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BENOÎT XVI, LENTEMENT
 

Il est de bon ton de reprocher au Saint-Père sa prétendue "lenteur", la réforme de la Curie qui se fait attendre, les nominations surprenantes, et qui ont l'air de se contredire, les documents qui ne viennent pas... Sans parler du fameux "motu proprio" (il n'y en a qu'un!!) il est aussi question d'une lettre de Benoît XVI aux catholiques chinois, dont les "vaticanistes" déplorent qu'elle soit si longuement différée; récemment encore, l'envoyée spéciale de La Croix à Rome écrivait sur son blog:
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"Certes, tout le monde attend à Rome comme à Pékin, la fameuse lettre de Benoît XVI aux catholiques chinois, qui devrait tracer les perspectives. Mais « cela fait depuis Pâques qu’elle aurait dû sortir, et en attendant, sur le terrain, d’autres avancent »…"

Or, tout est extrêmement complexe, d'une complexité qui me dépasse, certes, mais qui échappe aussi à la plupart ds commentateurs. L'Eglise est un édifice dont le déplacement d'une pierre peut entraîner non pas l'écroulement, mais l'ébranlement, comme la mise en oeuvre de Vatican II l'a prouvé; l'urgence n'y est donc pas la mesure du temps. Le Pape n'est pas le chef d'un quelconque gouvernement dit démocratique (je ne cite personne), la mission dont il doit rendre compte à Dieu est la transmission intacte du dépôt de la foi. Nul mieux que notre Saint-Père, dans sa grande sagesse, ne le perçoit, et nous devons lui faire confiance.
Car pour lui, il y a l'essentiel, et le contingent. Son choix est clair.

Ce qui reste de tout cela, c'est que chacune de ses décisions, venues ou à venir, est l'objet de nombreuses conjectures, toutes plus hasardeuses et impatientes les unes que les autres, y compris sur les sites catholiques."Le Pape devrait", ou, mieux, "le Pape ne devrait-il pas...?" est le commentaire le plus habituel.

C'est ce que cet article de Sandro Magister, magnifiquement traduit par Charles de Pechpeyrou, fait très bien comprendre.


Curie romaine: la réforme qui n'a pas lieu

Des nominations au compte-gouttes. Des documents inutiles ou sans cesse reportés. ....Parce que le renouvellement de la bureaucratie vaticane n'est pas une priorité pour Benoît XVI
par Sandro Magister (28 juin 2007)
Article en entier sur le site de Sandro Magister
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Se hâter lentement
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C’est dans la cinquième année de son pontificat que Paul VI a effectué la dernière grande réforme de la Curie. Benoît XVI est pape depuis plus de deux ans, mais rien ne laisse présager qu’il soit en train de préparer quelque chose de semblable.
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D’ailleurs, la plus sensationnelle des décisions initiales a été révoquée.

Elle concernait le conseil pontifical pour le dialogue interreligieux. Le 15 février 2006, Benoît XVI le décapite, en exilant au Caire en tant que nonce son président, l’anglais Michael Fitzgerald, considéré comme trop conciliant avec l’islam. La direction du conseil pour le dialogue interreligieux est alors confiée au président du conseil pour la culture, le cardinal Paul Poupard.

Cette décision du pape a été généralement interprétée comme un tour de vis, mais aussi comme le prélude à une diminution du nombre de services de la curie, éliminés pour certains, regroupés pour d’autres.
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Mais il n’en a pas été ainsi. Cette année, début mai, les nonciatures ont informé les épiscopats des différents pays que le conseil pontifical pour le dialogue interreligieux allait redevenir autonome et retrouver un président. Ce dernier a été nommé le 25 juin en la personne du cardinal Jean-Louis Tauran, ancien ministre des affaires étrangères sous Jean-Paul II.
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Joseph Ratzinger a passé 24 ans à la curie, avant d’être élu pape. Il la connaît mieux que quiconque. Il y est arrivé avec la méfiance antiromaine qui caractérise les allemands. Mais par la suite il a avoué avoir changé d’avis. "L’une des choses que j’ai bien comprises à Rome, est qu’il faut savoir surseoir", a-t-il indiqué dans un livre interview, de 1985. "Savoir surseoir peut se révéler positif, cela peut permettre à la situation de se décanter, de mûrir, et donc de se clarifier".

C’est peut être justement ainsi que Benoît XVI entend discipliner la curie. Pour les deux nominations cruciales de chaque début de pontificat, celle du secrétaire d’état et celle du substitut, il a temporisé jusqu’au moment où les résistances et les rivalités se sont atténuées peu à peu.
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Il apparaît désormais évident, en cette troisième année de pontificat, que la reforme de la Curie ne figure pas sur l’agenda de Benoît XVI parmi les priorités.

