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LE PAPE ET LES MÉDIAS
 

Sur le site Eucharistie Miséricordieuse, très intéressant article d'Hervé Yannou, l'un des spécialiste- "religion" (doit-on dire vaticaniste) du Figaro, à propos de l'attitude de Benoît XVI face aux medias:
"Le geste et la parole : Benoît XVI et les médias".

Version complète au format word sur le site

Je lis souvent les articles d'Hervé Yannou, et il m'est arrivé plusieurs fois de penser qu'ils trouveraient plus leur place dans un journal de centre-gauche laïcarde -ce que LE FIGARO est peut-être devenu...
Après avoir voir souligné, une fois de plus, l'extraordinaire aura médiatique de Jean-Paul II, et la volonté de son successeur de passer "d'un pontificat du geste à un pontificat de la parole", plus modeste, plus centré sur l'essentiel, cad la parole de Dieu ( c'est devenu une véritable tarte à la crème, lu absolument partout dans la presse italienne et anglo-saxonne, au moins!!) , il rend justice au "succès populaire" de "Benoît le pédagogue". Mais c'est qu'il n'y a pas moyen de faire autrement, sauf à se ridiculiser, il est impossible d'attaquer Benoît XVI sur le plan de la fascination intellectuelle qu'il exerce même sur ses adversaires.


 

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"...la communication de Benoît XVI passe avant tout par son intelligence et son esprit universitaire prompt à l'improvisation rhétorique. ...
...S'il ne rassasie pas quotidiennement les médias, il a battu tous les records de popularité.
Le pape charme les foules : 2 millions de fidèles en Pologne. 50 000 personnes à l'audience hebdomadaire du mercredi pour être autrefois un événement, ne font plus partie des données exceptionnelles. Benoît XVI fait place comble. Il est un pape populaire. ...
Le pape retient l'attention...il veut, par la clarté de ses propos, élever son auditoire vers le haut. Lors des JMJ de Cologne, un journal allemand avait ainsi titré « l'académicien que l'on comprend ».
Le pape enseigne à la foule de sa « voix légèrement flûtée » . Il se laisse seulement parfois interrompre par des applaudissements, mais rappelle vite son auditoire à l'attention. Une exigence qui enthousiasme et galvanise...."


 

En passant, on apprend (???) que "le pape, comme tous les dirigeants du monde, n'a pas la possibilité de rédiger l'ensemble de ses discours et interventions. Il n'écrit donc pas l'ensemble de ses textes, mais il les relit et les corrige tous avant de les lire en public...Mais le pape se réserve strictement les homélies des grandes fêtes religieuses"....

Hervé Yannou met aussi à juste titre en relief le malentendu qui existe entre deux univers si étrangers l'un à l'autre, déjà par leur mesure du temps
Sans sombrer dans l'angélisme, il semble considérer les relations entre le Vatican et le monde médiatique comme une sorte de jeu de fascination-répulsion du genre "je t'aime moi non plus", où chacun essaie de tirer parti de l'autre, les uns pour alimenter leurs chroniques sur un univers vaguement mystérieux dont on ne maîtrise pas tous les codes, les autres pour utiliser au mieux un "extraordinaire moyen d'évangélisation".
Mais pour moi, ce n'est pas un jeu, c'est un combat, et les armes ne sont pas égales de part et d'autre.

Cela m'a donné envie de relire quelques passages du formidable ouvrage de Michel de Jaeghere "Enquête sur la christianophobie" (ed Renaissance Catholique), qui étudie le problème de la relation de l'Eglise avec les medias avec bien plus de clairvoyance, donc aussi plus de pessimisme.
Je note en passant que Michel de Jaeghere n'est pas étranger à l'univers médiatique, il est directeur des Hors-séries du Figaro, souvent remarquables, mais son essai est demeuré strictement confidentiel, introuvable dans le circuit commercial courant, alors que le livre lénifiant de René Rémond "Le nouvel antichristianisme", paru simultanément, à peu près sur le même sujet était en évidence sur toutes les gondoles des grandes surfaces.
Pour lui, le mot d'ordre qui a gouverné les réactions face à Jean-Paul II à la fin de son pontificat était "récupération". Je cite ce passage en entier, car, datant de plus d'un an, il est à certains égards, prophétique:


