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MORT DE L'ABBÉ PIERRE: SIDÉRATION ÉMOTIONNELLE
 

... et terrorisme compassionnel!
La récupération médiatique du personnage ne me plaît pas.
Ce n'est pas à nous de le juger, ce n'est d'ailleurs pas le moment, et il serait trop facile de nous opposer l'argument que "lui au moins, il a fait quelque chose...". J'accepte cet argument, évidemment. Il est certainement conforme à la vérité.
Ce qui n'empêche pas la logorrée de la presse d'être quasiment insensée. "Pas de récupération" est un slogan qu'ils proclament pour les autres (certains), mais qu'ils feraient bien de s'appliquer à eux-mêmes. La comparaison avec Coluche est déjà en soi un aveu du mensonge que renferme cette canonisation médiatique(*). Pour un peu, la presse nous crierait unanimement SANTO SUBITO! Ils oublient un peu vite comment ils l'avaient lâché en 1996, quand le vieil homme avait apporté son soutien à son ami Roger Garaudy, philosophe de l'extrême gauche anti-sioniste soupçonné de thèses négationnistes.

Il n'est pas difficile de deviner que son aura est directement proportionnelle à son éloignement de l'autorité et de la doctrine catholiques.
Notre société, après nous avoir fabriqué de faux héros, de faux paysans, de faux écologistes, de fausses "personnalités préférées des français", et récemment une fausse Jeanne d'Arc, nous sort ici un faux saint. Qu'ils s'arrêtent.
France-Info, pour les brefs instants où j'ai pu l'écouter dans ma voiture, rendait hommage à "l'exceptionnel consensus" que cet "homme hors du commun" avait suscité. Pour preuve (selon eux!!!), les témoignages de Christian Terras, de Golias, et de l'inoxydable Jacques Gaillot!!! Et sur Europe1, à 7 heures, on nous a expliqué qu'il s'était fabriqué son Dieu (j'ose à peine mettre une majuscule) à lui, et qu'il avait même demandé (sic!) aux deux derniers papes le changement de la doctrine catholique (re-sic!) sur le mariage des prêtres et l'ordination des femmes!!!

Henri Grouès a certainement derrière lui une vie bien remplie, de belles actions, et donc un passif honorable. C'est n'est donc pas sa personnalité, que je rejette, mais son exploitation. Il en était peut-être plus conscient -et donc responsable- qu'on le dit. Il aurait dit : "Les médias existent, il serait idiot de ne pas les utiliser".

Les medias, donc, ne font rien d'autre, finalement, que de saluer en lui un maître et un précurseur, et c'est vrai que depuis, certains ont perfectionné son idée de génie de l'hiver 54.

Je pense à une phrase attribuée à Louis XVI :il ne l'a peut-être pas prononcée, mais il l'a appliquée: "La charité [des rois] ne se donne pas en spectacle"
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(*) Il ne faut pas oublier qu'à l'origine des "Restos du coeur", il y a une idée géniale de l'impresario de Coluche, et une action discutable du clown: il avait insulté publiquement une journaliste du Figaro, et, comme celle-ci avait déposé une plainte, Coluche avait été "condammné" à des heures de TUC : avouons que cela ne mérite pas une canonisation


 

Le Saint-Père a écrit plusieurs textes sur le lien entre activisme social, ou, si l'on veut, charité, d'une part, et évangélisation d'autre part. J'ai immédiatent pensé à son homélie prononcée le 10 septembre 2006, sur l'Esplanade de la "Neue Messe", à Munich:


 

HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI

Dimanche 10 septembre 2006

....
Il existe à l'évidence chez certains l'idée que les projets sociaux doivent être promus avec la plus grande urgence, tandis que les affaires qui concernent Dieu ou même la foi catholique, sont des choses plutôt particulières et moins prioritaires. Toutefois, l'expérience de ces Evêques [africains] est précisément que l'évangélisation doit avoir la priorité, que le Dieu de Jésus Christ doit être connu, cru et aimé, doit convertir les coeurs, afin que les affaires sociales puissent elles aussi progresser pour que commence la réconciliation, afin que - par exemple - le SIDA puisse être combattu en affrontant véritablement ses causes profondes et en soignant les malades avec toute l'attention et l'amour qui leur sont dus. Le fait social et l'Evangile sont tout simplement indissociables. Là où nous n'apportons aux hommes que des connaissances, le savoir-faire, des capacités techniques et des instruments, nous apportons trop peu.[..] De cette façon, nous nous éloignons toujours plus de la réconciliation, de l'engagement commun pour la justice et l'amour. Les critères, selon lesquels la technique entre au service du droit et de l'amour disparaissent alors; mais c'est précisément de ces critères que tout dépend: des critères qui ne sont pas seulement des théories, mais qui illuminent le coeur, conduisant ainsi la raison et l'action sur le droit chemin.


 

Il parlait de l'aide que l'Occident apporte aux pays dits "en voie de développement", mais n'en est-il pas exactement de même de l'aide que les associations "caritatives" apportent à "nos" propres" pauvres?


Mort de l'Abbé Pierre (suite) | Le monde d'Henri Tincq