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OUVERTURE DU CELAM: SYNTHÈSE DE JOHN ALLEN
 

Discours d'ouverture du Pape pour le congrès du CELAM.
Sérieux travail de synthèse, en attendant la traduction officielle en français du discours de notre Saint-Père.
Article original en anglais ici: Pope raps Capitalism, Marxism as 'blind alleys'' in a world without God

Ma traduction, et mes sous-titres:


 

Le pape s'en prend au capitalisme, et au marxisme qualifiés de 'chemins aveugles ' (impasse) dans un monde sans Dieu
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Le Pape Benoît XVI a clôturé son voyage de cinq jours au Brésil par un discours qu'en un sens, il avait attendu trente ans pour prononcer.
L'idée qui est au coeur de ce discours, c'est que les tentatives pour résoudre les problèmes sociaux et politiques sans le Christ mènent à la ruine - et selon lui, le 20ème siècle en a offert des exemples spectaculaires avec les échecs du marxisme et du capitalisme.

Le Pape sous-entend que prêcher le Christ n'empêche pas de travailler pour la justice - car C'EST travailler pour la justice.




Capitalisme et marxisme dos-à-dos

Dans un discours de 6.000 mots prononcé pour l'ouverture de la cinquième conférence générale des évêques de l'Amérique latine et des Caraïbes, le Pape a dit que les deux rivaux idéologiques principaux du passé récent, le marxisme et le capitalisme, ont manqué à leurs promesses de construire un monde meilleur , parce que tous les deux ont essayé de le faire sans référence à Dieu.

« Le capitalisme et le marxisme ont promis d'indiquer le chemin pour créer des structures justes, et ils ont déclaré qu'une fois établies, celles-ci fonctionneraient de façon autonome; ils ont assuré que, non seulement ils n'auraient besoin d'aucune règle morale individuelle antérieure, mais qu'ils favoriseraient une morale commune » a dit le pape. « Et cette promesse idéologique s'est révélée fausse. Les faits l'ont clairement démontré. »




Une longue réflexion théologique

Le message du pape au Brésil a mûri sur une longue période de réflexion théologique.

C'est il y a presque 30 ans, en 1968, que les évêques d'Amérique latine ont proclamé leur célèbre « option préférentielle pour les pauvres, » et aucun nation n'a embrassé ce credo avec plus d'enthousiasme que le Brésil. Comme préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi, et maintenant comme pape, Joseph Ratzinger a ferraillé avec les arguments de la théologie de libération, pour laquelle le Brésil a toujours été un laboratoire.




Théologie de la Libération:option pour les pauvres

La théologie de libération a pour la première fois introduit la notion de « péché structurel » autrement dit, le péché enraciné dans les structures sociales, économiques et politiques qui perpétuent les situations d'injustice. Benoît était d'accord avec le diagnostic, dire que « les structures justes sont une condition sans laquelle un ordre juste dans la société n'est pas possible. »

Dans son adresse au CELAM, Benoît a même approuvé « l'option préférentielle pour les pauvres, » disant qu'elle est implicite dans la « foi Christologique en Dieu qui est devenu pauvre pour nous. » La question-clé, selon Benoît n'est pas de savoir si les structures justes sont souhaitables, mais plutôt d'où elles viennent. Sa réponse était qu'elles peuvent venir que des valeurs spirituelles et morales fournies par la foi religieuse.




Le marxisme: ruines économiques et humaines

Benoît a dit que les échecs du marxisme et du capitalisme illustrent ce point.

« Le système marxiste, là où il a réussi à pénétrer le gouvernement, a laissé non seulement un triste héritage de destruction économique et écologique, mais également une destruction douloureuse de l'esprit humain.

Et nous pouvons voir également la même chose se produire en Occident, où le fossé entre les riches et les pauvres se creuse de plus en plus, et provoque une dégradation inquiétante de la dignité de la personne par les drogues, l'alcool et les illusions trompeuses du bonheur. »


Là oł Dieu est absent...

