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MANUEL DE CHRISTOLOGIE POUR TEMPS TROUBLÉS
 

Ratzinger défend la spécificité de la voie chrétienne
Par Jacques Julliard.
Le Pape a rédigé un manuel de christologie pour temps troublés.
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LE MONDE des croyances est une forêt épaisse où la réalité parvient rarement à se frayer un chemin. Il est entendu par les médias que le Panzerkardinal Joseph Ratzinger, devenu Benoît XVI, est un fieffé réactionnaire en matière politique, un conservateur endurci en matière de moeurs et de foi.
Ne liront donc avec profit son Jésus de Nazareth que les esprits libres, qui savent qu'il est plus difficile de se défaire de ses propres préjugés que de combattre ceux d'autrui.

Le livre de Joseph Ratzinger est une apologie de Jésus.
Jésus est-il donc attaqué ?
Oui,
et de façon convergente par les exégètes et théologiens acharnés à en raboter jour après jour la réalité historique au profit d'une vague sagesse à usage universel et aussi par les zélateurs illuminés pour qui Jésus est le produit des fantasmes et de la sensibilité maladive de l'époque. C'est ainsi qu'on est passé, dit l'auteur, y compris à l'intérieur du catholicisme, de l'ecclesiocentrisme d'avant le concile (l'Église au centre du christianisme) au christocentrisme de la période suivante jusqu'au théocentrisme actuel, qui tend à rapprocher les religions particulières en une religion de Dieu aux contours vagues et élastiques.
Contre ce syncrétisme bêlant, Joseph Ratzinger défend avec vigueur la spécificité de la voie chrétienne, qui est d'abord une voie christique.
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Pour préserver la spécificité du message évangélique, pour défendre un christianisme vraiment christique contre l'écoeurante fadeur d'une internationale des croyants appuyée sur une théologie proche des principes de l'Union postale universelle, il faut défendre, sans esprit de recul, pense le Pape, l'historicité de Jésus. Jésus n'est pas un mythe solaire, un chaman ou un gourou. C'est un être de chair et de sang (le pain et le vin).

Ratzinger, qui a commencé ce livre alors qu'il n'était pas encore Benoît XVI, ne fulmine ni ne condamne. Il n'anathématise personne ; il se garde bien de brandir son infaillibilité (« Aussi chacun est-il libre de me contre­dire », ajoute-t-il) ; mais il se confronte avec ses confrères en exégèse et en théologie, d'hier à aujourd'hui, de Harnack à Bultmann. On voit le chemin parcouru depuis Jean-Paul II, dont il était pourtant l'un des plus proches collaborateurs. On est passé de la Vierge noire de Czestochowa au criticisme allemand des XIXe et XXe siècles. Car pour défendre efficacement l'historicité de Jésus, il faut prendre en compte dans un esprit authentiquement scientifique, tous les acquis récents de la recherche, y compris ceux qui posent problème à la foi. Contre Hengel, qui fait de l'Évangile de saint Jean une « oeuvre poétique de Jésus », Joseph Ratzinger affirme : « Une foi qui abandonne ainsi la dimension historique devient réellement de la gnose. Elle abandonne la chair, l'incarnation - la véritable histoire justement. »

Le livre, on l'a compris, n'est pas une nouvelle vie de Jésus, comme il en existe des milliers. C'est un véritable manuel de christologie, qui comprend des chapitres admirables de subtilité et de pénétration à propos du Sermon sur la montagne ou du Royaume de Dieu. Le dernier, consacré à la manière dont Jésus se désignait lui-même (le Fils de l'Homme, le Fils, « Je suis »), montre comment il pratiquait envers ses disciples une véritable pédagogie de sa divinité.

À noter encore, pour leur valeur poétique, les développements consacrés aux principaux éléments de la symbolique chrétienne, tels l'eau, la vigne, le vin, le pain ou encore la montagne et le désert. Je me garderai bien de conclure sur les différents problèmes d'exégèse soulevés par ce théologien qui est tout de même le pape Benoît XVI.
Le plus fascinant dans cette histoire est tout au long du siècle écoulé la succession de papes qui sont avant tout des pasteurs (Pie X, Benoît XV, Jean XXIII, Jean Paul II) et d'autres qui sont avant tout des docteurs et des intellectuels (Léon XIII, Pie XI, Pie XII, Paul VI, Benoît XVI), avec dans chacune des deux séries des conservateurs et des novateurs.
L'alternance est décidément un système qui a du bon.
En termes religieux, on dit : il y a plusieurs demeures dans la maison du Père.

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