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SANDRO MAGISTER ET LA "COMMUNICATION " AU VATICAN
 

Sandro Magister, journaliste à l'Espresso, mérite son titre de vaticaniste; il paraît extrêmement bien informé. Son blog est une mine de renseignements, de première main, même: inutile, donc, de chercher la comparaison avec nos "vaticanistes" hexagonaux, qui ne savent en vérité que ce que les spécialistes transalpins veulent bien leur céder...

Pour illustrer son propos, il revient sur l'affaire du discours jamais prononcé devant les évêques suisses (il faisait pourtant tellement vrai, ce discours!).
Discours aux évêques suisses
Mais il cite aussi des faits troublants, qui font penser, sans paranoïa excessive, à une tentative délibérée de brouillage malveillant. Ou, pour faire court, de sabotage!
(il ne m'a pas échappé que Luigi Accattoli n'était pas d'accord avec cette interprétation: Luigi Accattoli et 'il povero Papa' )
Donc, selon Magister, il semblerait que le Saint-Père, via la communication du Vatican soit victime d'une sorte de sabotage prémédité. Son article, pour qui suit l'actualité et consulte quotidiennement le site du Saint-Siège, est également totalement crédible.
Ou tout au moins, pose la question: à qui tout cela profite-t'il?

Article original ici: http://www.chiesa.espressonline.it
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Ma traduction en français:


 

Ici le Vatican. Les communications sont interrompues

Benoît XVI parle au monde. Mais ses paroles ont du mal à atteindre le grand public, et parfois, elles ne lui parviennent pas du tout.

Voici ce qui ne marche pas dans la machine communicative qui devrait en principe assister le Pape.

Sandro Magister

C'est un journal agonisant, avec quelques centaines d'exemplaires vendus, et, en 2005, un passif de 4,6 millions d'euros, et donc presque personne ne s'est aperçu que l'Osservatore Romano" n'est pas arrivé dans les kiosques à journaux romains, dans l'après-midi du mardi 7 novembre.
Les exemplaires étaient déjà imprimés. Mais, in extremis, le Secrétariat d'Etat a envoyé l''ordre de les envoyer au pilon. Parce qu'elles étaient erronées, depuis le titre qui s'étalait en première page. Consacré au discours du Pape aux évêques suisses, qui, en réalité, n'a jamais été prononcé.

Beaucoup, au contraire, se sont aperçus dudit incident en consultant le bulletin en ligne du Vatican, comme le font chaque jour des millions de personnes par le monde.
A midi était apparu sur le site internet du Saint-Siège un discours présenté comme ayant été prononcé, en français, par Benoît XVI. Au milieu de l'après-midi, le discours avait disparu. Et le soir, apparaissait un communiqué pour dire que ce texte n'avait jamais été lu, mais que c'était une ébauche qui datait du début 2005, et du précédent Pape, que Benoît avait dit tout autre chose aux évêques suisses, improvisant en allemand. La traduction en était annoncée pour le lendemain.

Cette fois, la faute ne revient pas à l'Osservatore Romano, ni à son directeur Mario Agnes, ni à la salle de presse du vatican, derniers anneaux de la chaîne. Le désastre s'était produit à un niveau plus élevé, dans le noeud entre le Pape et la curie.

Benoît XVI a toujours donné du fil à retordre à l'équipe du Secrétariat d'Etat qui s'occupe des discours du Pape, dirigé par un diplomate qui s'employait déjà à cette mission du temps de Jean-Paul II, l'archevêque Paolo Sardi, un piémontais de 72 ans.
Papa Joseph Ratzinger ne se sert pas d'un ordinateur, les discours et les homélies auxquels il tient le plus, il les écrit lui même, à la main, de son écriture minuscule, ou bien il les dicte, ou bien il ne prépare rien, et improvise. Transcrire, traduire, faire parvenir son message à un auditoire vaste comme le monde n'est pas une tâche facile, mais c'est justement ce que Benoît XVI attend de la machine communicative vaticane. Objectif essentiel pour un Pape "docteur de l'Eglise".

