Présent

Présent est à peu près le seul quotidien français, et même à ma connaissance le seul journal vendu en kiosque, à défendre Benoît "avec bec et ongles"!!

 


Le silence de Dieu


(Jean Madiran, 31 mai)

Benoît XVI a vraiment parlé en pape à Auschwitz, c'est-à-dire avec la plus haute amplitude de vue, abordant de front la grande question, le silence de Dieu
« Pourquoi Dieu est-il resté silencieux ? Comment a-t-il pu tolérer cet excès de destruction, ce triomphe du mal ? »
A cette suprême interrogation, la réponse demeure le secret de Dieu. Benoît XVI y a fait face par le cri du Psalmiste
« Dieu, réveille-toi ! N'oublie pas ta créature ! »
Exsurge, Domine... réveille-toi, pourquoi dors-tu, Seigneur ? Lève-toi ! (Ps 44). 0 Dieu, ne reste pas muet, plus de silence, ô Dieu ! (Ps 83).
Tel est bien ce que philosophes et théologiens ont toujours nommé le problème du mal, tout au long de l'histoire humaine cause ou occasion de doutes, de désespoirs, de blasphèmes, d'apostasies. « Toujours, la même question revient », a dit Benoît XVI. On l'a même posée à propos du Christ en croix s'écriant : « Eli, Eli, lamina sabacthani ? c'est-à-dire : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? » (Mt, 27, 46).
Assez gratuitement, les bancoanarchistes de Libération prétendent que par son discours « le Pape sème le trouble », ils lui reprochent surtout d'avoir omis de dénoncer la culpabilité du peuple allemand. Rémi Fontaine a déjà parlé hier de ce grief artificiel et périmé dans nos démocraties qui ont définitivement et unanimement rejeté toute idée de culpabilité collective d'un peuple. Lé Monde lui aussi s'enlise dans cette anomalie. Il y ajoute le reproche de n'avoir pas su « reconnaître la spécificité de la Shoah », tandis qu'au contraire La Croix tire argument du fait qu'il l'a explicitement reconnue.
En effet Benoît XVI en a dit qu'« elle n'a pas son équivalent
dans l'histoire ». Il parle longuement de la volonté d'« exterminer le peuple juif dans sa totalité », de « le rayer de la liste des peuples de la terre ». Que pourrait-il donc dire de plus clair sur la « spécificité » ?
La Croix commente d'une manière bizarre le « pas d'équivalent dans l'histoire »
« Allusion, écrit-elle sous la signature d'Isabelle de Gaulmyn, allusion à la controverse qui s'est développée depuis quelques années en Allemagne, visant à établir un parallèle entre les crimes du communisme et du nazisme. Dans cette polémique, le philosophe Jürgen Habermas, que le Pape connaît bien, avait justement défendu la thèse du crime unique des nazis. »
En Allemagne ? Après tout il est vrai qu'en France, lorsque Soljénitsyne vint exposer sa thèse (partout présente en substance dans son rouvre, et plusieurs fois en propres termes) sur « le communisme bien pire et beaucoup plus dangereux que le nazisme », il n'y eut aucun débat, parce que, comme d'un commun accord de Jean d'Ormesson à Jean Daniel, on fit semblant de n'avoir rien entendu et l'on se dispensa d'avoir à la contredire. Sans doute La Croix n'a-t-elle pas tort de récuser l'établissement d'un « parallèle » entre le communisme et le nazisme, qui malgré quelques ressemblances techniques, et malgré leur classification dans un même « totalitarisme », ne sont pas superposables. Le Goulag lui aussi, d'une autre manière, est « sans équivalent dans l'histoire ». Mais laRussie soviétique a longtemps survécu à l'Allemagne hitlérienne, et d'ailleurs le communisme existe toujours, notamment en Chine, il faudra donc attendre encore pour que la mémoire du Goulag devienne un culte officiel dans les grandes démocraties occidentales.

