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LE MARIAGE, LES ENFANTS, LA FAMILLE
 

Ces lignes simples et belles, écrites par quelqu'un qui est très proche des préoccupations quotidiennes des gens, sont extraites du discours traditionnel prononcé le 22 décembre devant la Curie Romaine.
Benoît XVI évoque sa rencontre avec les familles lors de son voyage à Valence, pour la clôture du Congrès Mondial des Familles, en juillet dernier.
Il nous renvoie à la veillée du samedi 8 juillet à la cité des sciences de Valence, qui reste dans mon souvenir comme un grand moment de fête (en particulier, l'instant où l'acteur italien Lino Banfi l'a appelé "nonno del mondo", photos ci-contre).

Voir ici: http://beatriceweb.eu/Valence/

Idée très forte, en tous cas pour moi: dans notre société de jouissance, chacun peut constater l'adulation apparente dont les enfants sont l'objet. Ils sont comblés de biens matériels, que la génération précédente n'aurait même pas pu imaginer. Mais la seule chose dont les enfants ont vraiment besoin, et que les parents ne veulent absolument leur accorder, c'est le temps. Ils savent évidemment que c'est la chose la plus précieuse. L'égoïsme de notre époque, qui adore glorifier le bénévolat, la charité ostentatoire, c'est d'être parcimonieux de son temps.



 

L'Europe "prend congé de l'histoire"

"Le voyage en Espagne — à Valence — s'est entièrement déroulé à l'enseigne du thème du mariage et de la famille.

Il a été beau d'écouter, devant l'assemblée de personnes de tous les continents, le témoignage d'époux qui — bénis par de nombreux enfants — se sont présentés devant nous et ont parlé de leurs chemins respectifs dans le sacrement du mariage et au sein de leurs familles nombreuses. Ils n'ont pas caché le fait d'avoir également vécu des jours difficiles, d'avoir dû traverser des périodes de crise.
Mais c'est précisément dans la difficulté de devoir se supporter réciproquement jour après jour, précisément en s'acceptant toujours à nouveau dans le creuset des difficultés quotidiennes, en vivant et en souffrant jusqu'au bout le oui initial — justement sur ce chemin où l'on « se perd soi-même » de manière évangélique, qu'ils avaient mûri, qu'ils s'étaient eux-mêmes trouvés et qu'ils étaient devenus heureux.
Le oui qu'ils s'étaient donnés réciproquement, dans la patience du chemin et dans la force du sacrement avec lequel le Christ les avait liés ensemble, était devenu un grand oui face à eux-mêmes, aux enfants, au Dieu Créateur et au Rédempteur Jésus Christ.
Ainsi, du témoignage de ces familles, nous arrivait une vague de joie, non pas une allégresse superficielle et pauvre qui se dissipe rapidement, mais une joie mûrie également dans la souffrance, une joie qui va au plus profond et qui rachète vraiment l'homme.
Devant ces familles et leurs enfants, devant ces familles dans lesquelles les générations se serrent la main et où l'avenir est présent, le problème de l'Europe, qui en apparence ne désire plus avoir d'enfants, est entré profondément en mon âme. Pour un étranger, cette Europe semble lasse, elle semble même vouloir prendre congé de l'histoire.
Pourquoi les choses sont-elles ainsi ?
Telle est la grande question.
Les réponses sont sûrement très complexes. Avant de chercher ces réponses notre devoir est d'adresser un remerciement aux nombreux époux qui aujourd'hui aussi, en Europe, disent oui à l'enfant et acceptent les difficultés que cela comporte : les problèmes sociaux et financiers, ainsi que les préoccupations et les fatigues jour après jour ; le dévouement nécessaire pour ouvrir aux enfants le chemin vers l'avenir.
En mentionnant ces difficultés, apparaissent peut-être également de manière claire les raisons pour lesquelles le risque d'avoir des enfants apparaît trop grand pour un grand nombre de personnes. L'enfant a besoin d'une attention pleine d’amour. Cela signifie : nous devons lui donner un peu de notre temps, du temps de notre vie. Mais cette « matière première » essentielle de la vie — le temps — semble précisément manquer toujours davantage. Le temps que nous avons à disposition suffit à peine pour notre propre vie ; comment pourrions-nous le céder, le donner à quelqu'un d'autre ? Avoir du temps et donner du temps — cela représente pour nous une manière très concrète d’apprendre à se donner soi-même, à se perdre pour se trouver. A ce problème s'ajoute le calcul difficile : de quelles normes sommes-nous débiteurs à l’égard de l’enfant pour qu'il suive le juste chemin et, en faisant cela, comment devons-nous, en faisant cela, respecter sa liberté ? Le problème est devenu particulièrement difficile également parce que nous ne sommes plus sûrs des normes à transmettre ; parce que nous ne savons plus quel est le juste usage de la liberté, quelle est la juste façon de vivre, ce qui constitue moralement un devoir et ce qui est en revanche inadmissible. L'esprit moderne a perdu l'orientation, et ce manque d'orientation nous empêche d'être pour les autres des indicateurs du juste chemin.
La problématique va même encore plus loin. L'homme d'aujourd’hui est incertain à propos de l'avenir. Est-il admissible d'envoyer quelqu'un dans cet avenir incertain ? En définitive, est-ce une bonne chose d'être un homme ? Cette profonde insécurité sur l'homme lui-même — à côté de la volonté de posséder toute la vie pour soi — est peut être la raison la plus profonde pour laquelle le risque d'avoir un enfant apparaît à de nombreuses personnes comme un risque qui n'est pratiquement plus envisageable. De fait, nous ne pouvons transmettre la vie de manière responsable que si nous sommes en mesure de transmettre quelque chose de plus que la simple vie biologique, c'est-à-dire un sens qui tienne également dans les crises de l'histoire à venir et une certitude dans l'espérance qui soit plus forte que les nuages qui assombrissent l'avenir. Si nous ne réapprenons pas les fondements de la vie — si nous ne découvrons pas de manière nouvelle la certitude de la foi – nous aurons également toujours plus de mal à confier aux autres le don de la vie et la tâche d'un avenir inconnu.
Le problème des décisions définitives est, enfin, lié à cela : l'homme peut-il se lier pour toujours ? Peut-il dire un oui pour toute la vie ? Oui, il le peut. Il a été créé pour cela. C'est précisément ainsi que se réalise la liberté de l'homme et ainsi que se crée aussi le domaine sacré du mariage qui s'élargit en devenant une famille et qui construit l'avenir. "
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Discours du Pape à la Curie, 22 décembre 2006, traduction Zenit.



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