Vous vous trouvez ici: Tel qu'il est  

DISCIPLE, COLLABORATEUR, AMI
 

Juste après l'élection de Benoît XVI, le cardinal Schönborn, archevêque de Vienne, avait répondu aux questions de Richard Boutry, sur la chaîne KTO: il m'était alors apparu comme un esprit supérieur, s'exprimant dans un français limpide, et, avec des mots forts et qui sonnaient juste, il avait dit à propos du nouveau pape "c'est la plus belle personne que j'ai rencontrée dans ma vie": je ne l'ai pas oublié (voir video: Le cardinal Schönborn et http://beatriceweb.eu/videoson )

Il apporte ici sa contribution au Hors-Série de l'Avvenire.
Le portrait du penseur "existentiel", très attaché à la réalité concrète de l'homme d'aujourd'hui est particulièrement perspicace.

Ma traduction


 
 

Devant nous, les cardinaux, un nouveau Pape se révèle
Entretien de Luigi Geninazzi
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D'abord un de ses étudiants, puis son collaborateur dans la rédaction du nouveau Cathéchisme, l'archevêque de Vienne voit dans la sensibilité à l'égard des petites gens un des grands dons de Ratzinger. Et il raconte: "Ce qui nous a impressionnés, avant le conclave, ce sont son style, et ses mots".

Il se souvient avec une pointe de nostalgie des journées passées auprès de celui qui était alors préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, pour corriger et ajuster les épreuves de ce qui devait devenir en 1992 le Cathéchisme de l'Eglise Catholique: "Une expérience unique, hautement stimulante", dit le cardinal Schönborn.
S'il y a quelqu'un qui est capable de dire qui est vraiment Joseph Ratzinger, c'est bien ce dominicain aux manières affables et à l'allure aristocratique, aujourd'hui archevêque de Vienne. Né en Bohème en 1945, Christophe Schönborn est le fils d'un comte et d'un baronne, qui se sont retrouvés à l'improviste dans la situation de réfugiés, et accueillis en Autriche. Etudiant dans diverses universités d'Europe Centrale, théologien et philosophe polyglotte, il a été l'élève et le disciple du Professeur Ratzinger, qui l'a choisi ensuite comme proche collaborateur. Sous la flèche de l'imposant Dôme de Saint-Etienne, l'archevêque de Vienne parle volontiers de son ex-maître, aujourd'hui Pape, aux côtés de qui il s'est retrouvé au conclave il y a deux ans, par une belle journée d'Avril. Et il tient à nous rappeler que peu avant son élection comme Pape, Joseph Ratzinger a visité le sanctuaire marial de Mariazell. Il doit y retourner en septembre prochain, un signe du lien étroit que Benoît XVI a maintenu avec l'Autriche, le pays voisin de sa terre natale.

Q: Eminence, dès le début, Benoît XVI est apparu comme un personnage inédit, surprenant, bien qu'il fût déjà très connu. Qu'y-a-t'il de changé?
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"Le Pape Benoît XVI n'est pas un homme différent du Cardinal Ratzinger. C'est toujours lui, avec le même coeur, la même grande intelligence. Ce qui a changé, c'est son rôle, sa mission. Si je puis me permettere ce jeu de mots, je dirais qu'il n'est plus "le chien de berger" qui protège le troupeau à la place du berger, il est devenu le berger lui-même. A présent, il est temps de reconnaître avec franchise que la description du PanzeKardinal, divulguée surtout par les mass media, n'a jamais correspondu à la vérité.
Au contraire, il lui arrive de faire montre d'une certaine timidité, qui pourrait être interprétée comme une prise de distance: en réalité, il s'agit d'une réserve née d'un très grand respect pour autrui. Quiconque a eu affaire avec lui a été frappé de constater à quel point il est gentil, extraordinairement à l'écoute, doué d'un humour fin et spontané, avec une immense sensibilité envers les simples, ceux que l'on appelle les petites gens. Voyez, le meilleur contre-exemple à la déformation de l'image du cardinal Ratzinger est le dialogue qu'il a su maintenir avec ses collaborateurs de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Je peux dire que tout le monde l'appréciait, et était heureux de travailler sous sa conduite."

Q: Aussitôt après la mort de Jean-Paul II, en tant que doyen du Sacré Collège, ce fut à Joseph Ratzinger qu'il revint de prendre la parole durant les obsèques solennelles du Pape, et lors de la messe pro eligendo Pontefice. Dans quelle mesure ces discours ont-ils contribué à orienter le choix fait ensuite par le Concile?
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"Je dois dire que non seulement ses homélies, mais aussi la façon avec laquelle il prépara les réunions du Conclave durant cette période, firent une grande impression sur les cardinaux. Et je crois qu'elles ont renforcé chez beaucoup d'entre eux la conviction que Dieu l'avait choisi pour être le successeur de l'apôtre Pierre, après Jean-Paul II."