Editorial de Jean Madiran

Point de vue dans "Présent" du samedi 3 juin 2006

Les pressions médiatiques sur le pape Benoît XVI

A lire les journaux dont l'antipapisme circonstanciel et intermittent (comme La Croix) ou fondamental (comme Le Figaro) est cependant modéré, le Pape fait figure d'un écolier en plein effort de rattrapage, qui repasse plusieurs fois une épreuve nommée « Auschwitz », et qui n'obtient jamais que la mention « pourrait mieux faire ».

Le rattrapage c'est, pour commencer, par rapport au pauvre Jean-Paul II, qui avait fait de son mieux, on le reconnaît volontiers, mais qui demeure sévèrement jugé par les examinateurs, comme Henri Tincq dans Le Monde : il n'avait « pas une seule fois » employé le terme « Shoah » ni, paraît-il, « souligné la spécificité de l'extermination des juifs par les nazis ».
Le rattrapage opéré par Benoît XVI est noté à son actif, mais non point sans réserve : Le Figaro a froncé les sourcils, sous la signature de l'examinateur Hervé Yannou, parce que « le terme de Shoah fut introduit in extremis en plein coeur du texte » prononcé par le Pape, afin, précise-t-il, d'« éviter le scandale » - oui : le scandale - qu'aurait provoqué son omission. L'examinateur Hervé Yannou trouve que l'élève Benoît XVI reste un mauvais élève, son discours d'Auschwitz « ne manquait, juge-t-il, ni de lacunes ni d'ambiguïtés ».
L'examinateur Henri Tincq, qui a l'ceil, nous révèle qu'au cours de l'examen, Benoît XVI a bénéficié en douce d'une aide extérieure : « le mot Shoah n'existait pas dans la première version du texte distribué aux invités et aux journalistes ».
C'est pourquoi l'examinatrice de La Croix - c'est Isabelle de Gaulmyn que nous retrouvons là - se met à susurrer : « Le mot "Shoah" finalement utilisé par le Pape pouvait sembler arriver tard en milieu de texte. » Il ne suffisait donc pas de le prononcer. Pour obtenir une bonne note des examinateurs, il fallait le prononcer au début, et puis -peut-être ne rien ajouter.

Quatre (sic) jours après, Benoît XVI a « rectifié le tir », dit Le Figaro, tandis que Le Monde affirme vaillamment : « Le Pape rectifie son discours d'Auschwitz. » Pour La Croix, il a simplement « précisé ses propos », il a même « corrigé » son discours concernant les Polonais. Il avait en effet parlé des « six millions... de Polonais » qui ont perdu la vie durant la seconde guerre mondiale. Les médias ont unanimement protesté que sur ces six millions, il y avait trois millions de juifs, et que le Pape avait coupablement omis de faire explicitement la discrimination ethnique qui en ce cas est paraît-il obligatoire.
Le plus grave pourtant est ailleurs, à moins qu'il ne soit la raison profonde de tout le reste. Jean-Paul II avait commis l'erreur coupable, rappelée par tous et même par La Croix, de parler de « Golgotha » à propos d'Auschwitz. Les examinateurs sont unanimes à féliciter Benoît XVI d'avoir évité de réitérer un tel impair. Mais que n'a-t-il pas dit à la place ! Voici l'objet du nouveau délit
« Face à l'horreur d'Auschwitz, a dit Benoît XVI, il n'y a pas d'autre réponse que la Croix du Christ, c'est-à-dire l'amour descendu jusqu'au fond de l'abîme du mal pour sauver l'homme à sa racine, là où sa liberté peut se rebeller contre Dieu. »
Ce passage, La Croix l'avait prudemment coupé dans sa reproduction du discours, espérant peut-être qu'il ne serait pas trop remarqué. Elle a dû le citer trois jours plus tard, en raison de la bronca médiatique qui y dénonce une « annexion chrétienne de la Shoah ». Alors Isabelle de Gaulmyn a risqué ce commentaire explicatif
« Cela est à comprendre dans une vision théologique, et non historique, [sinon] ce serait faire peu de cas des nombreux non-croyants ou juifs, qui ont eux aussi résisté. »
Une telle distinction entre le « théologique » et l'« historique », est comme calquée sur celle que fait l'idéologie dominante dans les médias et dans l'enseignement public. L'historique, c'est le scientifique, prouvé, démontré, objectivement établi, publiquement reconnu ; le théologique est autre chose, donc opinion subjective, croyance personnelle, conviction privée. Autrement dit, le Pape, c'est sa particularité personnelle, et si l'on veut sa fonction, peut prêcher le Christ et sa Croix à l'intérieur de sa « théologie », à l'intérieur de son Eglise, mais quand il est en visite dans le monde, il est prié de prendre exemple sur le cardinal-précurseur que l'on sait, et de glisser furtivement sa croix pectorale dans son gilet.

