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"QUI DIRA NON À BENOÎT? ": UNE RÉACTION
 

C'est une réponse à mon commentaire sur un article de John Allen intitulé 'qui dira non à Benoît?':
Benoît XVI vu par John Allen (2)

Certes, tout qui se rapporte à l'affaire de Ratisbonne est aujourd'hui à ranger au rayon des "vieilles lunes", comme l'écrit mon interlocutrice. Encore que... je n'en suis pas si sûre. L'incident est clos, mais il pourrait très bien y avoir d'autres Ratisbonne, fabriqués par les media, et pas forcément sur le même sujet.
Je suis toute prête à me rendre aux arguments de ma lectrice, plus familière que moi du style et de la pensée de John Allen, et avec laquelle je n'étais d'ailleurs nullement en désaccord!
Pour être précise, ce qui nous réunit -l'admiration pour le Pape, et notre souci de le défendre- est bien plus fort que ce qui pouvait nous séparer ici.


Commentaire:

[..] je trouve que vous êtes dure avec John Allen. C’est votre façon de voir et je sais que vous êtes sincère.
...
Joseph Ratzinger n’est pas politiquement correct et il ne cherche pas à l’être. Sur ce point, nous sommes d’accord.

Quand dans le discours d’Auschwitz, le pape dit que l’Allemagne a été abusée par une poignée de criminels, même si des historiens ont été choqués, je trouve que c’est son droit de le dire et en plus personnellement je pense qu’il a raison. Qui peut dire que sans Hitler, le destin de l’Allemagne n’aurait pas été complètement différent ? Dans son livre, « La part de l’autre », Eric-Emmanuel Schmitt développe brillamment cette idée.

Quand certains juifs sont choqués parce qu’il n’a pas condamné encore une fois l’antisémitisme dans ce même discours, c’est sans objet. Benoit XVI aime sincèrement et respecte les juifs, il l’a dit suffisamment pour qu’il n’y ait pas d’ambigüité. On ne peut tout citer chaque fois. Il a assumé ces critiques avec sérénité.

La semaine dernière, le nonce apostolique en Israël a refusé de participer aux célébrations de souvenir à Yad Vashem parce que la légende sous la photo de Pie XII lui paraissait offensante. Le nonce est revenu sur sa décision quand les autorités ont promis de corriger la légende. Il a estimé que son but était atteint et qu’il serait heureux de participer aux célébrations. On voit que Benoit XVI ne se laisse pas intimider. Sa conception de l’amitié, cela se lit dans toute sa vie, est un dialogue sincère mais qui n’hésite pas à aborder les problèmes, plutôt que de les ignorer pour ne pas faire de vagues.

Mais le cas de Ratisbonne est un peu différent. Il ne s’agit pas de politiquement correct mais d’une déformation de sa pensée qui le fait apparaître pour ce qu’il n’est pas.

Le corps du délit est la citation présentée en phrase d’accroche par des journalistes occidentaux, comme si elle venait du pape lui-même et représentait sa vision de l’Islam. Et les musulmans du monde, qui ont une sensibilité exacerbée ont réagit avec une violence démesurée.

Benoit XVI ne pouvait pas imaginer qu’une citation dans un discours universitaire, dont le sujet n’est pas l’islam, et présentée avec des précautions oratoires pouvait être si mal utilisée. Il n’imaginait pas que des journalistes mal intentionnés iraient jusque là. Surtout venant de la part d’un pape qui a fait de l’œcuménisme et du dialogue entre les religions une de ses priorités dès le début de son pontificat. Qui a affirmé son respect des musulmans et des juifs et a tenu à rajouter dans les premiers mois, pour les JMJ de Cologne, une rencontre avec des responsables musulmans qui n’était pas prévue par son prédécesseur. Après tout, personne ne pourrait reprocher au pape de s’occuper seulement de ses fidèles. (Les musulmans peuvent se rendre compte de ce que cela signifie, si en transposant, ils imaginaient que l’iman de la principale mosquée du Caire, lors de sa prise de fonction, disait qu’il ferait du respect et du dialogue avec les chrétiens et les juifs une priorité de sa mission).

Bien sûr que cette phrase n’est pas ce que le pape veut dire lui-même ! La preuve est qu’il y est revenu lui-même plusieurs fois pour dire que c’était une citation et n’exprimait pas son opinion personnelle sur l’islam. Jamais il ne se permettrait de critiquer frontalement une religion qui représente pour des millions de gens leur chemin vers Dieu (le mien aussi, si j’étais née ailleurs, et même le vôtre Béatrice). Benoit XVI est trop respectueux des autres pour cela. Il la dit et redit et a même annoté son texte de Ratisbonne. Il ne s’est pas excusé, puisqu’il n’avait pas fait de faute, (ce sont les journalistes qui ont fait une faute), il a précisé sa pensée pour qu’elle ne donne prise à aucune autre interprétation, même pour des esprits malveillants. C’est que pour lui, le respect des musulmans et des autres religions n’est pas annexe mais bien un devoir du chrétien.

Ce n’est pas du politiquement correct, c’est sa pensée et il ne veut pas qu’elle soit déformée
.

Le texte d’Auschwitz, qui a été écrit quand la curie n’était pas dans les cartons, a sûrement été lu en long, en large et en travers parce que c’était un sujet sensible. On a certainement proposé au pape des lectures critiques plus lisses. Mais il n’a pas retouché son texte, ni avant, ni après. C’était ce qu’il voulait dire. Ce n’est pas l’opinion publique qui le fait changer d’avis et reculer.

S’il l'a fait pour le texte de Ratisbonne, c’est qu’il estimait que ces précisions étaient utiles et interdisaient toute mauvaise interprétation. Je ne peux pas m’empêcher de penser que si ces remarques lui avaient été faites plus tôt, il les aurait prises en compte avantageusement. Mais entre ceux qui partaient et ceux qui arrivaient à la curie, sans compter ceux qui pouvaient avoir une appréhension compréhensible pour proposer au pape une relecture critique d’un texte très dense, peut-être peaufiné jusqu’à la dernière minute, la citation est passée inaperçue. Je vous trouve injuste quand vous traduisez ‘rein in’ (littéralement tirer sur la bride, John Allen aime bien les images) par contrôler. Tout ce que dit J. Allen par ailleurs démontre le contraire. Il veut dire qu’il faut bien quelqu’un pour lui signaler quand il se laisse emporter par son élan. Benoit XVI lui-même est très attentif à ne pas donner prise à des ‘petites phrases’ qui déforment sa pensée. Même le pape a besoin d’être aidé dans cette tâche.

Benoit XVI nous montre ce qu’est d’être chrétien. Une attitude d’amour et de courage.
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L’article que vous avez traduit est le seul où [John Allen] se permet une critique. Et encore elle n’est pas pour lui.
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PS : Ce que dit le cardinal Meisner m’a beaucoup touchée. Merci de l’avoir publié.


Peut-on être plus chaleureux... plus gentil? | Réconfort...