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BILAN DU VOYAGE EN TURQUIE

Dans la grande presse française

Les analyses du MONDE et du FIGARO se ressemblent décidément beaucoup. Beaucoup trop pour être convaincants, en tous cas.
Le ton est donné, au moins en ce qui concerne la presse française. Les autres n'ont plus qu'à recopier, en changeant les virgules de place...


Le MONDE

Benoît XVI a prié à la Mosquée bleue d'Istanbul
LE MONDE | 01.12.06 | 14h43


Et le pape se mit à prier... Image inouïe d'un pape priant dans une mosquée devant un mihrab indiquant la direction de l'Orient. Cela se passait, jeudi soir 30 novembre, sous les voûtes de la Mosquée bleue d'Istanbul.

Sans doute était-ce une prière intérieure, sans rite, ni ostentation. Mais une prière quand même, à côté du grand mufti d'Istanbul, Mustapha Cagrici. Prière de deux hommes probablement convaincus de faire ainsi avancer la "fraternité de l'humanité" - comme l'a dit Benoît XVI en posant sa main sur un livre de prières musulmanes - mais qui, par leur geste, risquent de susciter un malentendu dans leurs communautés.

Seul avant lui, Jean Paul II était entré dans une mosquée, celle des Ommeyades à Damas en mai 2001, où il s'était recueilli devant une relique chrétienne. C'est à la veille de son départ en Turquie que Benoît XVI avait rajouté à son programme cette visite à la Mosquée bleue, en signe d'amitié, sinon de réparation, envers les fidèles musulmans choqués par son discours de Ratisbonne du 12 septembre. Ce pape allemand ne fait jamais rien au hasard et cette visite ne pouvait pas rester que touristique.

Benoît XVI s'est donc déchaussé, avant d'entrer et de s'extasier devant les proportions de cet édifice, capable d'accueillir jusqu'à 8 000 fidèles. Devant le mihrab, le grand mufti s'est arrêté. Concentré, le pape a suivi ses explications : "Nous nous arrêtons toujours ici quelques secondes pour retrouver la sérénité." C'est à ce moment que les deux hommes, habillés de blanc, se sont recueillis en silence. Les yeux fermés, les mains jointes près de sa croix pectorale, le pape a prié, avant de s'incliner, puis de repartir.

L'échange des cadeaux devait ajouter à cette irréelle atmosphère de paix. Le mufti a remis à Benoît XVI une mosaïque verte représentant une calligraphie du nom d'Allah incrustée dans une colombe. Le pape a offert un tableau avec, pour motif, quatre colombes. Et avant de les quitter, il aurait glissé à ses hôtes : "Merci pour ce grand moment de prière." Federico Lombardi, porte-parole, a démenti mollement. Ce pape si hostile à tout syncrétisme religieux a prié dans un lieu saint musulman.

Ce grand théologien catholique n'a pas été préparé au surgissement des questions posées aujourd'hui par l'islam, d'où des attitudes qui ont toutes les apparences de l'incohérence. Comment expliquer la trajectoire de Benoît XVI entraîné, il y a deux mois, dans une polémique sans précédent avec le monde musulman et capable d'un geste aussi inattendu, qui restera comme le plus symbolique d'une visite en Turquie annoncée comme éprouvante et qui s'est achevée dans le consensus ?

Une réponse vient à l'esprit : ce pape ne correspond pas à sa caricature d'homme froid et dogmatique. Sous les voûtes de la mosquée, guère différentes de celles d'une cathédrale, a-t-il cédé à l'esprit de recueillement du lieu ? Probablement. Mais qui cela choquera-t-il ? Des musulmans rigoristes à coup sûr, qui suspectent d'intention prosélyte le croyant chrétien qui entre dans une mosquée. Mais l'islam n'est pas monolithique et il se trouvera aussi bien des fidèles pour interpréter l'attitude de Benoît XVI comme une forme de convivialité religieuse.