JEAN MADIRAN

Le grand rabbin contre Benoît XVI


Le grand rabbin de France, Joseph Sitruk, s'est joint à son tour au concert d'indignation qui s'amplifie, telle la rumeur, après le discours de Benoît XVI au camp d'Auschwitz-Birkenau. Le « mauvais élève » a « un peu déçu » le rabbin, qui (a-t-il répondu à des journalistes qui maintiennent le souverain pontife en état de mis en examen) croyait « que les relations judéo-chrétiennes avaient franchi des pas décisifs ».
« Une visite silencieuse aurait été plus parlante qu'un discours », ose Struk, en une manière pas très diplomatique de dire que Benoît XVI aurait mieux fait de se taire. Comme les journalistes de La Croix, du Figaro et d'ailleurs, comme le MRAP et d'autres organisations contre le racisme, le grand rabbin a continué d'accuser le Pape d'en avoir fait trop pour l'Eglise et ses compatriotes, et pas assez en matière de devoir de mémoire.
Joseph Sitruk a été « surtout choqué » par le fait que Benoît XVI ait évoqué six millions de morts polonais, sans préciser d emblée que la moitié d'entre eux étaient des juifs.
C'est une preuve, paraît-il.
« Quelque part, l'Eglise officielle ne se sent pas à l'aise avec cet épisode, il y a eu un silence coupable. Aujourd'hui, il ne faudrait pas qu il y ait des paroles accablantes », a-t-il affirmé. Paroles accablantes, que la mise en évidence du refus de Dieu comme coupable de toutes les horreurs qui ont émaillé le XXe siècle ?
Nous ne reviendrons pas sur la nouvelle attaque contre Pie XII : relisez Alexis Curvers, Judith Cabaud, les multiples témoignages de rescapés juifs, de Golda Meir et du grand rabbin de Rome, Eugenio Zolli, qui choisit le nom du pasteur angélique pour son baptême...
Mais nous relèverons, avec indignation, celle-ci. Joseph Sitruk a déclaré « ll y a eu six millions de juifs assassinés parce qu'ils étaient juifs, on se doit de chercher les raisons de cette tragédie. Cela s'est passé au coeur d'une civilisation chrétienne. Il y a toute une responsabilité collective que, très dignement, l'Eglise aurait pu reconnaître. »
Eh bien non. LEglise ne peut pas « reconnaître » cela. Elle ne peut pas prendre à son compte l'idolâtrie de la race et de l'Etat qui ont conduit à la persécution des juifs, car elle la contredit absolument, par ce qu'elle est, depuis l'origine. Pour des catholiques (victimes eux aussi des persécutions nazies) une telle affirmation de culpabilité est insupportable. Ce n'est pas la « civilisation chrétienne » qu'il faut dénoncer, mais sa négation.
Jeanne Smits. (10 juin)

Ces gens devraient relire la déclaration de l'Eglise sur les relations avec les religions non chrétiennes, Nostra Aetate, version française ici