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BENOÎT XVI VU PAR "GOLIAS"
 

A la page "Liens", j'ai eu l'occasion de souligner à quel point le site Golias est une mine d'informations: "ils" respectent le Saint-Père qui, tout en n'étant pas de leur bord (ou plus exactement, le Saint-Père n'étant évidemment d'aucun bord, ils sont en révolte contre lui, peut-être même aucunement catholiques), est un interlocuteur dont ils reconnaissent l'immense envergure intellectuelle.
Je persiste et signe...
Témoin, cet article de Romano Libero (co-auteur, avec Christian Terras, d'un livre écrit au lendemain de l'élection, et intitulé "Le pape Ratzinger, l'héritier intransigeant"), dont la première partie, étonnamment subtile et nuancée, tente de dresser un bilan des 2 premières années de Pontificat.
Romano Libero y développe cette juste idée que Benoît XVI n’est certes pas réductible à un quelconque courant idéologique. Il ne tombe pas dans le piège grossier pourtant récurrent dans une certaine presse.
Mais évidemment, ce que 'Golias' ne veut pas, ou ne peut pas comprendre, c'est que l'idéologie n'est pas une catégorie applicable au Saint-Père. Lui se situe à un autre plan, il est le Pasteur qui a le devoir de rassembler le troupeau.
L'adjectif utilisé pour le caractériser est "intransigeant", justement, ce qui n'est ni insultant, ni caricatural, et même très proche de la vérité. Lorsqu'il s'agit de défendre sa foi, nous avons déjà dit que le Saint-Père est capable de dureté.
Si l'on met donc de côté les inévitables (et bienvenues, venant d'eux, car une louange sans réserve serait éminemment suspecte!!!) critiques contre un pape qui défend de toutes ses forces des idées à l'opposé de l'apostasie à peine camouflée dont Golias est le relai assidu auprès des medias français, critiques rassemblées dans la seconde partie --en italique-- l'article est un éloge sans réserve, comme on en voit peu en France. Et d'autant plus si l'on lit cette seconde partie (et les parties en italique) en négatif.
Un très bon article, donc.
Comme quoi on n'est jamais si bien servi que par ses ennemis...


La croisade de Joseph Ratzinger

Golias, le 28 juin 2007
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Nous avons célébré récemment les deux années du Pontificat Ratzinger. L’année dernière déjà, un certain bilan pouvait être dressé. Néanmoins, il semble juste et intellectuellement plus averti de laisser encore un peu de temps au nouveau titulaire du siège de Pierre pour que se dessine éventuellement de façon plus claire la ligne de son action et de son enseignement.
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D’emblée, il convient de préciser que ce n’est jamais chose aisée. En effet, les personnalités les plus riches sont souvent les plus paradoxales. Doté d’une intelligence hors du commun, Benoît XVI ne se laisse pas facilement enfermer dans une quelconque catégorie idéologique. Il n’est certes pas réductible à un quelconque courant idéologique.

Pour autant, faut-il conclure qu’il navigue en fait à vue, sans avoir d’orientation directrice finement pensée et conçue ? Ce serait se tromper et ne correspondrait d’ailleurs pas à la personnalité de Benoît XVI .

En effet, Joseph Ratzinger entend au contraire mener à bien une politique ecclésiale fort réfléchie. Peu à peu, il nomme des hommes de confiance bien à lui et désire remodeler un style de catholicisme qu’il souhaite voir l’emporter sur le catholicisme dit "post-conciliaire". Il serait inexact d’amalgamer ce catholicisme traditionnel, intransigeant et anti-relativiste avec sa variante intégriste, plus faible dans son argumentaire, confondant volontiers un certain nombre de principes avec leur concrétisation historiquement située et politiquement colorée. Théologien subtil, Joseph Ratzinger ne souscrirait pas aux jugements trop binaire ou aux diktats trop volontariste d’une extrême droite trop volontariste .... dont les démonstrations de musculation lui semblent inopportunes et irritantes.

La question qui se pose d’emblée est de savoir s’il y a un pape à Rome qui exerce vraiment son autorité et entend faire quelque chose, et ne pas se cantonner dans un rôle de bénisseur de chapelet...? Loin de nous l’idée d’envisager un seul instant l’hypothèse sédévacantiste que caresse complaisamment certains groupes intégristes qui parlent de l’abbé Ratzinger !

Nous nous demandons simplement si Benoît XVI a pris effectivement ses marques. Ce qu’il a déjà accompli et ce qu’il semble prêt à réaliser. Peut-on parler d’un Pontificat réformateur ? En quel sens ? Quels défis demandent encore à être relevés ? Le Pape tourne-t-il le dos à des réformes espérées et parfois annoncées (de la Curie...) ? Que pouvons nous nous permettre de lui suggérer? (ndr: c'est peut-être un peu prétentieux...) C’est à ces questions qu’entend suggérer des réponses, discutables et inchoatives, le présent article.

