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TURQUIE: REVUE DE PRESSE DU J1
 

Dans son excellent billet du 27 novembre, Patrice de Plunkett titrait
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"Péril turc" pour Benoît XVI ?
Envers le chef de l'Eglise catholique, le problème n° 1 n'est pas les Loups gris ou les islamistes. C'est la presse occidentale
...
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Vrai, sans doute. Les uns souhaitent peut-être l'anéantir physiquement, les autres agissent plus sournoisement, sur le plan des idées. Mais il se trouve que, par la mondialisation, les mêmes dépêches d'agence sont utilisées par les medias du monde entier....
J'ajoute que, pour avoir lu certaines réactions des milieux catholiques (pas encore agressives, mais dubitatives, la plus modérée étant d'insinuer que ce voyage n'avait pas lieu d'être, sans compter une image lourdement commentée de la poignée de main au grand muphti), j'ai peur que les pires blessures ne lui viennent de ce côté...
Que les musulmans et les matérialistes athées de notre Occident n'aiment pas le Pape, quoi de plus naturel, d'une certaine façon.
Mais eux?
Lu sur Internet, à l'instant, la réaction de quelqu'un qui partage mon inquiètude (il évoque la prétendue caution que le Pape aurait apporté à l'adhésion de la Turquie à l'UE, voir plus bas):
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"le meilleur est à venir... et il n'y aura pas que cela...
maintenant on peut redouter qu'au lieu de risquer de se faire agresser par les Turcs
il ne le soit par [certains], prompts à brûler ce qu'ils ont adoré... ce que je redoute depuis le début à vrai dire

pour l'instant [..] on en est à la phase "il l'a pas dit c'est des inventions, je le crois pas..."
ensuite ce sera la phase du grand silence
et après la meute va se déchaîner
"


 

Les deux articles ci-dessous me paraissent bien donner le ton général des compte-rendus de ce premier jour, en attendant les commentaires qui ne vont pas manquer de s'étoffer.
Les medias insistent en général sur la prétendue bénédiction que le Saint-Père aurait donné à Erdoggan pour l'adhésion de la Turquie à l'UE. Ils devraient quand même apporter un peu plus d'attention à leurs sources (à moins que ce ne soit une façon de l'opposer aux opinions publiques occidentales, réputées peu favorables à cette adhésion), car ces propos, tenus de façon informelle par le premier ministre turc, n'engagent que lui, et n'ont été nullement confirmés par le Saint-Siège.
Il est plus que probable que le Pape a usé d'un langage diplomatique -dans le contexte, il ne pouvait faire autrement- et a dit à son interlocuteur que l'Eglise n'entendait en rien intervenir dans les affaires politiques. Ce qui est rigoureusement exact, une telle déclaration est aux antipodes des habitudes de Benoît XVI, qui n'a d'ailleurs aucun titre pour s'exprimer à ce sujet.
(voir ci-dessous la dépêche de l'AFP , plus réaliste)
En tous cas, pour le moment, ils ont décidé d'occulter totalement le contenu essentiellement pastoral de cette visite, et comme ce qui ne soulève pas de scandale ne les intéresse pas, je constate ce matin, en écoutant la radio, qu'on en est au quasi black-out (la formidable information de cette nuit, sur Europe 1, est une histoire rocambolesque de vente sur Internet d'une mèche de cheveux de Ramsés II !!!)

Je note pour finir l'ignorance des journalistes.... dont les énormités sont particulièrement savoureuses, venant de ceux-là même qui se sont acharnés sur la prétendue "bourde" du Saint-Père à Ratisbonne (qu'ils seraient sans doute bien en peine de situer sur une carte, apparemment...). Mais aussi avec inquiètude, car ces gens détiennent après tout le monopole de former l'opinion.


 


Il y a d'abord cet article dans le quotidien suisse LE TEMPS. J'ignore si ce journal est une référence internationale, mais l'illustration de l'article, capturé ce matin sur leur site, donne une piètre idée de leur professionalisme...