Avec Jean-Paul II, à l'inverse, le bureau des discours du Pape, faisait l'essentiel du travail, surtout dans les derniers temps. Il fournissait au Pape une dose massive de discours préfabriqués, que Karol Wojtyla lui retournait avec peu de corrections de sa main.
Avec les évêques suisses, reçus en visite "ad limina" en février 2005, alors que l'état de santé de Papa Wojtyla était déjà à sa dernière extrémité, le discours était prêt. Mais il resta dans les cartons, quand les évènements se précipitèrent.
Ainsi, quand Benoît XVI s'est apprêté à recevoir à Rome ces mêmes évêques suisses, entre le 7 et le 9 novembre de cette année, pour couronner la précédente visite alors interrompue, l'équipe des discours du pape a ressorti des cartons ce vieux texte, et l'a envoyé à l'étage des appartement pontificaux.
Ceci se passait le dimanche 5 novembre. Mais ce texte ne plut pas à Benoît XVI. "Trop directif, trop définitif, il présupposait une discussion qui n'a pas eu lieu", expliqua par la suite Piero Giacomo Grampa, du diocèse suisse de Lugano. Le Pape retourna le discours sans correction. A mettre de côté.
Mais dans l'équipe, ils comprirent le contraire: approuvé. Et ils le transmirent à la salle de presse et à l'Osservatore Romano.
Ce furent les évêques suisses, dans l'après-midi du 7 novembre, qui se montrèrent surpris, en comparant les paroles prononcées de vive voix par le Pape, et celles diffusées par les organes du Vatican. Ils demandèrent, et obtinrent, la suppression immédiate du texte erroné.
Benoît XVI les rencontra à nouveau deux jours plus tard, le 9, s'exprimant encore "a braccio", et il leur confessa "ne pas avoir eu le temps d'écrire". Il ajouta: "Je me présente à vous avec cette pauvreté.".
Le paradoxe de Ratzinger est que la richesse et la profondeur de ses discours sont impressionnants, même selon les standards exigeants des papes du siècle dernier, mais dans le même temps, lui est laissé "pauvre" -et seul- précisément par ceux qui devraient recueillir et amplifier son message.
Même le travail élémentaire de la traduction fonctionne mal, dans un environnement pourtant polyglotte comme le Vatican.
Par exemple, les traductions en français et en portugais de la leçon papale de Ratisbonne du 12 sepptembre, autrement dit le texte le plus célèbre et le plus discuté de ce pontificat, sont apparues sur le site du Vatican seulement 35 jours après. La traduction espagnole, 43 jours. Celle en arabe, préparée par le Secrétariat d'Etat à la mi-septembre, et immédiatement distribuée dans les chancelleries des pays musulmans, est encore à ce jour (23 novembre) innaccessible au grand public.
Jusqu'à il y a quelques mois encore, avec Navaro-Vals à la tête de la salle de presse et le cardinal Sodano au Secrétariat d'Etat, la confusion était pire encore. Durant l'été 2005, Sodano et Navaro-Vals s'étaient publiquement affrontés, s'accusant à tour de rôle d'avoir fait du tort à Benoît XVI, qui, lors d'un Angelus, en rappelant les derniers attentats terroristes, et en se fiant à la note qu'on lui avait remise, avait oublié Israël.
Mais encore maintenant, avec le nouveau secrétaire d'Etat, le cardinal Bertone, et le nouveau directeur de la salle de presse, le père Federico Lombardi, les choses ne vont guère mieux, sous l'angle de la communication.
Lombardi continue à diriger Radio Vaticano, un goufre encore plus profond que l'Osservatore Romano. En 2005, il a enregistré un passif de 23,5 millions d'euros, et son audience est humiliante en regard des autres stations de radio catholiques, comme Radio Maria, incomparablement plus efficace pour faire parvenir à un vaste public la parole du Pape.
Lombardi est jésuite. Et comme tous ceux qui suivent Saint-Ignace, il a fait voeu de "disponibilité totale au Souverain Pontife romain, dans tout ce qu'il voudra et commandera pour le bien de l'âme et la propagation de la foi", ainsi qu'a tenu à leur rappeler Benoît XVI, dans son discours du 3 novembre, à l'Université Pontificale Grégorienne.

Mais c'est aussi un jésuite, le père Thomas Michael, qui se chargeait des discours sur ce thème pour Jean-Paul II. Le 25 septembre dernier, alors que Benoît XVI s'employait à clarifier, pour des dizaines d'ambassadeurs musulmans réunis à Castelgandolfo, la "vraie signification" de sa leçon de Ratisbonne, le père Michael expliquait aux nombreux auditeurs du site "online" de Yusuf Quaradawi, le cheik le plus écouté du monde arabe, que le Pape avait tout faux.
Et ce sont encore des jésuites, les rédacteurs de "Civiltà Cattolica", la revue romaine historique, par son statut au service total du Pape. Certains lundis, son directeur, le père Gianpaolo Salvini, se rend au Secrétariat d'Etat avec les ébauches d'articles en préparation, qui sont lus, parfois modifiés, parfois écartés, avant de recevoir l'"imprimatur".
Eh bien, dans le numéro d'Octobre de "Civiltà cattolica", il y avait un éditorial -autorisé on ne sait par qui- , lequel, en neuf pages, décrit avec une précision scientifique la vision du monde d'un islam violent, sa volonté d'assujettir la planète entière, de faire disparaître Israël, de faire "exploser" ses martyrs", dans le but de "défendre l'honneur d'Allah, et les droits" du peuple musulman.
Pas un ligne, en revanche, pas un mot, en neuf pages, pour opposer à cet amalgame entre foi et violence donné comme irrésistible et inéluctable, une critique "seconda ragione" (raisonnable). Ce qui était au coeur de la leçon de Benoît XVI à Ratisbonne.
Cette leçon n'est même pas citée. Et même, c'est comme si elle n'avait jamais jamais été prononcée, dans cet édotorial de la revue "du Pape".


Une magnifique "pétition" dans le FIGARO | Sandro Magister: un portrait du Pape