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LE SAINT-SIÈGE ET L'ISLAM
 

Les retombées du discours de Ratisbonne, (scandaleusement comparé aux provocations gratuites et stupides des caricatures de Mahomet), les mises au point successives du Saint-Siège, hâtivement qualifiées d'excuses, la "prière " à la mosquée bleue d'Istanbul, et, plus récemment les voeux à la Curie, où le Pape a réitéré clairement son sentiment de "respect" pour l'islam, tout cela a soulevé beaucoup de questions, peut-être parfois de perplexité, et étayé beaucoup de conjectures, en particulier dans le petit monde catho-contestataire. La plupart étaient déformantes, et de mauvaise foi, mais pas toutes.
Le site ESM publie une intéressante mise au point informelle du cardinal Bertone: sa position auprès de Benoît XVI le rend à même de nous proposer le plus autorisé des commentaires sur ces questions, on regrettera seulement que cette déclaration trouve nettement moins d'échos dans les medias que le canular de la création d'une équipe de football aux couleurs du Vatican...

Il me semble que ce qu'il dit lève toutes les ambiguïtés, ou prétendues telles.
La position du Saint-Père sur le thème de la relation avec l'Islam est comme toujours très claire, très simple, et très conforme au message de l'Evangile, n'en déplaise à ceux qui lui prêtent des calculs et des intentions machiavéliques. Il pense que le meilleur moyen de désamorcer le "choc des civilisations" que certains appellent de leurs voeux, et même anticipent, c'est le dialogue, le respect de la dignité humaine, et l'éducation: sur les questions essentielles de la morale, les religions peuvent offrir au relativisme ambient une sorte de front commun grâce au dialogue avec les élites pensantes, afin de pouvoir pénétrer successivement dans les masses, de changer les mentalités et d'éduquer les consciences.

[Il n'est pas certain que cela marche - le Saint-Père ne l'ignore pas - d'autant plus que les forces contraires pèsent de toutes leur poids, mais si rien n'est tenté, il est par contre certain que cela ne marchera pas]

Article entier ici


Le cardinal Bertone parle

Une lecture attentive de ce qui a été appelé, à juste titre, la “splendide” conférence de Ratisbonne, laquelle n’était ni ne pouvait être un discours ex cathedra, fera clairement apparaître que le thème de fond de la conférence était le rapport entre foi et raison, et non pas l’approfondissement de la question du dialogue avec les autres religions et avec l’Islam en particulier.

(...) Comment donc, peut-on se demander, toutes ces interventions du Saint-Siège et du Saint-Père Benoît XVI lui-même sur une question aussi spécifique? Par peur? Absolument pas. Le Saint-Père, le successeur de Pierre, a voulu lui aussi suivre une indication que le Prince des apôtres a donnée aux premières communautés chrétiennes: «Honorez tout le monde, aimez vos frères» (1P 2,17).
Par conséquent, le Pape n’a voulu que répéter sans équivoque et de manière intelligible à tous sa volonté d’“honorer” tout le monde, y compris les musulmans, et d’“aimer” toutes les communautés chrétiennes, et en particulier celles qui sont disséminées dans les régions où la religion musulmane est majoritaire. (...)

(...) Le christianisme n'est certainement pas limité à l'Occident et il ne s'identifie pas avec lui; cependant, ce n'est qu'en consolidant un rapport dynamique et créatif avec leur histoire chrétienne que la démocratie et la civilisation occidentales pourront retrouver force et propulsion, c'est-à-dire les énergies morales nécessaires à affronter une scène internationale fort compétitive.

Bien que la vie de nombreux chrétiens soit à risque, il faut désamorcer la rancoeur anti-islamique qui couve dans le cœur de beaucoup de gens.

En outre, la très ferme condamnation de la dérision de la religion – et, ici, je fais allusion à l'épisode des vignettes satiriques irrévérencieux qui a enflammé les foules islamiques au début de cette année – est un préalable indispensable pour en condamner l'exploitation.

Cependant, le discours de fond n'est même pas celui du respect des symboles religieux. Il est simple et radical: il faut protéger la dignité du musulman croyant.
...

Face aux musulmans croyants, mais aussi face aux terroristes, notre comportement ne doit pas être dicté par le critère de l’utilité ou du dommage causé, mais de la dignité humaine.

Le cœur du rapport entre l'Église et l'islam est donc avant tout la promotion de la dignité de chaque personne et l'éducation à la connaissance et à la protection des droits humains.

Deuxièmement et lié à ce préalable, nous ne devons pas renoncer à proposer et à annoncer l'Évangile, y compris aux musulmans, dans les moyens et les formes les plus respectueuses de la liberté de l'acte de foi.

Afin d'atteindre ces objectifs, le Saint-Siège se propose de valoriser au maximum les nonciatures apostoliques dans les pays à majorité musulmane afin que l'on y connaisse mieux le Saint-Siège et, si possible, d'en partager les positions.
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Le Saint-Siège se propose aussi d'établir des rapports culturels entre les universités catholiques et les universités du monde arabe et entre hommes et femmes de culture. Le dialogue est possible entre eux et, dis-je, également fructueux. Je me souviens de congrès internationaux sur des thèmes interdisciplinaires que nous avons organisés à la "Pontificia Universitas Lateranense"; par exemple, sur les droits humains, sur la conception de la famille, sur la justice et sur l'économie.

Nous devons poursuivre, voire intensifier, cette marche sur le chemin du dialogue avec les élites pensantes, confiants de pouvoir pénétrer successivement dans les masses, de changer les mentalités et d'éduquer les consciences. ....
Le tout, en pensant que la protection de la personne humaine, de cette pauvre icône constamment menacée – mais que Dieu aime beaucoup, surtout pour elle-même comme le dit le Concile Vatican II –, est le plus grand témoignage que les traditions bibliques peuvent offrir au monde.
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L'Arc-en-ciel d'Auschwitz | Voeux à la curie (3)