Voir ICI


 

Le Temps

A Ankara, Benoît XVI recommande l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne
Le Temps, Patricia Briel, envoyée spéciale à Istanbul

Le premier jour de la visite du pape a été marqué par l'apaisement. Mais l'offense de Ratisbonne n'est pas oubliée.


On craignait le pire. Mais le voyage du pape Benoît XVI en Turquie a bien commencé. Dès son arrivée à l'aéroport d'Ankara, le souverain pontife a été accueilli à sa descente d'avion par le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan. Un geste exceptionnel de la part de ce politicien, qui a manifesté ainsi sa volonté d'apaiser la polémique née après le discours de Ratisbonne du 12 septembre dernier, dans lequel le pape avait établi un lien entre l'islam et la violence.

Dans un premier temps, Recep Tayyip Erdogan avait affirmé qu'il ne pourrait pas rencontrer le pape parce qu'il devait se rendre à Riga pour assister au sommet de l'OTAN. Puis il s'était ravisé: il verrait brièvement Joseph Ratzinger à l'aéroport, juste avant son départ. Mais personne ne pensait qu'il accueillerait le pape sur le tarmac. Les observateurs politiques le soupçonnaient en effet de vouloir éviter cette rencontre pour ménager son électorat islamiste.

Le premier ministre a déclaré accorder de l'importance à la visite de Benoît XVI. Selon lui, elle «contribue à la paix mondiale». Et il a déploré les récentes manifestations d'hostilité à l'égard du pape. Recep Tayyip Erdogan a encore souligné, à l'issue de sa brève entrevue avec le pape, que ce dernier s'était déclaré favorable à l'entrée de son pays dans l'UE. Si cette déclaration est avérée, elle signale un changement dans l'attitude de Joseph Ratzinger à l'égard de la Turquie: quand il était cardinal, il était fermement opposé à une adhésion de ce pays à l'UE.

Le pape a de son côté multiplié les gestes et les paroles d'apaisement. Dans l'avion qui le menait à Ankara, il a qualifié la Turquie de «pont entre les cultures» occidentale et musulmane et de lieu de «rencontre et de dialogue». Sa visite au mausolée d'Atatürk a aussi été l'occasion d'accomplir un geste de bienveillance. Benoît XVI a signé le livre d'or du mausolée avec cette phrase: «Sur cette terre, point de rencontre et carrefour de diverses religions et cultures, charnière de l'Asie et de l'Europe, je fais volontiers miennes les paroles du fondateur de la République turque pour exprimer ce souhait: Paix dans la patrie, paix dans le monde», a-t-il écrit.

La rencontre de Benoît XVI avec Ali Bardakoglu, le directeur des Affaires religieuses de Turquie, était un des temps forts de son voyage. Les deux hommes ont dialogué librement hier devant les caméras pendant un quart d'heure, dissertant sur l'importance du dialogue interreligieux.

Dans le discours qu'il a tenu ensuite au Diyanet (la Direction des affaires religieuses), Joseph Ratzinger a insisté sur l'amitié qu'il portait au peuple turc et aux musulmans (lire ci-dessous). Le pape n'est pas revenu sur l'incident de Ratisbonne et il n'a pas prononcé d'excuses. En revanche, il a mis l'accent sur les éléments qui unissaient les chrétiens et les musulmans au-delà de leurs différences. Il n'a cependant pas hésité à évoquer la question de la liberté religieuse, «condition nécessaire» pour que les croyants puissent contribuer à l'édification de la société.

Le discours du pape n'a pas suffi à effacer l'offense de Ratisbonne. Si Ali Bardakoglu a accueilli le pape avec un esprit positif, il a fait une claire allusion au discours du 12 septembre en déplorant la montée de l'islamophobie. Pour Ali Bardakoglu, celle-ci «exprime une mentalité selon laquelle la religion islamique contient et encourage la violence dans son histoire et dans ses sources» et affirme que «l'islam s'est diffusé dans le monde par l'épée». Le dignitaire religieux a aussi profité de sa rencontre avec le pape pour condamner «tous les types de violence et de terreur».
Benoît XVI a ensuite rencontré le corps diplomatique. Tout en réaffirmant l'estime qu'il porte aux musulmans, il a souligné qu'il était du devoir des autorités civiles d'un pays démocratique de garantir la «liberté effective de tous les croyants et de leur permettre d'organiser librement la vie de leur propre communauté religieuse». Une nouvelle allusion à la situation des chrétiens en Turquie.