Si le pape avait prié, jeudi soir, lors de sa visite à l'intérieur du musée de Sainte-Sophie - cette ancienne basilique byzantine devenue mosquée sous l'Empire ottoman, puis musée sous Atatürk -, la réaction eût été différente. En 1967, Paul VI s'y était agenouillé en prière de réparation pour le schisme de 1054 qui, dans ce lieu, avait éclaté entre l'Orient et l'Occident. Il avait soulevé la polémique. Le souvenir des croisades aidant, les musulmans redoutent toujours plus la reconquête d'un ancien lieu chrétien que l'attitude paisible d'un croyant chrétien venant se recueillir ou prier dans une mosquée.

Henri Tincq



 

Petit commentaire personnel: sous des apparences débonnaires, l'article est une enfilade de méchancetés. Je me suis contentée de souligner les passages particulièrement tendancieux par le vocabulaire employé ("image inouïe", "démenti mollement", "apparence d'incohérence", emploi du conditionnel "il aurait dit"....) .
En tous cas, une chose est certaine, l'auteur est parfaitement conscient des dégâts que certains gestes, non pas pour eux-mêmes, mais par leur interprétation que lui-même, Henri Tincq, va contribuer à accréditer en France, risquent de causer dans leurs communautés ( ..."mais qui, par leur geste, risquent de susciter un malentendu dans leurs communautés"). Autant dire qu'il s'en délecte.
Quant à prétendre que le Pape n'a pas été préparé au surgissement des questions posées aujourd'hui par l'islam, d'où des attitudes qui ont toutes les apparences de l'incohérence, c'est d'un toupet phénoménal.
D'ailleurs, qui, à la veille du 11 septembre, avait PREVU le 11 septembre? Qui, dans le mililieu des années 80, avait prédit la chute du communisme? Comme le disait Pierre Dac (je cite de mémoire, donc approximativement) "la prédiction est un art difficile, surtout quand elle concerne l'avenir".
Il n'y a aucune incohérence, dans la démarche du Pape, sinon dans les esprits tordus qui la créent de toutes pièces pour former l'opinion selon leur idéologie. Lui a toujours vu la Turquie comme un pont entre deux continents et deux cultures, il vient encore de le répéter, et comme il a toujours professé le plus profond respect pour les autres religions, et ce qui est sacré pour autrui, ses propos sur l'impossibilité pour la Turquie d'intégrer l'UE (il n'a pas varié!) ne peuvent blesser personne. Enoncer un simple fait n'a rien de blessant, prétendre le contraire ressemble à du chantage.
Ses idées sur la question sont encore aujourd'hui parfaitement accessibles sur Internet, et même en français, donc Henri Tincq peut lui aussi les connaître.
Voir ici un excellent article datant de 2004 sur le site Liberté-Politique.com , dont je me permets de citer le passage essentiel plus bas.


Le Figaro

Après la réaction d'Henri Tincq dans le Monde, voici l'analyse d'Hervé Yannou, du Figaro. C'est presque du copié-collé.
- La même tonalité.
L'art d'interpréter et de déformer. Le Saint-Père aurait "prié avec les musulmans", devant le mihrab indiquant la direction de La Mecque, en contradiction flagrante avec le Cardinal Ratzinger, qui avait dit " C'est une chose de prier ensemble, c'en est une autre d'être ensemble pour prier". Sans oublier le tournant que Benoît XVI semble avoir pris sur la candidature turque à l'Union européenne.

On notera que, sur ces deux points, la paroles des turcs et des musulmans est reçue comme LA vérité révélée, sans aucun esprit critique. De là à insinuer que le Pape aurait invoqué Allah, et supplié la Turquie d'intégrer l'UE, il n'y a qu'un pas...

- Et le même aveu, de plus en plus troublant, aussi, concernant les réserves que ces attitudes suscitent auprès de la frange traditionalistes: dans les milieux traditionalistes de l'Église catholique, la prière du Pape est mal comprise....
Il est d'ailleurs nettement plus explicite que dans l'article de Tincq, sans doute plus doué pour manier la langue de bois.
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L'article du Figaro est complétée par une petite video, reproduisant l'épisode de la mosquée bleue. Si l'on y voit effectivement très bien le Saint-Père se recueillir, fermer les yeux, et se concentrer intensément, en ce qui est forcément un dialogue intérieur avec Dieu, auquel nul autre que lui n'a pu avoir accès, on peut rester dubitatif devant les propos de l'iman, dont l'attitude était loin de traduire le même recueillement:
Quand je me suis uni par la prière avec le Pape, j'ai senti une grande intensité. Je ne sais pas ce qu'il a récité, mais j'ai remercié Allah.