Q: Quand avez-vous connu Joseph Ratzinger?
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"Je l'ai rencontré pour la première fois en 1972, quand mon directeur de thèse à Paris, le Père Marie-Joseph Le Guillou, son grand ami, m'envoya auprès de lui afin que je puisse fréquenter comme doctorant son séminaire d'études. J'ai tout de suite été frappé par la grande cordialité du personnage, jointe à l'extraordinaire clarté de son discours. Ce fut précisément là, à Ratisbonne, que je pus écrire la plus grande partie de ma thèse. Je me souviens que le professeur Ratzinger avait un grand nombre de doctorants: beaucoup, en fait, cherchaient à l'avoir comme directeur de thèse. Ses étudiants venaient vraiment du monde entier, de l'Asie à l'Amérique Latine, de l'Afrique à l'Irlande, des Etats-Unis à l'Inde. Assister à ses cours constituait une expérience hautement stimulante. Quand par la suite Ratzinger devint archevêque de Munich, beaucoup de ses anciens élèves l'ont prié de continuer les rencontres. C'est ainsi qu'est né le cercle des étudiants du Professeur Ratzinger, qui existe encore aujourd'hui.
Et la tradition de ces rencontres annuelles ne s'est jamais interrompue, même après son élection à la Chaire de Pierre.

Q: Vous avez collaboré avec le cardinal Ratzinger pour la rédaction du nouveau Catéchisme. Que pouvez-vous nous dire de son style de travail?
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"Avant tout je veux dire que que les cinq années passées comme secrétaire à la rédaction du Catéchisme aux côtés du cardinal Ratzinger figurent parmi expériences les plus précieuses de ma vie.
Son style de travail est impressionant : il laisse chacun prendre la parole, avec une grande patience, il écoute attentivement, et à la fin il sait reprendre les interventions de tous, en recueillant l'essentiel. Ce qui m'a le plus frappé, ce n'est pas seulement sa capacité de synthèse mais même la maestria avec laquelle il arrive à des décisions pratiques, n'hésitant pas à passer des idées aux faits. Et ceci explique comment il a été rendu possible que le processus d'élaboration et de rédaction du catéchisme ait pu être bouclé en cinq ans ".

Q: Ratzinger a été un des hommes qui ont fait le Concile Vatican II, mais aussi l'un de ses analystes les plus attentifs et même les plus critiques. Quel rôle a joué cet évènement historique dans son parcours théologique?
"Indubitablement, il s'est agi d'un instant décisif de sa carrière humaine, intellectuelle et spirituelle. Mais attention : contrairement à ceux qui le considèrent comme un début, une radicalisation, j'affirme qu'il n'y a pas eu pour lui de pré et post-Concile, comme si l'Église avant Vatican II avait été une autre. Très vite, dès les séances de 1964, Ratzinger manifesta sa préoccupation envers quelque chose qui allait dans le sens opposé aux intentions des Pères conciliaires et qui prenait la forme d'une sorte de para-concile ".

Q: Le schéma le plus répandu soutient qu'après avoir été un théologien progressiste, Ratzinger s'est transformé en cardinal de la "restauration"...
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"Pas seulement lui, mais beaucoup d'autres grands théoologiens du Concile ont exprimé les mêmes préoccupations! Pensons à De Lubac, ou à von à Balthasar. Ce n'est pas eux qui ont ont voulu réinterpréter le Concile mais un certain progressisme exacerbé, qui l'a transformé en quelque chose de contraire à sa lettre et à son esprit ".

Q: Benoîtt XVI, comme tout le monde le reconnaît, est certainement un grand intellectuel. Mais de quel type, à votre avis ?
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"Dans une homélie prononcée en 1979 à Munich, celui qui était alors le cardinal Ratzinger affima que le devoir du magistère consistait à défendre la foi des simples et à la protéger des présomptions gnostiques des intellectuels. Depuis toujours, sa théologie est étroitement liée à son activité d'annonce de l'Evangile. Ratzinger est un prédicateur très doué, qui sait proposer la Parole de Dieu de façon enthousiasmante. Comme Pape, il a témoigné de ce don et de cette inclination spéciale. Ses homélies, ses cathéchèses, ses paroles simples, toujours inspirées par la foi et d'une grande clarté spirituelle, émeuvent profondèment les hommes du monde entier. Papa Benedetto est sans aucun doute l'un des intellectuels les plus importants de notre époque. Mais il n'est jamais abstrait. Il est un penseur que je qualifierais d'"existentiel", très attaché à la réalité concrète de l'homme d'aujourd'hui."

Q: Pendant de nombreuses années, le cardinal Ratzinger a été l'homme de confiance de Jean-Paul II. Qu'est-ce qui unit le Pontificat de Benoît XVI à celui de son prédécesseur?
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"Pendant plus de deux décennies, Ratzinger a été sans aucun doute le collaborateur à qui Jean-Paul accordait sa confiance. Ce qui les unissait, outre la finesse intellectuelle, c'était l'amour inconditionnel du Christ, et la vision claire des devoirs et des défis de l'Eglise face à la société moderne. Ratzinger a toujours nourri une grande admiration et une sincère vénération pour Jean-Paul II. Du reste, ce n'est un secret pour personne qu'il s'était déclaré ouvertement pour l'élection de Jean-Paul II.


Tu nous mènes en haut, pour respirer... | Un saint prêtre, et un gentilhomme