Après une visite à Ephèse, le pape arrivera à Istanbul ce soir. La ville est sur pied de guerre: Benoît XVI doit se rendre jeudi à l'ancienne basilique chrétienne Sainte-Sophie, et cette visite sera tout aussi déterminante pour l'avenir des relations islamo-chrétiennes que ses premiers pas en Turquie, plutôt réussis.
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Appel à un dialogue «authentique»
Le pape a souligné les points communs unissant chrétiens et musulmans.

Patricia Briel
Désireux de lever tout malentendu avec le monde musulman, Benoît XVI a multiplié les précautions et fait preuve d'une grande diplomatie à l'occasion de sa rencontre avec Ali Bardakoglu, le directeur des Affaires religieuses de la Turquie. Il a cité deux papes très aimés des Turcs, Jean XXIII et Jean Paul II. Joseph Ratzinger a repris une phrase du premier qui, alors qu'il était nonce à Istanbul, avait déclaré: «J'aime les Turcs, j'apprécie les qualités naturelles de ce peuple, qui a aussi son rôle sur le chemin de la civilisation.»

Pour montrer que sa bienveillance à l'égard de l'islam a précédé la crise déclenchée par son discours à Ratisbonne, le pape a rappelé une déclaration qu'il avait faite à Cologne en août 2005: le dialogue interreligieux est une «nécessité vitale, dont notre futur dépend dans une large mesure». Il a souligné les points communs qui unissent chrétiens et musulmans, en particulier la foi en un Dieu unique. Ces deux communautés religieuses ont selon lui pour mission d'«aider la société à s'ouvrir au transcendant». «Le meilleur moyen pour aller de l'avant est un dialogue authentique entre chrétiens et musulmans, basé sur la vérité et inspiré par le désir sincère de mieux nous connaître, en respectant nos différences et en reconnaissant ce que nous avons en commun.»

Afin d'atténuer l'offense de Ratisbonne, Joseph Ratzinger s'est servi d'une nouvelle citation historique. Empruntée au pape Grégoire VII, elle apparaît comme un contrepoint à celle de l'empereur Manuel II Paléologue qui avait déclenché les foudres du monde musulman. Cette citation est tirée d'une correspondance de Grégoire VII avec un prince musulman d'Afrique du Nord, «qui avait agi avec une grande bienveillance envers les chrétiens placés sous sa juridiction», souligne Joseph Ratzinger. Dans cette citation, qui date de 1076, le pape Grégoire VII parle de la charité mutuelle que se doivent chrétiens et musulmans, parce que «nous croyons et confessons un Dieu unique, même si c'est de manière différente».





 

Il y a ensuite le point de vue "musulman", ou peut-être vaudrait-il mieux dire ici "arabe", du quotidien algérien EL WATAN.
Là encore, le professionalisme n'est pas au rendez-vous, le journaliste confond Ratisbonne et Berlin, vu le battage médiatique qui a entouré depuis septembre la petite ville bavaroise sur les rives du Danube, il ne doit pas savoir grand chose de ce qui s'y est dit le 11 septembre dernier...


EL WATAN

La Turquie accueille le pape Benoît XVI
El Watan
La voie du pragmatisme
Le souverain pontife le pape Benoît XVI a entamé hier une visite très controversée en Turquie. Annoncé bien avant les propos sur l’Islam tenus en septembre dernier à Berlin, propos qui avaient soulevé un vent de colère dans certaines capitales musulmanes, le périple du pape dans ce pays laïque, majoritairement musulman, semblait avoir été sérieusement compromis suite au faux pas de Benoît XVI.

