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PAOLO FLORÈS D'ARCAIS CONTRE BENOÎT XVI
 

Un article paru dans le Monde du 4 avril ( La croisade obscurantiste du Pape ) attire mon attention, il est signé (il s'agit d'une traduction de l'italien) d'un 'penseur athée', professeur de philosophie dans une prestigieuse université de Rome, directeur de MicroMega, ('revue de Philosopie ouverte sur l'actualité') et sans doute très connu dans un certain cénacle, du nom de Paolo Flores d'Arcais.
En effet, les éditions Payot ont publié récemment un ouvrage cosigné "Joseph Ratzinger-Paolo Flores d'Arcais" et intitulé "Est-ce que Dieu existe? Dialogue sur la vérité, la foi, et l'athéisme", que j'ai eu l'occasion de lire.


 

Clic!

 

Il s'agissait de la retranscription d'un débat public entre les deux "auteurs", organisé à Rome en 2000, et arbitré par un journaliste-vedette de la télévision italienne, Gad Lerner.
Que le Cardinal Ratzinger ait accepté de discuter avec cet homme en dit long sur son ouverture d'esprit.
Même si certaines de ses réparties traduisaient une... impatience assez rare chez lui (page 72: pour l'anecdote, le "modérateur" à la fin de l'émission, propose de redonner la parole au Cardinal, mais celui-ci l'interrompt avec cette réflexion peu amène "merci pour cette remarque, car en réalité, appartenant au troisième âge, je me sens un peu fatigué"!).
A la lecture, le débat m'avait donné l'impression que, sous couvert de discussion philosophique, l'intention de Florès d'Arcaïs, avec la complicité active du modérateur, était de mettre en accusation l'Eglise, pour son ingérence dans la vie publique de certains pays (par exemple, elle aurait essayé d'imposer en Pologne, par la loi, "une série de valeurs chrétiennes qu'une autre partie des citoyens ne partageaient pas") et le Pape (de Pie IX, coupable d'avoir fait baptiser un enfant juif, à Jean-Paul II qui s'était exhibé aux côtés du général Pinochet), sur des sujets qui sont repris en raccourci dans le texte du Monde.
Le Cardinal s'en aperçoit fort bien - car il n'est pas possible de le "piéger", ses contradicteurs s'en aperçoivent à leurs dépens - lorsqu'il dit avec ce qu'on devine être une pointe d'agacement (page 52):
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JOSEPH RATZINGER : Oui, [..] nous ne pouvons pas ici, en l'absence d'informations précises, discuter de tous les détails. Ce ne serait pas sérieux, je pense, de vouloir entreprendre une discussion sur tous ces points particuliers. J'ajoute que je ne serais pas d'accord non plus pour dresser maintenant un bilan de la grandeur du pape, il ne nous appartient pas de juger dès maintenant de la figure historique du pape, laissons cela au futur.
J
e suis venu pour un débat philosophique, et je lis ici des sujets que nous n'avons pas encore traités : foi et science, foi et théodicée, foi et protestantisme, autres religions, divorce, avortement et euthanasie (ces derniers ayant peut-être déjà été effleurés), contraception et faim dans le monde, foi et nihilisme, etc. ; c'est pourquoi je ne voudrais pas à présent passer du terrain philosophique à un terrain trop historique, empirique et contingent.
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Le Cardinal Ratzinger ne parle que de que ce qu'il connaît parfaitement, on est même très surpris qu'en préambule de beaucoup de ses interventions orales, il s'excuse auprès de son auditoire de n'avoir pas eu le temps de méditer à fond la question à traiter -ce dont personne, évidemment, ne pourrait s'apercevoir en l'écoutant. Apparemment, ses contradicteurs n'en usent pas de même.
Ici, son acceptation de participer au débat était motivée par son habitude de ne pas se dérober, son goût pour la confrontation des idées, mais aussi par cet aveu d'honnêteté:
Dans la lettre à Paolo Flores d Arcais par laquelle il confirmait sa présence au débat, le cardinal Ratzinger écrivait : « Dans mes rares moments libres, je lis MicroMega, et je trouve extrêmement vivant et intéressant le vaste panorama de positions qu'il propose. Sous bien des aspects, il s'agit du commentaire le plus important que je connaisse à Fides et ratio, parce qu'ici l'encyclique entre réellement en dialogue avec le monde culturel d'aujourd'hui, ce qui était précisément le but de cet écrit ».

Autrement dit, il n'a absolument pas peur de confronter même physiquement les arguments de la foi et la magistère de l'Eglise (ici, le contenu de l'encyclique Fides et Ratio) à ceux de ses détracteurs les plus virulents. Et la lecture de la revue MicroMega était en quelque sorte pour lui une obligation professionnelle: avant de s'adresser au monde, savoir ce que le monde pense.



 

Pour en revenir à l'article du Monde, aujourd'hui, la situation est différente. Le Cardinal est devenu Pape, il ne peut plus répondre directement, ce qui autorise tous les coups. Oser associer à son nom les mots "croisade" et surtout "obscurantiste" est un procédé d'une malhonnêteté inqualifiable, surtout venant de quelqu'un qui le connaît personnellement.

Je ne me paierai évidemment pas le ridicule de débattre sur le fond avec un penseur aussi éminent que Paolo Flores d'Arcais, surtout lorsqu'il est adoubé par LE MONDE. Ce serait presque aussi risible que l'affiche Ségolène Royal contre Joseph Ratzinger.
Je laisse donc des gens plus savants que moi s'y coller.
L'équation Ratzinger = Neocons = Bush n'est pas nouvelle.
On notera que le front commun 'religions contre lumières', déjà évoqué ici à propos des relations avec l'islam, semble faire peur à certains.

Tout y passe: on n'hésite pas à fustiger l'anathème contre la modernité, à évoquer la nouvelle sainte alliance entre catholiques et islamistes, et l'attaque contre la science darwinienne [s'étendant] de la Maison Blanche à la cathédrale de Vienne. Non sans se réclamer de sondages imaginaires, évaluant à 70 % [le pourcentage] de la population [italienne qui] s'est déclarée en faveur de l'euthanasie!
Toutes opinions concevables, dans notre triste époque, à défaut d'être respectables.
Je suis malgré tout surprise qu'une "tribune" qui a priori vole aussi haut, s'enlise dans la médiocrité la plus banale au point de se conclure par un manifeste en faveur du dico italien.
Tout ça pour ça....


 

Lire ici:
La croisade obscurantiste du Pape


Mgr Léonard attaqué par les medias