Dans cette optique, dit Benoît, la plus grande contribution que l'église catholique puisse apporter est proclamer le Christ passionément et de façon crédible. Selon lui, les gens qui ordonnent leur vie au Christ, suivent naturellement les valeurs de la paix et de la justice.

« Là où Dieu est absent - Dieu avec le visage humain de Jésus le Christ - ces valeurs ne parviennent pas à se montrer avec toute leur force, et il ne peut y avoir de consensus à leur sujet » dit le pape.
Benoît a précisé qu'il ne voulait pas dire que les non-Chrétiens sont incapables de contribuer à une société juste. Cependant, selon lui, la tentation de l'égoïsme, du gain personnel, et de l'indifférence à la douleur d'autrui est tout simplement trop forte pour une société divisée sur ses principes fondamentaux.

« Je ne veux pas dire que les non-croyants ne peuvent pas vivre une moralité élevée et exemplaire, » dit-il. « Je dis seulement qu'une société dans laquelle Dieu est absent ne trouvera pas le consensus nécessaire sur les valeurs morales, ou la force pour vivre selon le modèle de ces valeurs, y compris lorsqu'elles sont en conflit avec des intérêts privés. »

Apporter la foi et les valeurs, et non pas des solutions politiques directes, est donc, selon Benoît, la contribution de l'église.




L'Eglise hors du champ politique

« Si l'Eglise en venait à se transformer en un sujet directement politique, elle ferait moins, et non pas davantage, pour les pauvres et pour la justice » dit le pape « parce qu'elle perdrait son indépendance et son autorité morale, s'identifiant avec une simple option politique ayant des positions partisanes discutables. L'Eglise est l'avocat de la justice et des pauvres, précisément parce qu'elle ne s'identifie pas avec des politiciens ou avec des intérêts partisans. C'est seulement en restant indépendante qu'elle peut enseigner les grands critères et les valeurs inaliénables, guider les consciences et proposer un choix de vie qui dépasse la sphère politique. »


Utopie du retour vers le passé

Examinant les défis que doit affronter le catholicisme latino-américain, Benoît a reconnu qu'à la fois « le développement harmonieux de la société » et « l'identité catholique de ces peuples » étaient en péril. Le premier point cité se réfère aux problèmes actuels de la pauvreté et de la violence en Amérique latine, tandis que le second fait allusion, aux dramatiques pertes de l'église catholique au profit des mouvements Pentecôtiste et évangélique, aussi bien qu'au nombre de plus en plus important des personnes disant qu'elles n'ont aucune foi religieuse.

Benoît a commencé en disant que, sous le poids des désillusion de la modernité, quelques Latino-américains ont la nostalgie d'un retour à une culture pré-Occidentale, y compris les religions pré-Chrétiennes. Mais le christianisme, argumente le Pape, ne s'est pas « imposé » aux cultures indigènes, c'était plutôt une manière de « les purifier » en conservant les meilleurs éléments de ces cultures - éléments qui survivent, suggère-t'il, dans la dévotion populaire pour laquelle le catholicisme latino-américain est bien connu.

« L'utopie consistant à retourner aux sources des religions pré-Columbiennes, les séparant du Christ et de l'Eglise universelle, ne serait pas un pas en avant, »
dit Benoît. « En réalité, ce serait une régression vers une étape de l'histoire enracinée dans le passé. »




Globalisation, et idéologies fossiles

Cependant, l'offre moderne de globalisation ne propose pas de réponse satisfaisante aux besoins de la société, dit Benoît, citant « le risque de vastes monopoles et de réalisation de bénéfice comme valeur suprême. » Le pape a dit que « l'économie libérale de quelques pays latino-américains doit tenir compte du besion d'équité, en raison des secteurs toujours croissants de la société qui se trouvent opprimés par l'immense pauvreté ou même dépouillés de leurs propres ressources naturelles. »

En même temps, a-t'il suggéré, faisant là allusion « aux formes autoritaires de gouvernement et aux régimes liés à certaines idéologies que nous pensions dépassées », les mouvements de la gauche populistes aujourd'hui associés aux nations latino-américaines telles que le Venezuela et la Bolivie ne sont pas la réponse adéquate.