D’ailleurs, les hauts dignitaires musulmans turcs n’ont pas manqué, en ce temps-là, au plus fort de la crise créée par cet incident, de le faire savoir au chef de l’Eglise catholique en lui signifiant clairement qu’il était indésirable dans leur pays. Cette position des autorités religieuses turques relayées par le gouvernement d’Ankara d’obédience islamiste avait été perçue alors comme un geste courageux de la part des autorités turques au regard des conséquences qu’elle pouvait fatalement induire sur les perspectives de l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne. Les difficultés pour ne pas dire les obstacles qui se dressent devant la Turquie pour décrocher son ticket d’adhésion à l’UE dont son appartenance à la civilisation musulmane n’est pas des moindres sont déjà difficilement surmontables pour qu’Ankara se permette le luxe de défier ses partenaires européens sur ce terrain religieux où ses adversaires dans l’Union l’attendent de pied ferme pour le disqualifier et montrer à ceux qui ne partagent pas leurs inquiétudes et réserves le fossé civilisationnel qui les sépare de la Turquie. Et par conséquent, l’incapacité congénitale de ce pays à s’intégrer dans l’ensemble européen. C’était compter sans le pragmatisme des autorités turques, politiques et religieuses, qui ont choisi la voie de la raison et de l’intérêt supérieur de la nation aux gesticulations sans lendemain qui font le bonheur des milieux extrémistes mais certainement pas celui du peuple turc qui est confronté à d’autres défis, existentiels ceux-là. La Turquie a en effet envoyé hier un message fort à ses partenaires européens en donnant du pays et de ses institutions l’image d’un Etat fort de son système politique fondé sur la laïcité ; une laïcité brandie comme la meilleure preuve de sa maturité et de son aptitude sociétale à intégrer l’UE. Et pour mieux faire passer encore ce message politique avant tout, c’est le premier ministre islamiste turc M. Tayyip Erdogan, en personne, qui a tenu à accueillir officiellement le pape Benoît XVI à son arrivée à l’aéroport d’Ankara. Le souverain pontife a été accueilli avec tous les égards et le protocole dus à un chef d’Etat. Les rues empruntées par le cortège officiel sont pavoisées aux couleurs de la Turquie et du Vatican. Et dans l’agenda du souverain pontife est prévue une entrevue avec le président turc à côté, bien évidemment, des rencontres avec les représentants de l’Eglise orthodoxe et des dignitaires musulmans turcs. Avec cette visite à laquelle beaucoup ne croyaient pas après la sortie médiatique de Benoît XVI à Berlin, la Turquie vient de réussir le grand écart marquant des points précieux dans ses négociations difficiles avec l’UE pour son entrée dans cet ensemble. Le pape qui avait exprimé son opposition à l’entrée de la Turquie dans l’UE du fait de son identité musulmane vient d’une certaine manière demander repentance à la Turquie en entamant ce voyage dans ce pays. Et à travers la Turquie demander pardon à la communauté musulmane pour les propos tenus par le pape à Berlin.

Omar Berbiche


Dépêche AFP

Le Premier ministre Recep Erdogan, qui a accueilli le pape à sa descente d'avion à Ankara dans un geste diplomatique exceptionnel, a déclaré après leur entretien en privé que Benoît XVI lui avait assuré être favorable à l'entrée de la Turquie dans l'UE.

"Je lui ai demandé son soutien sur notre chemin vers l'Union européenne. Il a dit +nous voulons que la Turquie fasse partie de l'Union européenne+", a affirmé à la presse M. Erdogan.

"C'est une recommandation honorable", a-t-il ajouté.

Le porte-parole du Vatican, le père Federico Lombardi, a précisé un peu plus tard que "le Saint Siège regarde positivement et encourage le chemin de dialogue, de rapprochement et d'intégration en Europe" de la Turquie, "sur la base de valeurs et de principes communs".

Toutefois, a précisé le père Lombardi, le Vatican "n'a ni le pouvoir ni le rôle politique d'intervenir sur le point précis de l'entrée de la Turquie dans l'UE"
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La restriction apportée par le Père Lombardi
sur la base de valeurs et de principes communs peut effectivement être interprété comme du langage diplomatique...


 

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