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BENOÎT XVI, L'ARAGNE
 

Je ne comprend pas le titre (?) mais cet excellent article paru sur le Forum Catholique sous la signature Tibère à propos de la "régularisation" par le Saint-Père de cinq prêtres de la Fraternité Saint-Pie-X, a été une sorte de bouffée d'air frais dans la journée, et aussi, pour moi, la preuve que, comme l'a dit le cardinal Ratzinger, "Dieu nous parle à voix basse"
Le paragraphe suivant est une réponse plausible et réconfortante aux questions que je me posais:
Ce qui frappe également avec Benoît XVI, c'est son indifférence totale et olympienne par rapport au grenouillage des médias. Non seulement il n'en a pas peur et ne cherche pas à composer un personnage par rapport à leurs desideratas et leurs fantasmes mais il s'impose à eux sans compromis. Il a compris un élément essentiel qu'ignorent nos plus "fins" politiques : il ne faut pas accorder plus d'importances aux médias que cela. Ils ne connaissent rien aux tréfonds de l'âme humaine et des besoins fondamentaux des êtres humains. Ils se trompent régulièrement sur ce que veut réellement le peuple (regardez les sondages).

Non moins percutante est l'analyse sur la précipitation et l'urgence que notre époque voit comme une nécessité: nous sommes en effet -et cela vaut évidemment aussi pour moi..
... complètement immergés dans cet aspect typique de la modernité : la précipitation (il faut toujours un scoop et un évènement) et l'excès (là pour le coup excès de joie et de compliments).


Benoît XVI, l'aragne

Voilà plus d'un an que le cardinal Ratzinger a été élu pape. Il n'est évidemment pas l'heure de faire des bilans et bien souvent il faut des années de recherches aux historiens et aux spécialistes pour donner le sens et la substance d'un règne.

Toujours est-il que le début du pontificat révèle le sens profondément politique de Benoît XVI dont il faudra certainement faire étudier la méthode de gouvernement aux étudiants de tout poil en sciences politiques et administratives.

C'est sur ce point que je voudrais vous livrer mon avis au regard de la plus récente actualité incluant l'érection de l'Institut du Bon Pasteur (IBP).

Une ligne claire dans les nominations.

Depuis qu'il a pris la barre de la barque de Saint-Pierre, Benoît XVI n'a pas cherché le balancement entre les différentes tendances du Vatican.

Les nominations qui sont intervenues vont toujours dans le même sens : concservation-restauration. Les éléments les plus progressistes sont systématiquement remplacés par des éléments conservateurs. On l'a vu pour le secrétariat de la Congrégation pour la Discipline des Sacrements, pour la Secrétairie d'Etat, pour la Congrégation pour l'évangélisation des peuples...

Un recentrage sur la liturgie et le dogme.
Même si aucun document n'est encore intervenu dans le domaine de la liturgie (et il faut prendre avec circonspection les derniers propos de l'impétueux abbé Laguérie), il est clair que le Pape n'est pas satisfait de l'état actuel des célébrations : il l'a écrit et il l'a dit. Dans quel sens veut-il (et peut-il) aller ? Deux axes se dégagent lentement : a) la réforme de la liturgie de 1969 (avec pour étalon-mètre la messe grégorienne) ; b) l'extension (plus que la libéralisation pure et simple) de la liturgie ante conciliaire.

En ce qui concerne le dogme, le Pape est favorable à ce que les éléments traditionnels soient à nouveau enseignés. C'est vrai à travers le catéchisme (il a été à l'origine d'une présentation traditionnelle du catéchisme) mais c'est également vrai dans d'autres domaines notamment en ce qui concerne les rapports entre la Foi et la Science. Benoît XVI, avec un art consommé de la politique des petits pas, permet une plus grande visibilité des discours et des positions traditionnelles face aux théologiens progressistes.

Un conservatisme ouvert mais ferme.
Le Pape, sans abandonner les positions morales de l'Eglise, n'entend pas se laisser enfermer dans le rôle de gardien de la seule morale. Ou plus exactement, il entend la présenter dans son aspect bénéfique pour la vie de chaque être humain et pour la vie en communauté.
Il a également compris (à rebours des médias) qu'en profondeur les individus n'avaient pas adhéré à la culture de mort (notamment chez les jeunes) et qu'un discours d'accueil mais ferme sur les principes pouvait très bien être tenu par l'Eglise.

Les médias et la maîtrise du temps.
Ce qui frappe également avec Benoît XVI, c'est son indifférence totale et olympienne par rapport au grenouillage des médias. Non seulement il n'en a pas peur et ne cherche pas à composer un personnage par rapport à leurs desideratas et leurs fantasmes mais il s'impose à eux sans compromis. Il a compris un élément essentiel qu'ignorent nos plus "fins" politiques : il ne faut pas accorder plus d'importances aux médias que cela. Ils ne connaissent rien aux tréfonds de l'âme humaine et des besoins fondamentaux des êtres humains. Ils se trompent régulièrement sur ce que veut réellement le peuple (regardez les sondages).

Tout cela s'inscrit également pour le Pape dans une maîtrise du temps qui révèle un sens aigu de l'opportunité et du long terme.
Benoît XVI sait qu'il n'a pas de nombreuses années devant lui (quoique...Jean XXII). Ce qu'il fait doit durer et c'est là l'une des raisons pour lesquelles il agit avec prudence. A quoi cela sert-il de s'agiter si finalement l'oeuvre est détruite rapidement ? Tout ce qui peut être fait doit être fait. Si vous connaissez quelques livres de stratégie chinoise (l'Art de la Guerre, les 36 stratagèmes) vous constaterez que le gouvernement chez Benoît XVI est un Art porté à un haut degré de sophistication.

5° Exemple appliqué : l'érection de l'IBP.
K. Jaspers nous a offert avant les vacances un excellent débat sur le thème : "Les Traditionnalistes sont-ils modernes ?".
En voyant la rapidité des réactions entourant l'annonce de la création de cet institut, l'Hiroshima d'encens qui s'élevait de toutes parts pour accueillir dans la joie ce nouveau venu dans l'univers tradi, je me suis dit que les Tradtionnalistes, et les Catholiques en général, sont complètement immergés dans cet aspect typique de la modernité : la précipitation (il faut toujours un scoop et un évènement) et l'excès (là pour le coup excès de joie et de compliments).

Pour ma part, je pense que l'on peut tenter de voir 4 raisons pour lesquelles le Pape a décidé la création de cet institut. Ces 4 motifs ne sont pas exclusifs les uns des autres tant ceux qui dirigent savent que les décisions sont toujours le fruit de considérations conjoncturelles et structurelles.

a) la volonté de régulariser la situation de prêtres (voir création de l'institut Saint-Philippe-Néri) ;
b) exercer une pression sur la FSSPX en vue des négociations prochaines ;
c) diviser la FSSPX ou plus certainement la bousculer afin de faciliter le b)
d) faire de cet IBP un ballon-sonde à l'intérieur de l'Eglise en prévision de décisions de plus grande ampleur.

Il faut attendre les évènements : lire le décret lui-même et pas ses commentaires plus ou moins qualifiés, voir les décisions qui seraient prises prochainement en matière de liturgie notamment (attention : cela fait au moins trois fois qu'on annonce des documents ! Ne nous laguérisons pas !), voir la place que cet IBP va prendre dans l'univers tradi (organisation et fonctionnement, croissance, etc.), voir les réactions dans l'ensemble de l'Eglise.

Soyons comme le Souverain Pontife : prudents et déterminés.



 

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