En raison notamment de son age avancé, le pape a sélectionné sévèrement les sujets auxquels il veut se consacrer corps et âme: en premier lieu la prédication, les célébrations liturgiques et le livre "Jésus de Nazareth", dont il est déjà en train d’écrire le deuxième volume, celui qui traitera de la passion et de a résurrection.

Sur ces priorités absolues Benoît XVI ne "surseoit pas", au contraire, il s’y consacre avec une passion inépuisable, égale à la clarté cristalline avec laquelle il formule ses thèses. Sur les questions controversées qui lui tiennent à cœur, le pape n’est jamais ambigu. Il dit clairement ce qu’il est juste de faire: dans le domaine de la liturgie comme dans celui de l’éthique publique, par exemple sur la question de savoir si on peut on non communier quand on soutient la licéité de l’avortement. Mais le pape veut que se soient les consciences qui décident en dernier lieu. Il entend éduquer, convaincre, plutôt que de commander et prescrire des sanctions.

En revanche, avec une Curie indocile et qui ne lui est pas acquise, Benoît XVI adopte l’attitude opposée: celle qui consiste, justement, à "savoir surseoir".
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Des documents qui se font attendre (?)
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Comme les nominations, les documents peuvent aussi subir des retards qui visent à émousser les résistances.

- La lettre du pape aux catholiques chinois qui avait été promise pour Pâques a été renvoyée à l’été, pour trouver une formulation qui satisfasse à la fois les diplomates "réalistes", plus complaisants envers les autorités de Pékin, et les "néo conservateurs", comme le cardinal de Hong Kong, Joseph Zen-kiun, beaucoup plus combatifs.

- Un autre document souvent annoncé et renvoyé à plusieurs reprises est celui qui autorise l’usage plus large du missel romain en latin utilisé jusqu’en 1969. Les opposants à cette mesure se trouvent à l’intérieur comme à l’extérieur de la curie, et le pape les a tous écoutés.
Cette prudence préventive lui a été inspirée par les très nombreuses critiques que certaines innovations audacieuses de Paul VI en matière de curie et de conclave continuent à subir quarante ans après.
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Aux clercs: servir, et non pas se servir
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Beaucoup plus que les nominations à la Curie, ce qui intéresse Benoît XVI, ce sont les nominations d’évêques.
Il leur consacre une attention beaucoup plus grande que ne le faisait Jean-Paul II. Avant de donner son feu vert, le pape garde sur son bureau, jusqu’à deux ou trois semaines, les dossiers de ceux qui ont été désignés. Parfois il les refuse, sans donner d’explications au dicastère de curie compétent, qui est présidé par le cardinal Jean Baptiste Re.

Le pape est très exigeant, il veut des évêques de qualité et n’en trouve pas toujours. Avec lui, le rythme des nominations d’évêques a baissé d’un quart par rapport au pontificat précédent.

Pour dire à la Curie romaine ce qu’elle ne devait pas être, Paul VI l’avait décrite en 1967, année de sa réforme, comme une "bureaucratie prétentieuse et apathique, uniquement canoniste et ritualiste, un champ clos d’ambitions cachées et d’antagonismes feutrés".

Mais Benoît XVI n’est pas tendre non plus. Le 7 mai 2006, en ordonnant à Saint Pierre 15 nouveaux prêtres du diocèse de Rome, il a rappelé dans son homélie que Jésus, avant de se définir comme le bon pasteur, avait dit de lui-même: “Je suis la porte". Et de continuer:
"C'est à travers Lui que l'on doit entrer dans le service de pasteur. Jésus souligne très clairement cette condition de fond en affirmant: celui qui 'fait l'escalade par une autre voie est un brigand' (Jn 10, 1). Ce mot 'fait l'escalade' – 'anabainei' en grec – évoque l'image de quelqu'un qui grimpe sur la clôture pour parvenir, en la franchissant, là où il ne pourrait pas légitimement arriver. 'Faire l'escalade' – on peut également voir ici l'image du carriérisme, de la tentative d'arriver 'en-haut', de se procurer une position grâce à l'Eglise: de se servir, et non de servir. C'est l'image de l'homme qui, à travers le sacerdoce, veut devenir important, devenir quelqu'un; l'image de celui qui a pour objectif sa propre ascension et non l'humble service de Jésus Christ. Mais l'unique ascension légitime vers le ministère de pasteur est la croix. Telle est la véritable ascension, la porte véritable .


Un témoignage sur Benoît XVI | Catholiques: que du bonheur!