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CONFIDENCES SUR L'OURS...
 


Décidément, j'aime infiniment cette histoire, déjà évoquée dans ces pages à la rubrique "Le Théologien".
Voir ici: Ours (de Saint-Corbinien) .

Ci-contre, l'ours en biscuit qui a été offert à Benoît XVI los de sa visite à
Freising, le 14 septembre dernier.




 
 

Elle doit avoir pour lui une signification très profonde, pour qu'il ait cru bon de la raconter à nouveau (de manière si vivante, si pleine d'humour, qui est un nouveau démenti au cliché de sa prétendue rigidité de professeur) à ses compatriotes bavarois, dans le discours qu'il a prononcé le 9 septembre sur la Marienplatz, à Munich.
Version complète en français, sur le site du Vatican ici.
Cette belle légende illustre l'esprit de sacrifice et d'obéissance qui a présidé à chacun de ses choix.

Je me permets de citer ici Yves Daoudal , qui a perçu avec sensibilité cette "dépossession, [..] expropriation de soi dans la pensée de Ratzinger-Benoît XVI, qui lui tient à coeur et qui a culminé, d'une certaine façon, au moment de son élection. C'est un thème qu'il traite sans arrêt, et encore en Allemagne quand il a parlé de l'ours de saint Corbinien. Et le fait de combattre sa volonté propre, de se laisser conduire "là où on ne veut pas", est en effet central dans la vie de la grâce, et tout simplement une condition sine qua non du salut. Ce n'est d'ailleurs rien d'autre que l'obéissance, qui pour cette raison est centrale dans la vie monastique, et devrait l'être dans toute vie."


Les confidences de Benoît XVI

Peut-être me permettrez-vous de revenir à cette occasion sur une pensée que, dans mes brèves mémoires, j'ai développé lors de ma nomination comme Archevêque de Munich et Freising. Je devais devenir successeur de saint Corbinien et je le suis devenu. Dans sa légende, j'ai été fasciné dès mon enfance par l'histoire selon laquelle un ours aurait dévoré l'animal de selle du saint, au cours de son voyage dans les Alpes. Corbinien le blâma âprement et, en guise de punition, il chargea tout son bagage sur son dos afin qu'il le portât jusqu'à Rome. Ainsi l'ours, chargé du fardeau du saint, dut marcher jusqu'à Rome, et ce n'est qu'une fois arrivé que Corbinien le laissa libre de s'en aller.

Lorsqu'en 1977, je me trouvai face au choix difficile d'accepter ou non la nomination d'Archevêque de Munich et Freising qui allait m'arracher à mon activité universitaire habituelle en me menant vers de nouvelles tâches et de nouvelles responsabilités, je réfléchis longuement. Et c'est précisément à cette occasion que je me souvins de cet ours et de l'interprétation des versets 22 et 23 du Psaume 72 [73] que saint Augustin, dans une situation très semblable à la mienne, (ndr: il considère en effet Saint-Augustin comme une sorte de jumeau spirituel) lors de son ordination sacerdotale et épiscopale, a développée puis, ensuite, exprimée dans ses sermons sur les Psaumes. Dans ce Psaume, le psalmiste se demande pourquoi, souvent, aux méchants de ce monde les choses réussissent si bien et pourquoi, en revanche, à un grand nombre de personnes bonnes, les choses vont si mal. Alors le Psalmiste dit: j'étais stupide de voir les choses ainsi; devant toi j'étais comme une brute, une bête, mais ensuite, je suis entré dans le sanctuaire et j'ai compris que c'est précisément dans mes difficultés que j'étais très proche de toi et que tu étais toujours avec moi. Augustin, avec amour, a souvent repris ce Psaume et, en voyant dans l'expression "devant toi j'étais comme une brute" (iumentum en latin) une référence à l'animal de trait qui était alors utilisé en Afrique du Nord pour travailler la terre, il s'est reconnu lui-même dans ce "iumentum" en bête de trait de Dieu, il s'est vu comme un homme pliant sous le poids de sa charge, la "sarcina episcopalis". Il avait choisi la vie de l'homme d'étude et, comme il le dit par la suite, Dieu l'avait appelé à faire "l'animal de trait", le brave boeuf qui tire la charrue dans le champ de Dieu, qui fait le travail difficile qui lui est assigné. Mais il reconnaît ensuite: comme l'animal de trait est très proche du paysan, sous la direction duquel il travaille, ainsi suis-je moi aussi très proche de Dieu, parce que de cette façon, je le sers directement pour l'édification de son Royaume, pour la construction de l'Eglise.

Sur le fond de cette pensée de l'Evêque d'Hippone, l'ours de saint Corbinien m'encourage toujours à nouveau à accomplir mon service avec joie et confiance - que ce soit il y a trente ans ou à présent dans ma nouvelle charge - en prononçant jour après jour mon "oui" à Dieu: je suis devenu pour toi comme une bête de somme, mais c'est précisément ainsi que "je rest[e] près de toi" (Ps 72[73], 23).

L'ours de saint Corbinien, arrivé à Rome, fut rendu à la liberté. Dans mon cas, le "Maître" en a décidé autrement.
Je me trouve donc à nouveau au pied de la Mariensäule pour implorer l'intercession et la Bénédiction de la Mère de Dieu, non seulement pour la Ville de Munich et pour la Bavière bien-aimée, mais aussi pour l'Eglise universelle et pour tous les hommes de bonne volonté.


Suis moi...

Cette idée, il l'avait d'ailleurs développée, sans citer l'anecdote de l'ours, evidemment, devant ses compatriotes bavarois, lors de l'audience qu'il leur avait accordée au lendemain de son élection (cf ici )
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"J'étais convaincu d'avoir accompli le travail de toute une vie, et que je pouvais espérer finir mes jours dans la tranquillité. Avec une profonde conviction, j'ai dit au Seigneur: Ne me fais pas cela! Tu disposes de personnes plus jeunes et plus adaptées, qui peuvent affronter ce grand devoir avec bien plus d'élan et de force.
Puis, j'ai été très ému par une brève lettre, écrite par l'un de mes confrères du Collège cardinalice. Il me rappelait qu'à l'occasion de la Messe pour Jean-Paul II, j'avais centré mon homélie, en partant de l'Evangile, sur les paroles que le Seigneur adressa à Pierre au bord du Lac de Tibériade:
Suis-moi! J'avais expliqué que Karol Wojtyla reçut toujours à nouveau cet appel du Seigneur, et qu'il dut toujours à nouveau renoncer à beaucoup de choses et simplement dire: oui, je te suis, même si tu me conduis là où je n'aurais pas voulu aller. Mon confrère m'a écrit: Si le Seigneur devait te dire à présent: "Suis-moi", alors rappelle-toi de ce que tu as prêché. Ne te refuse pas! Sois obéissant, comme tu as décrit le grand Pape, qui est retourné à la maison du Père.
Cela m'a profondément touché. Les voies du Seigneur ne sont pas toujours faciles, mais nous n'avons pas été créés pour la facilité, mais pour les choses grandes, pour le bien. "



 

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