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COUP DE COEUR: UN LIVRE SUR BENOÎT XVI
 



Que la lumière de Dieu brille

La vie spirituelle de Benoît XVI (ed Fides).

Rares sont les livres sur Benoît XVI disponibles en français. Et parmi eux, rares qui ne cherchent pas la critique, de l'égratignure à l'acharnement (je ne citerai aucun titre!)
La parution de celui-ci n'en est qu'une plus agréable surprise....
Il s'agit d'un ouvrage du vaticaniste américain Robert Moynihan, directeur de la prestigieuse revue "Inside the Vatican", traduit de l'anglais, et publié au Canada.

J'avais déjà traduit une longue interview du Cardinal Ratzinger par Robert Moynihan: beatriceweb.eu/livresrevues/
Elle se retrouve en partie dans le livre, divisé en trois parties:
- L'homme et sa vie: une biographie, avec des éléments biographiques tirés du livre "Ma vie", et d'autres, inédits
- La vision spirituelle de Benoît XVI, qui est une sorte de compilations de rubriques, un peu comme un "dictionnaire Ratzinger" qui serait thématique, et non alphabétique, rangées sous trois titres (sa foi- le monde d'aujourd'hui - le chrétien en pélerinage)
- Le pontificat de Benoît XVI, avec quelques homélies-clés.

Extraits...
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La foi et la famille

La foi et la famille sont restées, durant toute sa vie, les deux pôles de la conscience de Benoît XVI.
Premièrement, la famille: ses Souvenirs le montrent toujours impatient de retourner à la maison de ses parents, de faire de longues promenades avec sa mère et son père, de vivre « en famille » ou « comme une famille » aussi souvent et aussi longtemps que possible. En fait, ses parents viendront vivre avec lui quand il acceptera son premier emploi dans l'enseignement universitaire. « Je me rappelle toujours, avec grande affection, la bonté de mon père et de ma mère. » Sa soeur, Maria, qui ne s'est jamais mariée, deviendra sa gouvernante, gardant unie la famille Ratzinger, même à Rome, jusqu'à sa mort - qui fut accablante pour Joseph - en novembre 1991. Joseph passe aussi une grande partie de ses vacances d'été en compagnie de son frère Georg, qui est prêtre, musicologue et directeur du choeur de la cathédrale de Ratisbonne, en Allemagne.
Puis, l'autre pôle: la foi.
« J'ai toujours été reconnaissant pour le fait que ma vie a été, dès son tout premier commencement, immergé dans le mystère pascal, puisqu'on ne peut y voir autre chose qu'un signe de bénédiction. Bien sûr, je ne suis pas né le dimanche de Pâques, mais le Samedi saint. Néanmoins, plus j'y réfléchis, plus il me semble que cela même caractérise notre existence humaine, qui reste en attente de Pâques, n'est pas encore dans la pleine lumière, mais se met en marche avec confiance vers la lumière. »
La simplicité de ces paroles révèle un point de première importance dans la pensée de Benoît XVI : que la foi des gens simples, ordinaires, est souvent la plus pure.
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Une vie édifiante et admirable

La vie personnelle de Joseph, après la guerre, fut marquée par l'étude, l'écriture, l'enseignement et la prière. Son grand maître fut saint Augustin (354-430), l'éminent Père de l'Église de l'Occident latin, dont a dépendu toute la vie intellectuelle de la culture occidentale pendant mille ans et dont l'influence sur notre pensée et notre vision du monde, même aujourd'hui, est d'une très grande importance.
Augustin, dans ses Confessions, se révèle à nous comme un être engagé dans une bouleversante bataille spirituelle pour sortir vainqueur de passions désordonnées, de nombreux péchés et en venir à la foi en Dieu et à une vie vertueuse.
De tels combats n'ont pas troublé l'adolescence de Joseph ni sa jeunesse. Il appartient au groupe de gens bénis dont la foi de l'enfance s'est développée naturellement en une source de sens et de force tout au long de la vie. Il n'a pas livré de bataille spirituelle de titan, ni connu de combat nocturne, comme Jacob avec l'ange du Seigneur, ni de « nuit obscure » de doute et de désolation, mais il a plutôt mûri, patiemment et humblement, dans la foi qui l'habitait dès sa première enfance.
En ce sens, l'histoire de sa vie est « modeste » : une vie édifiante et admirable pour un homme qui a atteint un tel degré d'autorité et de responsabilité. C'est dans le champ de bataille de l'esprit, non dans celui du coeur et des passions, que s'est déroulé le combat spirituel de Benoît XVI.
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Est-ce que cela vous fait souffrir?

