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MGR BERTONE ET L'ENTRÉE DE LA TURQUIE DANS L'UE
 

La Croix diffuse sur son site Internet une dépêche ainsi titrée:
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Le Vatican favorable à l'entrée de la Turquie dans l'Union Européenne

L'Eglise catholique est favorable à l'entrée de la Turquie dans l'Union Européenne car ce pays "a parcouru un long chemin" et "respecte les règles fondamentales de la vie commune", a déclaré Mgr Tarcisio Bertone, numéro deux du Vatican, dans une interview mercredi à La Stampa.

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Ne voulant pas faire dire au Cardinal ce qu'il n'a pas dit, ou ne voulait pas dire, je suis allée à la recherche des propos qu'il a tenus au vaticaniste de la STAMPA. (source: La Stampa)
Et je les ai traduits.
On pourra juger en le lisant qu'on a une fois de plus (ab)usé de ce procédé détestable (et là, Mario Tosatti lui-même est responsable, par son titre) qui consiste à extraire un propos de son contexte.
La Turquie occupe 3 lignes, à la fin d'une interview où il était question de toute autre chose.
Essentiellement du sécularisme, mais aussi (ce qui aurait tout aussi bien pu faire l'objet du titre) de son indignation devant les titres mensongers de la presse italienne sur le "flop" prétendu du voyage au Brésil, avec la sous évaluation scandaleuse de l'affluence.
Pour faire court, c'est un peu comme si Tarcisio Bertone s'était laissé piégé, lui qui est pourtant conscient du problème de réduction et de manipulation par les media.
A moins qu'il n'ait livré un message, qu'il nous revient d'interpréter - car je le crédite de voir plus loin que moi.
Dans une première lecture (il pourrait y en avoir de plus subtiles), ce message peut très bien se comprendre ainsi: puisque cette Europe-là ne veut reconnaître nulle place à la religion, et que la Turquie est un pays qui se dit laïc, au nom de quoi peut-on lui refuser l'entrée?


L'article de" La Stampa"

"La Turquie en Europe? L'Église dit oui "
Marco TOSATTI, la Stampa, 30 mai 2007
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Le Vatican ouvert à l'entrée de la Turquie en Europe
: le Secrétaire d'État, le cardinal Tarcisio Bertone, interviewé en marge de la rencontre "Christianisme et Sécularisation", à l'Université Européenne de Rome, a exprimé ce qui est jusqu'à présent la déclaration la plus claire du Saint-Siège sur le thème controversé de l'adhésion d'Ankara a l'EU. Il a ensuite réaffirmé la volonté de l'Église de dialoguer en Italie et en Europe avec les laïques, même s'il il a exprimé une position très dure sur la "fermeture aux valeurs transcendantes".
Et il a jugé "inadmissibles" certaines "réductions et manipulations" des mass media.
Une intervention tous azimuts, dans laquelle il a offert l'image d'une religion non pas sur la défensive, mais à l'attaque, et les chrétiens "non pas ce qui reste d'une Europe en train de disparaître, mais comme l'avant-garde d'une nouvelle Europe qui peut être réaliste mais pas cynique, riche d'idéaux et libre d'illusions naïves ".

Question: Éminence, quel est le rapport entre religion et démocratie en Europe, aujourd'hui ?
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Cardinal Bertone: "Je pourrais partir d'une affirmation très lapidaire de l'écrivain Alexis de Tocqueville : "Le despotisme n'a pas besoin de religion, la liberté, si". Les gens, s'ils veulent être des sujets actifs dans la formation de la démocratie, et donc dans l'action politique en vue du bien commun, ont besoin d'ouverture aux valeurs fondatrices de la personne et de la societé. Et pour nous, dans une vision chrétienne, les valeurs fondatrices viennent de Dieu, de Celui qui a inventé la personne et la comunnauté humaine : la personne faite à image et à la ressemblance de Dieu, et la comunnauté humaine faite à image de cette communion tri-personnelle qui est la communion trinitaire. Là, nous volons haut, cependant il faut partir de là. L'histoire a démenti les "messianismes sans Messie", qui, en séparant les valeurs du christianisme, en privatisant la foi et en rendant le morale autonome de la religion, croyaient construire une humanité authentiquement libre et respectueuse de la dignité ".

Il existe cependant aussi un morale laïque, à côté de la morale confessionnelle.
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"Certes, ceci ne veut pas dire que les non-croyants ne réussissent pas à proposer et à vivre des valeurs fondamentales, il n'y a pas de doute ; cependant le Pape a dit au Brésil, il y a quelque jours, dans le discours d'inauguration de la Cinquième conférence de l'Episcopat d'Amérique Latine et des Caraïbes, que sans référence à Dieu, ces valeurs perdent toute leur force ".

