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DOSSIER TÉLÉMOUSTIQUE
 

TéléMoustique n°4236 du 04/04/2007
Source

ACTUALITE & SOCIETE

L'Eglise et les Belges

Au risque de gâcher les fêtes de Pâques, l'évidence est là: les croyants se détournent de l'Eglise. Peut-être en partie à cause de la rigidité du Vatican, relayée chez nous par l'évêque de Namur.


"L'euthanasie? Inutile. L'avortement? Antidémocratique. Les gays? Anormaux. Le préservatif? Poreux."


A la veille de Pâques, le diagnostic est sans appel pour les catholiques: c'est une sévère crise de foi. Les sondages et les statistiques le martèlent: en Belgique, l'Eglise a vu fondre son aura au fil des 50 dernières années. Si la moitié des Belges se revendiquent encore de confession catholique, la pratique, elle, régresse un peu plus chaque jour. En témoigne la chute vertigineuse de la fréquentation des églises. Elle est loin, très loin, cette époque où la messe s'imposait comme une tradition de masse et où il était inconcevable de se passer de monsieur le curé pour célébrer les grandes étapes de la vie. Les Belges, à l'image de leurs voisins européens, vivent désormais leur foi de manière intérieure, plus individualiste. Ou ne la vivent carrément plus du tout, dans une société occidentale où les nouveaux cultes s'appellent consommation, corps parfait et réussite à tout prix. Effet collatéral de ce phénomène: aujourd'hui, il y a trois fois moins de curés qu'en 1960.

Face à cette crise sans précédent en 2.000 ans, le Vatican semble chercher son salut dans un sacré resserrage de boulons. Dans sa récente exhortation apostolique, Benoît XVI prône un ferme retour aux sources. Principalement sur le terrain de l'eucharistie, en décochant au passage des flèches contre le remariage des divorcés et les plaidoyers pour l'abandon du célibat des prêtres. Fidèle héritier de feu Jean-Paul II, son successeur est perçu par les catholiques progressistes comme l'un des fossoyeurs du bel esprit d'ouverture de Vatican II.

Chez nous, l'un des plus ardents représentants de Benoît XVI se nomme André-Mutien Léonard. Monseigneur chapeaute l'évêché de Namur et figure parmi les favoris à la succession du cardinal Danneels, "patron" de l'Eglise belge qui devrait se retirer dans les deux ans. L'évêque namurois nous a reçu en ses murs hors du temps et du bruit de la vie pour tenter de comprendre l'état désastreux du catholicisme belge. Il nous a également exposé ses visions, dans la droite ligne de Rome, sur les grandes questions éthiques qui, ces dernières années, ont traversé notre société et notre Parlement.

Monseigneur Léonard parle d'une voix douce et posée. Mais qu'on ne s'y trompe pas: au fil de cet entretien, il crucifie la loi et le droit à la différence. Tête baissée, il va même jusqu'à lancer une rumeur inquiétante qui fera bondir les scientifiques, croyants inclus. Ces propos ont au moins un mérite: démontrer plus que jamais le sidérant décalage entre le très haut clergé et la majorité de ses humbles contemporains.

Estimez-vous que la foi catholique est en crise en Belgique?
Pas plus que dans les autres pays d'Europe occidentale. Mais pendant qu'ici nous connaissons de la morosité, de l'indifférence, ailleurs c'est tout le contraire. L'Eglise catholique est la meilleure des multinationales, dont la branche belge est, certes, un des maillons faibles. Ça ne veut pas dire qu'on va supprimer de l'emploi pour autant.

Comment expliquez-vous ce phénomène?
Je ne sais pas s'il faut rechercher une responsabilité. L'Occident vit actuellement dans une culture très individualiste. Regardez le déficit de la militance.

(...)

Le mariage homosexuel est lui aussi permis par la loi. Votre avis?
"Sexuel" vient du verbe latin "secare" qui signifie "séparé". L'idée de la sexualité, c'est donc la division, l'opposition et la complémentarité entre le féminin et le masculin. Quant au mariage, c'est, par définition, l'union stable entre un homme et une femme. Dès lors, je pense qu'un parlement n'est pas maître des mots et n'a pas autorité sur le sens métaphysique et biologique de la sexualité. Le pouvoir civil dénature déjà complètement le mariage classique en le fragilisant et en introduisant le ver dans la pomme dès le départ (Monseigneur Léonard fait référence ici à la récente réforme qui facilite le divorce - NDLR) mais, par-dessus le marché, il veut appeler "mariage" ce qui ne mérite pas ce qualificatif. Dès lors, utilisons un autre nom: un pics, un pacs, un pucs... tout ce que vous voulez mais pas "mariage"!

Quelle est votre position sur l'homosexualité?
La même que Freud: c'est un stade imparfaitement développé de la sexualité humaine qui contredit sa logique intérieure. Les homosexuels ont rencontré un blocage dans leur développement psychologique normal, ce qui les rend anormaux. Je sais bien que dans quelques années, je risquerai la prison en affirmant cela, mais ça pourrait m'offrir un peu de congés (sourire).

(...)

Face à la menace du sida, pourquoi l'Eglise ne prêche-t-elle pas pour le recours au préservatif?
Les enquêtes sérieuses montrent que le préservatif n'est fiable qu'à 90 voire 95 %. Statistiquement (donc 5 à 10 cas sur 100), il y a des échecs à l'usage: glissement, rupture, porosité...

Porosité?
Oui, il y a parfois ce problème de fabrication, qui laisse passer les virus minuscules. Donc, pour toutes ces raisons, le préservatif est une roulette russe. On donne une illusion de sécurité absolue à la population avec des campagnes du type "kit de séduction pour l'été" (sont visées ici les actions estivales de la Plate-forme Prévention Sida - NDLR). Par là même, on encourage des comportements à risque et on contribue à la multiplication du virus. Je voudrais bien voir la même publicité pour la sécurité routière. (Sarcastique.) Roulez comme vous l'entendez, à gauche, à droite, pneus gonflés ou non, avec ou sans phares... mais mettez un casque qui vous protégera d'un accident mortel dans 95 % des cas!

Alors, que recommandez-vous pour se prémunir du sida?
Je salue la fidélité et la sobriété dans les relations sexuelles, comme on le préconise en Afrique. En Belgique, si vous avez la malencontreuse idée de le rappeler, on vous traite de rétrograde. Néanmoins, pour en revenir à mon image automobile, si quelqu'un a décidé de rouler n'importe comment, je lui dirai: "Enfile ton casque." Mais je lui rappellerai que son comportement est aberrant. Au même titre, le préservatif est un moindre mal, mais un mal quand même.

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