Marginaliser Dieu: une voie sans issue

Le pape a dressé une liste de ce qu'il considère comme d'autres voies sans issue, parmi lesquelles « le sécularisme, l'hédonisme, l'indifferentisme, et le prosélytisme par de nombreux sectes, les religions animistes et les nouveaux phénomènes pseudo-religieux. »

Benoît a admis que relever les défis sociaux pressants de justice en l'Amérique latine en mettant en avant le Christ, les sacrements, et la vie spirituelle peut évoquer la politique de l'autruche.

« Cette priorité ne serait-elle pas une fuite vers la sensiblerie, vers l'individualisme religieux, un abandon de la réalité pressante des grands problèmes économiques, sociaux et politiques de l'Amérique latine et du monde, une fuite de la réalité vers un monde spirituel ? » a-t'il dit, dans une interrogation réthorique. Précisément, ces accusations ont été parfois le fait des théologiens de libération contre les formes traditionnelles de piété catholique.

En fait, argumente Benoît, la question présuppose une vision de la réalité qui marginalise Dieu.

« Ce fut précisément la grande erreur des tendances dominantes du siècle dernier, l'erreur la plus destructrice, comme nous pouvons le voir des résultats des systèmes marxiste et capitaliste ». « Ils falsifient la notion de réalité en la détachant de la réalité fondamentale et décisive, qui est Dieu.» Et il avertit: faire ainsi est une « recette pour la destruction. »

« D'où l'importance unique et irremplaçable du Christ pour nous, pour l'humanité; si nous ne connaissons pas Dieu dans et avec le Christ, toute la réalité est transformée en énigme indéchiffrable. »



Suggestion de remèdes

Pour favoriser la remise du Christ au centre de tout, Benoît a recommandé un accent renouvelé mis sur la Bible, une meilleure formation à la catéchèse et à la foi, l'utilisation plus grande des médias, une dévotion plus profonde à l'eucharistie et une participation plus importante à la messe du dimanche. Il a également invité les catholiques 'laïcs' à être plus présents dans la vie publique, dans les médias et les universités, déplorant ce qu'il a appelé « une absence notable » des catholiques dans ces secteurs.


une "feuille de route" en cinq thèmes-clés

Le pape a choisi cinq thèmes: la famille, les prêtres, les hommes et femmes religieux, les laïcs, et les jeunes. Sur la famille, le pape a mis en garde contre le « sécularisme et le relativisme moral, » qui conduisent « à une législation civile opposée au mariage, qui, en soutenant la contraception et l'avortement, menace l'avenir des peuples. » Benoît a invité les gouvernements à adopter des politiques efficaces en faveur de la famille.

Le Pape a dit aux laïcs qu'ils doivent se considérer comme « responsables conjointement » avec leurs pasteurs, pour « construire une société conforme aux critères de l'Evangile. » Il a conseillé aux jeunes de se garder « des illusions faciles du bonheur instantané et des paradis trompeurs offerts par les drogues, le plaisir, et l'alcool » et de « s'opposerà chaque forme de violence. »

Benoît a également critiqué les courants dans la culture latino-américaine qui ne reconnaissent pas « la dignité et la responsabilité égales des hommes et des femmes. »


 

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La cinquième conférence générale des évêques de l'Amérique latine et des Caraïbes a lieu au sanctuaire de Notre-Dame d'Aparecida, le plus grand sanctuaire marial de l'hémisphère sud. Par une coïncidence, la session d'ouverture a également coïncidé avec le quatre-vingt-dixième anniversaire des apparitions de Marie à Fatima, au Portugal.


 

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Pour aller plus loin: Benoît XVI et le capitalisme


Les enjeux du voyage au Brésil | Polémique sur "l'excommunication"...