L'Europe cependant semble vouloir oublier, ou avoir perdu ces valeurs chrétiennes. Un dialogue avec le laïcisme européen est-il possible ?
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"Oui, il est possible de dialoguer même avec le laïcisme. Certes le laïcisme met l'accent sur l'"apostasie de Dieu", employons ce mot ; sur l'absence de références à Dieu. Cependant l'Église dialogue avec tous, l'Église cherche à construire avec tous un monde fondé sur la justice, sur la solidarieté ; au contraire, les Papes parlent d'amour, le Pape Benoît parle d'amour. Donc nous dialoguons avec tous, même si l'absence de référence à Dieu nous prive d'une ressource ".

Et en Italie où en est la situation, à présent?
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"En Italie nous dialoguons, nous acceptons la confrontation; récemment encore, vous l'avez vu, après la manifestation (ndr: la manifestation pour la famille... et contre le DICO, qui, le 13 juin dernier a rassemblé 1 million de personnes sur la Place Saint-Jean de Latran, à Rome), cette fête de la Famille, la Conférence pour la Famille a rassemblé des croyants et des non-croyants ; et même la manifestation de Saint-Jean a rassemblé des croyants et des non-croyants, pour un bien précieux, qui est un trésor pour toute la societé, c'est-à-dire la famille. Et dans le discours aux évêques italiens, vous l'avez peut-être remarqué, le Saint-Père a dit ceci: n'importe quelle initiative, y compris du gouvernement, en faveur de la famille comme telle, ne peut être que bienvenue et encouragée. C'est le Pape lui-même qui l'a dit ".

Il y en a qui parlent du danger d'une dictature du sécularisme. Est-ce excessif ?
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"Eh bien, parler de dictature de sécularisation aujourd'hui... Certes la sécularisation progresse, mais elle progresse au moins depuis 1968. Cela fait un moment, que le sécularisme est en marche; mais comme vous voyez il n'a pas détruit la religion, au contraire il y a un frein très fort, une reprise de la religiosité, je dirais, venant essentiellement des jeunes, des forces les plus actives, les plus dynamiques de la societé ".

Il existe donc un problème de communication entre l'Église et le monde; elle ne réussit pas à se faire comprendre, ou alors elle est mal interprétée ?
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"L'un et l'autre. Il y a un problème de communication, et je l'ai déjà dit à plusieurs reprises. Comme l'a répété tant de fois Papa Ratzinger, nous cherchons à être présents, à expliquer,les raisons de la foi, et les raisons de la contribution que l'Église offre à la Societé, pour le bien commun de la Societé. Mais il y a toujours un problème de réduction et de manipulation.
Par exemple : je ne parviens pas à comprendre certains titres de journaux : le flop du voyage à Brésil. Ceux qui étaient présents ont vu des millions de personnes qui voulaient voir le Pape, qui l'ont attendu, et accompagné dans tous ses déplacements. Même à Aparecida, comment prétendre qu'il y avait seulement 170000 personnes... Cela reviendrait à dire que, Place Saint-Jean, il y avait 200000 personnes (ndr: il fait allusion à la grande manifestation contre le DICO). Mais il faudrait éviter d'employer ces moyens mesquins, pour falsifier la réalité concrète que chacun peut constater ".

Il y a une volonté précise en ce sens, selon vous ?
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"N'en disons pas plus. Je ne juge pas, mais il est certain qu'il s'agit de choses inadmissibles ".

Nous parlons de sécularisation. On discute de l'entrée en Europe d'un pays, comme la Turquie, qui a un problème opposé, celui du fondamentalisme ; et elle veut entrer en Europe.
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"C'est vrai il y a un peu de contradiction. La Turquie est un pays qui est défini comme laïque ; en Europe on exalte le laïcisme comme tel, pas seulement la laicité, mais le laïcisme, et au nom de ce laïcisme on ne veut aucune référence aux racines judeo-chrétiennes. Cependant même la Turquie a fait du chemin, beaucoup de chemin. Je veux dire qu'il y a des évolutions ; il y a naturellement des positions très diversifiées, mais dans un ensemble de sujets, peuples et gouvernements qui respectent les règles fondamentales de vie en commun, on peut dialoguer et construire ensemble un bien commun au niveau européen et même au niveau de la comunnauté mondiale ".

Même avec une entrée en Europe ?
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"Même avec une entrée en Europe".

Stampa, 30 mai 2007


"L'humble théologien" | John Allen sur le Motu proprio (2)