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LA CROIX, 8 JANVIER
 

Le nouvel archevêque de Varsovie a renoncé
Amélie POINSSOT, à Varsovie

À Varsovie, la messe d'installation de Mgr Stanislaw Wielgus s'est transformée dimanche 7 janvier en messe d'adieux. L'évêque avait confirmé vendredi avoir collaboré, à un degré que l'on ignore, avec les services secrets communistes avant la chute du mur de Berlin.
Deux heures avant le début de la célébration, déjà une centaine de personnes attendent, sous la pluie, de pouvoir entrer dans la cathédrale Saint-Jean pour la messe d’installation du nouvel archevêque de Varsovie. Alors que Mgr Stanislaw Wielgus a avoué, vendredi soir 5 janvier, avoir collaboré avec les services secrets communistes, après deux semaines de silence malgré les révélations des médias, et alors que le Saint-Siège l’avait appuyé jusque-là, personne ne veut croire à l’information, diffusée un peu plus tôt par la télévision publique, d’une démission de l’archevêque.
Dans une déclaration prononcée dès les premières minutes de la messe, l’archevêque coupe toutefois court aux spéculations : « En raison de ce que j’ai fait dans le passé, et en accord avec le Vatican, je renonce à mes fonctions d’archevêque de Varsovie. » Les fidèles lancent des « Non, non » et des « Restez avec nous »… Mais la décision est prise. Mgr Wielgus, qui avait pourtant officiellement pris possession de son diocèse vendredi après-midi, renonce.

Dans une homélie très engagée, le cardinal Jozef Glemp a pris la défense de celui qui aurait dû être son successeur sur le siège de la capitale. « C’est parce qu’il avait un rôle important dans l’Église que les services secrets du régime communiste se sont intéressés à lui. Mais on ne connaît pas les détails de cette collaboration, et le jugement que les médias ont porté sur lui ne vaut en rien le jugement d’un tribunal. » Pour le primat de Pologne, Stanislaw Wielgus a été victime d’un jugement fait sur « des bouts de papier, des copies de copies », et n’a pas eu les moyens de se défendre.
"Son aveu l'a grandi"

Les fidèles, qui applaudissent chaleureusement, semblent partager cet avis. « Je ne peux pas croire qu’il ait démissionné, explique Marek, venu assister à la cérémonie. Son aveu, vendredi, de collaboration avec les services communistes, l’a grandi. » À la sortie de la messe, une cinquantaine de fidèles scandent le nom de l’archevêque démissionnaire. Certains sont plus circonspects, comme Jan, jeune retraité, qui observe calmement : « Je crois qu’à présent il faut respecter la parole du Vatican. Le pape a accepté la démission de Mgr Wielgus, il faut passer à autre chose, quelle que soit l’opinion que l’on peut avoir sur la justesse de cette décision. »

Dès vendredi, une commission spéciale de l’Église catholique polonaise avait confirmé les premières accusations lancées dans la presse le mois dernier. « Il existe de nombreux documents importants confirmant le fait que le P. Stanislaw Wielgus s’était déclaré prêt à collaborer, de façon consciente et secrète, avec les organes de sécurité communistes », indiquait-elle dans un communiqué. Selon elle, les documents étudiés, issus de l’Institut de la mémoire nationale (IPN) qui gère les archives des services spéciaux de l’époque communiste, « montrent indirectement que l’activité du P. Stanislaw Wielgus pouvait nuire à différentes personnes, membres de l’Église ». La commission soulignait toutefois qu’il n’existait aucune preuve directe que le futur évêque « avait nui à quiconque ».

Pour sa défense, le prélat a affirmé n’avoir fait que le strict minimum afin d’obtenir un passeport, sésame indispensable pour effectuer les voyages à l’étranger nécessaires à ses études. Au total, il aurait été convoqué une cinquantaine de fois par la SB (Sluzba Bezpieczenstwa – services de sécurité, c’est-à-dire police politique). Ce sont ensuite les agents de police qui rédigeaient des rapports sur ces discussions.

"On sait que les agents de la SB mentaient sans scrupule"

« Ce qui est étrange dans cette histoire, note Joanna Pietrzak-Thébault, journaliste à la KAI, agence catholique polonaise d’informations, c’est que la parole du fonctionnaire est plus forte que la parole d’un évêque. Or, on sait que les agents de la SB mentaient sans scrupule. Mais un évêque qui collabore, c’est tellement plus croustillant… »

Pour la presse polonaise, ces aveux tardifs créent la plus grave crise de l’Église polonaise depuis 1989. « Il a reconnu les faits après deux semaines de dénégations, écrivait samedi l’éditorialiste Ewa Czaczkowska dans le quotidien conservateur Rzeczpospolita. Comment croire à présent qu’il ne cache plus rien ? »

Même défiance du côté de l’intellectuel Tomasz Terlikowski, farouchement engagé en faveur d’une « lustration » au sein de l’Église (du latin lustratio, rituel de purification dans la Rome antique) pour épurer les institutions des anciens agents communistes. Dans un appel à l’épiscopat qu’il signait dans le quotidien Dziennik ce week-end, l’intellectuel estime que ce qui fait le plus de tort à l’Église, ce n’est pas tant que certains de ses membres aient pu collaborer, mais plutôt de « se défausser face à ses responsabilités ».

"D'autres temps et d'autres circonstances"

L’épiscopat polonais avait d’ailleurs publié, le 25 août dernier, un mémorandum déclarant que la signature d’un engagement de collaboration avec la police communiste – quelles qu’en soient les raisons – constituait à lui seul un péché.

Depuis plus d’un an, l’Église polonaise est périodiquement secouée par ce genre d’accusations. Lors de son voyage en Pologne, en mai dernier, Benoît XVI avait invité le clergé à se garder de tout jugement « arrogant » sur les générations précédentes, « qui ont vécu en d’autres temps et en d’autres circonstances ». Il semble aujourd’hui que l’Église polonaise prenne un autre chemin.


 

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