Récupération de Jean-Paul II

Compte tenu de l'aura que lui [JP II] avaient value vingt-cinq années de présence intense sur la scène médiatique, de ses talents inégalables de rassembleur de foules, de sa popularité incroyable dans la jeunesse, compte tenu aussi de l'usage que l'on pouvait faire du reste de son enseignement (celui qui concerne les droits de l'Homme, la tolérance ou le dialogue entre les religions), il avait paru préférable d'éviter avec lui désormais l'affrontement.
Le nouveau mot d'ordre était dès lors celui de la récupération, à l'image de cet éditorial publié en juillet 2003 par Alain Génestar, le directeur de la rédaction de Paris Match, dont le moins qu'on puisse dire est que sa ligne éditoriale ne s'inscrit pas dans la droite ligne de l'enseignement pontifical, et qu'il avait intitulé significativement « Notre Père »
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« Jean-Paul II laissera à sa grande famille un passé prestigieux et un présent plus magnifique encore. Son passé est ce qu'il a réussi à construire - ou détruire - dans ce monde de haine, de violence et de matérialisme galopant. Le premier rôle qu'il a joué dans la chute du communisme [..] la réconciliation historique avec la religion juive [..] sa main tendue aux peuples les plus pauvres. Après des siècles d'oubli et de pitié, où l'Église catholique s'est davantage occupée de son installation dans le monde des riches, Jean-Paul II a refondé son Église sur ses vraies valeurs de dénuement et de dévouement, la rebâtissant là où elle est à sa vraie place : au milieu des pauvres. Les critiques, justifiées, sur son refus de prêcher en Afrique la contraception et l'usage du préservatif pour lutter contre le sida assombrissent son bilan. Mais on peut aussi faire l'effort de comprendre que sa mission était de soigner les esprits avant les corps. À chacun son travail. Jean-Paul II a fait le sien. Les États richissimes, les anciens colons, la société civile, les organismes médicaux internationaux ne font pas suffisamment le leur Mais c'est là un autre débat.
Jean-Paul II, que la caricature habille d'une soutane conservatrice, est révolutionnaire. [..] Il est ce père merveilleux qui, au-delà de la religion dont il est le chef, montre à ses enfants, croyants ou athées, que tant qu'il aura un souffle de vie, il sera là, à les aimer
»
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Texte révélateur du tournant pris, à l'égard de Jean-Paul II, par les ténors de la pensée dominante. Jean-Paul II doit être révéré, non parce qu'il a été fidèle à l'héritage, mais parce qu'il a « refondé » l'Église en tournant le dos à ses errements du passé.
On peut à bon droit lui reprocher ses positions morales. Mais on peut aussi les admettre, puisqu'elles sont sans portée. Qu'elles n'empêchent pas les États ni les acteurs de la société civile de faire comme si de rien n'était. Jean-Paul II après tout n'a rien imposé. Il s'est contenté d'exprimer « sa » vérité, et compte tenu du caractère « révolutionnaire » du reste de ses initiatives il faut lui en laisser la liberté.
Derrière l'éloge convenu, d'où les considérations commerciales ne sont peut être pas absentes, on voit la persistance du discrédit jeté sur l'Église elle-même, le piège tendu au successeur.
Qu'il remette en question la « refondation wojtylienne » en revenant à la pleine Tradition de l'Église, et l'on hurlera au retour en arrière. Qu'il prétende maintenir son enseignement à l'égard de la révolution sexuelle, on condamnera un immobilisme que n'excusera plus un passé prestigieux. Qu'il entende imposer la vérité de l'Église comme l'unique voie du salut, il cessera d'être ce « père merveilleux, au-delà de la religion », de réunir croyants et athées, pour apparaître comme un dangereux chef de secte, un intégriste poursuivant un projet totalitaire après avoir usurpé les oripeaux de la « nouvelle papauté ».

...La canonisation médiatique dont sa personne faisait l'objet était en réalité une autre manière de liquider [son] enseignement. Le monde entier paraissait s'incliner devant le pape des droits de l'Homme, de l'oecuménisme et du dialogue interreligieux, comme pour « fixer » une fois pour toute son image, la circonscrire au versant progressiste de son pontificat, celui qui l'avait vu, en quelque sorte, se montrer plus grand que le catholicisme, et plus saint que l'Église dont on continuait à entretenir, inlassablement, le mépris.
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Lumineuse analyse...
Constatons qu'avec ce Pape, il n'y a même pas eu d'"état de grâce", et il semble que pour le moment, le "barnum médiatique" selon l'expression de Michel de Jaeghere, n'ait rien trouvé de "récupérable". D'où, sans pour ma part céder à la paranoia, un harcèlement permanent et hostile, qui s'est traduit récemment par le charivari de Ratisbonne, et trouve une nouvelle expression dans la campagne menée pour empêcher la publication du motu proprio libéralisant la célébration de la messe selon le rite de Saint-Pie V.


 

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