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On m'excusera - je l'espère - d'être aussi prolixe, mais ce voyage a vraiment représenté beaucoup pour moi, depuis six mois qu'il est annoncé. Je m'étais habituée, chaque fois que je mettais ce site à jour, à observer le "compte à rebours" en java script au bas de la page d'accueil, et au fur et à mesure que l'échéance approchait, l'impatience et la joie grandissaient.
Maintenant qu'il n'est plus là, cela fait tout drôle.


Voici donc quelques impressions:

Nostalgie... et retour sur terre

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D'abord, notre nostalgie, et notre désir très vif de le voir revenir.
Une amie, Marianne, m'écrit ceci, qui résume bien la pensée de beaucoup:
J'étais aux Invalides. Trois personnes m'ont dit avoir été émues aux larmes! Comme je les comprends.
Quel "atterrissage" après son départ de France. Tout l'été, et même avant, on se préparait à sa venue, on l'attendait, et puis une sorte de cafard après son départ. Mais il a dit qu'il aimerait revenir.


Puis, l'absence soulignée par absolument personne, du président Sarkozy à la messe du Pape, à Paris.
Inouï, pourtant, et, il me semble, contraire à tous les usages, si l'on se réfère aux précédents voyages apostoliques...

Charisme

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Ensuite, les réactions des medias:
Il y en a heureusement de superbes, plutôt dans les medias alternatifs (blogs, journaux à faible tirage...): ce sont celles que j'ai choisi de reproduire ici, et elles me redonnent confiance.
Et puis il y a la grande masse des autres.
Pas mal, en apparence.
Mais tous se recopient tellement que l'on a l'impression qu'ils n'ont rien regardé - et rien appris.
Ils n'ont qu'un mot à la bouche: charismatique, qu'ils font précéder d'un "non" privatif.
Un mot, si l'on y réfléchit, qui n'est pas depuis tellement longtemps dans le langage courant, utilisé désormais à toutes les sauces (ça fait chic) et qui est particulièrement mal employé ici.
Je lis, dans le Petit Robert: "charisme: en théologie, don particulier concédé par grâce divine"; on admettra que rien ne peut mieux s'appliquer au Saint-Père, le mot semble avoir été créé tout exprès pour lui.
Ce que je suis en train de lire dans VSD est un bon exemple du mauvais usage du terme, et du conformisme moutonnier journalistique: "sa visite aura été pour les catholiques français l'occasion d'établir un contact avec un pape ni charismatique, ni froid, mais simplement humain".

Il y a aussi le discours de ceux qui prétendent que la réussite du voyage est dûe à la grande mobilisation de l'Eglise de France. Façon de minimiser son mérite. Que n'aurait-on entendu, en effet, sur son absence de charisme, en cas de fiasco!!!
Mais bien sûr, lui-même n'y est pour rien, dans ce succès! (on nous avait déjà fait le coup en Australie, l'enthousiasme de la foule s'adressait en grande partie au pape et très peu à l'homme), et d'ailleurs, c'est fou ce que l'Eglise de France sait mobiliser les foules, on s'en aperçoit chaque dimanche.

Il a "bluffé" nos intellectuels

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John Allen avait dit qu'en France, les intellectuels sont traités comme des rock stars.
Est-ce si vrai que cela?
Bien sûr, son envergure intellectuelle extraordinaire a "bluffé" (j'utilise ce mot faute d'en trouver un plus adéquat) tout le monde.
Ces demi-intellectuels qu'on nous propose comme maîtres à penser, ne s'attendaient pas à cela. Même le "philosophe" Luc Ferry, celui qui n'a pas compris un seul mot au discours des Bernardins (comme il l'a dit sur LCI) admet, dans le Parisien: "c'est une personnalité hors du commun".

Scepticisme et condescendance

... il n'est pas "dangereux"
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Malgré cela, dans la presse généraliste, ou de gauche, ce qui est presque la même chose, le commentaire dominant est un scepticisme affiché, teinté d'une condescendance amusée ("cause toujours, tu m'intéresses").
Il ne faut peut-être pas trop se fier aux titres du genre "Le pape redécouvert", "L'autre Benoît", etc.. Ces qualificatifs sont purement circonstanciels, et auront vite fait d'être enterrés.
On admet (impossible de faire autrement!) s'être trompé dans le jugement qu'on avait porté sur lui, mais on tolère à peine son discours, surtout s'il s'avérait qu'il ait une influence profonde et durable (c'est la raison pour laquelle on tolérait Jean-Paul II, ayant fini par se convaincre que les mega-rassemblements autour de sa personne n'étaient pas suivis d'effets ... visibles). Ou seulement, de la part de certains, quand il paraît donner des gages à la "laïcité à la française" (dont l'Eglise en France s'est parfaitement contentée, et à laquelle elle tient même beaucoup, ce qui incite probablement ses adversaires à la regarder de haut), comme si on mettait Benoît XVI et Nicolas Sarkozy au même plan; ou d'autres, quand il salue "nos frères aînés dans la foi", courtoisement, comme c'est dans sa nature.

