Vous vous trouvez ici: Documents  

INTERVIEW (9)

Contre le masochisme européen

Question : Très Saint Père, le christianisme s’est répandu dans le monde entier à partir de l’Europe. Aujourd’hui, beaucoup pensent que l’avenir de l’Eglise se trouve dans les autres continents. Est-ce vrai? Ou en d’autres termes, quel avenir pour le christianisme en Europe, où il a l’air de se réduire petit à petit à une affaire privée ne touchant qu’une minorité?

Benoît XVI : Tout d’abord je voudrais introduire quelques nuances. En fait, comme nous le savons, le christianisme est né au Proche-Orient. Et pendant longtemps c’est là principalement qu’il s’est développé et il s’est répandu en Asie beaucoup plus que ce que nous croyons aujourd’hui après les changements apportés par l’Islam. D’autre part pour ces raisons justement son axe s’est déplacé sensiblement vers l’Occident et l’Europe, et l’Europe – nous en sommes fiers et nous nous en félicitons – a ultérieurement développé le christianisme dans ses grandes dimensions intellectuelles et culturelles également. Mais je crois qu’il est important de se souvenir des chrétiens d’Orient, puisqu’ils risquent d’émigrer, eux qui ont toujours représenté une minorité importante, entretenant des rapports fructueux avec le contexte environnant. Et le grand danger est que ces lieux d’origine du christianisme se vident de leurs chrétiens. Je pense que nous devons les aider à rester.
Mais venons-en à votre question. L’Europe est devenue certainement le cœur du christianisme et de son mouvement missionnaire. Aujourd’hui les autres continents, les autres cultures, font partie au même titre du concert de l’histoire mondiale. Ce qui fait que le nombre des voix de l’Eglise augmente, et c’est un bien. Il est bon que puissent s’exprimer les divers tempéraments, les dons propres à l’Afrique, à l’Asie et à l’Amérique et en particulier aussi à l’Amérique latine. Tous naturellement sont touchés non seulement par la parole du christianisme, mais aussi par le message séculier de ce monde. Tous les évêques des autres endroits du monde nous disent: nous avons encore besoin de l’Europe, même si l’Europe n’est qu’une partie d’un tout plus vaste. Nous portons aujourd’hui encore la responsabilité qui nous vient de nos expériences, de la science théologique qui s’est développée ici, de notre expérience liturgique, de nos traditions, et aussi des expériences œcuméniques que nous avons accumulées: tout cela est très important y compris pour les autres continents. C’est pourquoi nous ne devons pas capituler, nous plaindre, nous dire: « Voilà, nous ne sommes qu’une minorité, essayons au moins de sauvegarder notre petit nombre! »; au contraire, nous devons tenir en vie notre dynamisme, nouer des relations afin que nous puissions aussi recevoir des autres des forces nouvelles. Aujourd’hui il y a des prêtres indiens et africains en Europe, et au Canada aussi de nombreux prêtres africains font un travail très intéressant. Il y a cet échange mutuel. Mais si à l’avenir nous recevons davantage, il faudra aussi continuer à donner avec un courage et un dynamisme croissant.



 

> Page suivante