est pas du côté des destructeurs de leur culture ".
Les mots qui ont fait scandale doivent être lus dans l'ensemble du paragraphe dans lequel elles ont été prononcées, qui vise à réfuter la prétention de "l'indigénisme" radical qui voudrait - selon le Pape - "redonner vie aux religions précolombiennes", une utopie dont la réalisation "ne serait pas un progrès, mais plutôt une regression, une involution vers un instant historique ancré dans le passé".

Une preuve convaincante que le Pape déroulait un raisonnement de principe contre l'utopie du refus du christianisme comme "aliénation" et "culture imposée" - et qu'il n'entendait pas nier les violences des colonisateurs - , nous l'avons dans la prière qui conclut ce discours, où on lit, entre autres : "Reste, Seigneur, avec ceux qui dans nos societés sont les plus vulnérable ; reste avec les pauvres, les humbles, avec les indigènes et les afro-américains, qui n'ont pas toujours trouvé espace et appui pour exprimer la richesse de leur culture et la sagesse de leur identité ". En somme - nous dit le Pape en conclusion - avec la prédication de l'Évangile il y eut la violence et la marginalisation, mais cela n'autorise pas à dire que l'Évangile doive être rejeté comme aliénation venue de l'extérieur, parce elle ne l'est pas, et ne peut pas l'être.


"Le Pape a souri"