Ceux qui lui ont "savonné la planche"

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Par contre, je suis perplexe quand je lis sous la plume de certains journalistes de la presse catholique qu'ils ont "découvert" la personnalité du saint-Père. C'est tout simplement impensable, puisqu'ils le connaissaient bien avant moi, et une telle attitude de la part de ceux qui s'étaient répandus partout avant son arrivée pour dénoncer - en prétendant le déplorer - son manque de... charisme ne peut pas ne pas cacher quelque intention.
En réalité, ces gens-là ne pardonneront jamais à l'ex préfet de la CDF d'avoir fait ce qu'il a fait pour conserver l'intégrité de la doctrine, puis au Pape de vouloir expliquer et recadrer Vatican II. Ils ne sont tout simplement pas remis de son élection, et ils ont du mal à cacher leur aigreur, même s'ils l'enveloppent momentanément du papier enrubanné des bons sentiments de façade.
Et ils ne sont pas sur la même longueur d'onde! eux parlent de "gouvernement de l'Eglise", et lui, de guider la barque au milieu des courants contraires en restant fidèle à la parole de l'Evangile.
Ils voient politique, et lui, mission. Ils voient jeux d'influence, et lui prières.

L'Eglise a-t'elle perdu la partie?

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Une autre tendance que j'ai relevée dans la presse est la suivante: l'Eglise a perdu la partie, il ne pourra / n'a rien pu faire. Surtout en 4 jours (d'autant plus que ce qui précède montre à quel point on s'était évertué à lui savonner la planche): bien sûr, il ne pourra pas instantanément remplir les Eglises, même pas détourner les gens de leurs mesquines préoccupations pour les ramener vers l'essentiel.
La couverture de Libération du 12 septembre était à cet égard totalement emblématique.
C'est aussi ce que disait le politologue omniprésent Alain Duhamel dans son billet navrant paru la semaine dernière dans Libération (encore!), où il écrivait:
"...avec Benoît XVI, les laïcs ont le privilège d’avoir affaire à un pape providentiel, à un pape idéal pour les non-catholiques.
Nulle part ailleurs, la pratique religieuse catholique n’est tombée aussi bas. Nulle part ailleurs, les mariages religieux, les baptêmes, les confirmations, les catéchumènes ne sont devenus aussi rares.
Pourquoi le camp laïc s’indigne-t-il ?
Il a gagné la partie et il ne le sait même pas...
"

Même son de cloche (si l'on peut dire) chez Luc Ferry, qui constate dans le Parisien: Les Français désertent les églises. Le déclin est (..) irrémédiable .

Cette opinion est assez bien synthétisé dans un billet du site contre-feux.com.
L'auteur y tient ces propos impensables, qui montrent à quelle la fracture idéologique qui divise la France est incomblable:
"... à refuser de se confronter et d'évoluer avec le monde par le biais de questions aussi fondamentales que l'avortement, la contraception ou le mariage homosexuel, Benoît XVI achève de déconnecter l'Eglise d'une réalité qui la dépasse déjà.
Au risque d'entrer dans une sorte d'immobilisme qui, à terme, rendrait son discours totalement inaudible. Un repli identitaire finalement plutôt arrangeant.
Car à se marginaliser toute seule, l'Eglise devient un non-problème, voire un non-adversaire. Un acteur dont la voix, si elle se fait entendre, n'est plus suffisamment influente pour peser, ni encore moins inquiéter ou menacer. Un non-problème, donc".

Pourquoi il ne faut pas désespérer

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Il convient, à ce point, de relativiser, en rappelant que "les medias", ce n'est pas "les gens". De multiples épisodes électoraux récents sont là pour le prouver. Mais il serait absurde de nier leur énorme influence, par le matraquage systématique.

Enfin, et pour conclure sur une note d'optimisme, il ne faut pas désepérer.
Le Saint-Père sait bien qu'un coup de baguette magique ne suffit pas pour retourner une situation si compromise. Il sait que certains, parmi ceux du "troisième cercle" (c'est ainsi qu'il qualifiait "le monde entier" à l'issue de son voyage en Turquie), que l'on vient de passer en revue, ne sont plus accessibles.
Malgré l'appel dramatique qu'il a lancé lors de la messe des Invalides, il sait aussi à quoi s'en tenir sur le nombre de prêtres, et les vocations (voir sur ce sujet le billet frappant de Patrice de Plunkett: Demain une Eglise sans prêtres).

Mais voici la lueur d'espoir:
Chacun de nous est conscient que le monde change. L'Eglise aussi, d'une certaine façon, cette institution bi-millénaire a toujours su s'adapter (contrairement à d'autres), c'est pourquoi elle est toujours vivante.
La religion n'est plus un fait social, ou un signe de ralliement, comme c'était le cas il y a 50 ans encore. Et c'est peut-être mieux ainsi, car de quels chrétiens s'agissait-il (ceux que le cardinal Ratzinger lui-même appelait, je crois, les nouveaux païens)?
Mieux vaut peut-être aussi qu'elle ne devienne pas prétexte à un réflexe identitaire, se prêtant au jeu du communautarisme, ce qui serait contraire au message de l'Evangile.

Les révolutions sont faites par les minorités

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Mais est-il écrit dans le marbre que pour être influents, il faut être nombreux?
Les révolutions sont faites par des minorités actives et passionnées, même si on a par le passé essayé de faire croire au peuple qu'il en était l'acteur principal.

En réalité, l'influence d'un groupe est toujours inversement proportionnelle à son importance numérique, inutile de faire un dessin pour comprendre que c'est encore le cas aujourd'hui, où il ne s'agit plus pour certains de faire la révolution, mais d'imposer une vision du monde.
Alors, la visite du pape pourrait avoir réveillé quelques consciences assoupies. Celles qu'il faut, les meilleures. Avoir insufflé le dynamisme nécessaire pour que "le levain de la pâte" puisse poursuivre son chemin, et, pourquoi pas, changer encore une fois le monde.

22 septembre