L’AMBITION DE BENOÎT XVI.
Le Pape Benoît XVI, moins médiatique que son prédécesseur, ne semble pas moins déterminé. Bien au contraire, il cultive pour l’Eglise un projet vaste et fort ambitieux de renouveau...mais dans le sens le plus intégriste possible. Certes, il serait également simpliste de voir en lui un intégriste au sens habituel du terme, un pur nostalgique du passé. La théologie personnelle de Joseph Ratzinger résiste à l’évidence à toute tentative de la réduire à une option idéologique. En même temps, Benoît XVI se veut un Pape de reconquête du terrain perdu. Pour lui, le dogme catholique est la vérité, point final, aux côtés de laquelle nulle autre vérité ne saurait s’imposer comme alternative ou comme concurrente, ni même comme complémentaire ou seulement différente.

Les choix de l’actuel Pontificat, qui prennent de plus en plus forme, trahissent à leur manière cette orientation de fond, cette intention foncière. Le Pape souhaite le triomphe de la vérité catholique; pour lui, le dialogue ne constitue aucunement une fin en soi; il peut seulement parfois éventuellement constituer un moyen toléré, s’il se révèle stratégiquement porteur.

On se souvient des réticences de celui qui n’était encore que le cardinal Ratzinger face à la réunion des religions à Assise en 1986, voulue par Jean Paul II. Le grand péril, selon Joseph Ratzinger, réside en un nivellement des religions. Pour lui, l’ennemi principal, répétons-le, est le relativisme, à savoir la tendance à relativiser toute prétention à une vérité définitive et absolue. L’esprit des lumières serait grandement responsable d’une situation actuelle déplorée par le Pape, dont l’homme, amputé de sa dimension religieuse, ferait aujourd’hui les frais, et dont l’Eglise, détentrice de la vérité, paierait la note.

L’HERITIER INTRANSIGEANT.
Benoît XVI pourrait donc se définir surtout comme intransigeant. Ce qui le rapproche véritablement du courant le plus intégriste du catholicisme. Qui oserait prétendre que la reconnaissance toute récente par Rome d’un quarteron d’ex-sectateurs de Mgr Lefebvre, avec l’octroi d’un statut juridique en or, relève seulement d’une volonté romaine d’accueil et non d’une connivence profonde de pensée et de stratégie ? Certes, le théologien avisé que demeure Joseph Ratzinger ne fera pas siennes toutes les affirmations d’un catholicisme intégriste qui se présente souvent comme la caricature de lui-même. Pourtant, il nous semble pouvoir lui reconnaître un air de famille, qui nous inquiète.

Revenons-en à l’intervention de Benoît XVI à Ratisbonne. Pour Joseph Ratzinger, seul le christianisme authentique réconcilie harmonieusement la foi et la raison. La faute du monde moderne est de sacrifier le sens religieux à un rationalisme aveugle et inhumain. L’islam, au contraire, célébrerait un Dieu à la volonté arbitraire souvent cruelle, au mépris du respect de la raison. En ce sens, le propos de Benoît XVI se veut éminemment apologétique : il s’agit, comme dans l’Eglise d’il y a cinquante ans et plus, d’établir que le christianisme est la vraie religion et que le catholicisme est le christianisme véritable.
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Benoît XVI est donc, en un sens figuré, animé d’un esprit de croisade. Une croisade pour le triomphe de la vérité catholique ; une croisade contre les moeurs trop libres, les opinions trop discutées ; une croisade qui ne fera pas couler le sang mais qui pourrait finir par broyer les consciences. Le réquisitoire finalement emprunté contre l’islam n’a donc rien d’un faux pas de clerc, d’une maladresse d’intellectuel peu diplomate. Il participe, soulignons-le à nouveau, d’une attitude d’ensemble, d’une posture intransigeante, à la fois défensive et offensive. Bref, d’un grand combat.

Les répercussions de ses propos en Allemagne se poursuivront. Au-delà pourtant d’une querelle très significative, le spécialiste des religions serait bien inspiré de reconstituer le projet d’ensemble, de discerner le fil du collier qui donne sa cohérence à la juxtaposition des perles. En l’occurrence, la mise en oeuvre patiente mais inlassable d’une restauration conservatrice du catholicisme le plus intransigeant. Les discours et les initiatives de Benoît XVI deviennent inintelligibles dès que l’on perd de vue ce dessein foncier qui les supporte.

C’est pourquoi, un engagement renouvelé contre toutes les formes de fanatisme, transversales aux religions et aux idéologies, une volonté de résistance à ce qui enchaîne l’homme ou lui apprend à haïr son semblable, serait-ce au nom de Dieu ou d’une vérité intangible, une vraie laïcité qui assure une vraie liberté, constituent aujourd’hui des enjeux décisifs.

Il faut donc suivre avec une toute particulière attention les tensions internes aux traditions spirituelles entre ceux qui acceptent la modernité et ceux qui cultivent l’intégrisme sous des formes variées, ou du moins des postures intransigeantes, arrogantes et parfois.

D’où l’urgence également d’un dialogue respectueux entre les religions. D’une bonne connaissance de la complexité de traditions souvent paradoxales, dont l’on ne peut faire un bloc compact trop vite mal décrit (une caricature).

Et, plus que jamais, de cultiver un esprit critique bien aiguisé, face à toutes les prétentions de vérité absolue, que l’on croie au ciel ou que l’on y croie pas.



Médias catholiques | Juillet 2007