- Ont-ils raison, lui ai-je demandé, ceux qui disent que vous êtes un « ultra-conservateur » ?
- « Je dirais que le travail qui nous est demandé est conservateur, a répondu Ratzinger, au sens où nous devons garder le dépôt de la foi, comme disent les Saintes Écritures. Nous devons le conserver. Mais conserver le dépôt de la foi, c'est constamment nourrir une force explosive contre les pouvoirs de ce monde qui menacent la justice, qui menacent le pauvre.
- J'entends ceci comme si vous étiez à la fois et conservateur et radical. Mais il y a peu de gens qui oseraient dire cela de vous. Pensez-vous que vous avez été mal compris?
- Par une certaine partie des médias, oui, certainement
- Est-ce que cela vous fait souffrir?
- Jusqu'à un certain point, oui, dit Ratzinger. Mais d'un autre côté, je suis un peu fataliste. Le monde est ce qu'il est. Et il vit à partir d'images simplistes...
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Une autre vie pour exposer ma vision théologique

« Mes intentions et mon action sont simples. Je suis convaincu qu'il existe une foi de l'Église. L'Église l'a formulée dans ses confessions et les documents du magistère. Et si nous voulons être catholiques, nous avons simplement à vivre cette foi et, bien sûr, à l'épanouir de plus en plus. Les opinions privées de ce genre ou de tel autre ne vont définitivement pas sauver l'Église, même si elles semblent avoir du succès pour le moment.
« Nous nous sommes engagés à obéir au Seigneur. Nous croyons que le Seigneur vit dans l'Église et parle en elle. De ceci il découle simplement que nous n'avons pas à défendre des opinions privées, que nous n'avons pas à chercher dans telle ou telle direction, mais à essayer de comprendre ce que l'Église croit vraiment et à défendre ses positions. Bien sûr, il faut essayer de rendre cette foi compréhensible pour aujourd'hui et la rendre vivante. Nous devons nous efforcer de réintroduire la foi dans la pensée d'aujourd'hui et de faire voir sa logique profonde. »
L'homme qui est maintenant devenu pape doit désormais faire de sa vie, « de façon littérale », ce qu'il avait espéré en faire.
En 1993, il disait souhaiter « une autre vie durant laquelle je pourrais exposer ma vision théologique ». Il voulait montrer que la foi chrétienne n'est pas « quelque commandement positiviste, mais doit être comprise, vécue, acquise et rendue visible, de telle sorte que, la voyant, les gens puissent dire : Oui, c'est vraiment quelque chose qu'il faut croire, c'est de cette manière que la vie peut être vécue, c'est ainsi qu'on trouve des réponses aux questions de la vie. »
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Dernière rencontre avant l'élection

J'ai rencontré le cardinal Ratzinger, pour la dernière fois, à Rome le 12 mars 2005, juste un mois avant son élection comme pape. C'était une journée froide et je portais un manteau. Nous parlions de la situation en Ukraine et, en général, des questions dont il faudrait traiter dans le dialogue avec les orthodoxes. Nous avons parlé du ministère de Pierre et des changements qu'il faudrait peut-être apporter à la manière dont fonctionne la papauté, pour permettre aux non-catholiques d'arriver à une union plus étroite avec Rome. Et nous parlâmes du message de Fatima. Nous avons aussi parlé assez longuement de la liturgie, du désir de plusieurs catholiques pour une liturgie plus solennelle, plus sacrée, plus traditionnelle, et de la manière d'y arriver. Nous avons même abordé la question de la santé du pape Jean-Paul II. Jean-Paul II venait tout juste d'entrer à l'hôpital pour une deuxième fois et, ni l'un ni l'autre, nous ne pensions qu'il allait s'éteindre en l'espace de trois semaines.
Je lui dis, avant de me lever pour partir : « Vous savez, votre situation est remplie de problèmes qui ne peuvent pas être résolus parce qu'ils ne peuvent même pas être posés en termes clairs.»« Oui, répondit-il, nous avons besoin de clarté, comme vous dites, presque avant toute chose, et de bonne volonté. »
Comme je m'apprêtais à partir et que j'avais quelque peine à remettre mon manteau, il vint à moi spontanément pour m'aider. Ce qui me frappa alors, comme encore aujourd'hui, c'est que j'avais là devant moi un homme très aimable qui tendait une main secourable à un journaliste.


Le génie théologique de J. Ratzinger | Beau "collage" dans le HS de L'Avvenire