 

Benoît XVI a tendu la main à l'islam et aux orthodoxes
De notre envoyé spécial à Istanbul HERVÉ YANNOU.
Publié le 02 décembre 2006


Pendant son séjour de quatre jours, le pape allemand a rompu avec les positions du cardinal Ratzinger.

LE VOYAGE de quatre jours achevé hier par le pape Benoît XVI en Turquie fut celui de la main tendue : à l'islam, au monde orthodoxe, au peuple turc. Pendant un séjour que les experts avaient annoncé comme très difficile, le chef de l'Église catholique a multiplié les gestes à haute valeur symbolique et historique.
Sur le dialogue avec l'islam et la question européenne, il a même créé la surprise. Sa prière dans la mosquée Bleue d'Istanbul, jeudi, fut une avancée importante dans le dialogue avec les musulmans. En donnant aux médias, tout comme le faisait Jean-Paul II, des images fortes, il a voulu effacer l'image négative qu'avaient de lui nombre de musulmans.

Hier, célébrant la messe finale à Istanbul dans la cathédrale catholique de l'Esprit-Saint, Benoît XVI a encore une fois appelé les chrétiens à « un humble chemin de compagnonnage » avec les musulmans. Deux mois et demi après la controverse suscitée par son discours de Ratisbonne, la « prière intime » de Benoît XVI dans la mosquée Bleue, aux côtés d'un religieux musulman, devant le mihrab indiquant la direction de La Mecque, a suscité un flot de commentaires.

Pour le cardinal Roger Etchegaray, qui accompagnait le Pape, ce geste égale celui de Jean-Paul II priant devant le mur des Lamentations, à Jérusalem, en 2000. Le pape polonais avait déposé un message entre les interstices du mur, le site le plus sacré du judaïsme, puis donné sa bénédiction. Benoît XVI « a fait avec les musulmans, ce que Jean-Paul II avait fait pour les juifs », estime le cardinal français. Il l'a même dépassé. Il y a cinq ans, Karol Wojtyla avait bien visité la mosquée des Omeyyades, à Damas, mais il n'avait pas prié avec les musulmans. Le grand mufti d'Istanbul, Mustapha Cajrici, s'est dit touché par le geste de Benoît XVI. « Quand je me suis uni par la prière avec le Pape, j'ai senti une grande intensité. Je ne sais pas ce qu'il a récité, mais j'ai remercié Allah. Maintenant le malheureux incident de Ratisbonne est vraiment fini », a-t-il dit.

L'attitude du pape allemand tranche avec celle qu'il observait lorsqu'il était encore le cardinal Ratzinger. Loin de partager toutes les options de Jean-Paul II en matière de dialogue interreligieux, il avait un jour déclaré : « C'est une chose de prier ensemble, c'en est une autre d'être ensemble pour prier. » Encore après son élection, il a mis en garde à plusieurs reprises contre les risques de syncrétisme.

« Posture de la tranquillité»

Depuis la controverse de Ratisbonne, il a beaucoup consulté. Et aux yeux des experts, il n'a rien laissé au hasard. « Il savait ce qu'il faisait, estime le professeur Saim Yeprem de la faculté de théologie de l'université de Marmara. Le Pape est avant tout un intellectuel et il connaît le rituel des musulmans. » Pour les médias turcs, aucun doute : Benoît XVI a prié comme un musulman. « Il a observé la posture de la tranquillité » (une des attitudes de la prière musulmane), a observé l'agence Anatolie. Son geste historique a pris de court les islamistes turcs.

D'un autre côté, dans les milieux traditionalistes de l'Église catholique, la prière du Pape est mal comprise.

À côté de son geste spectaculaire en direction de l'islam, le tournant que Benoît XVI semble avoir pris sur la candidature turque à l'Union européenne a également suscité un flot de réactions. Et si ces deux événements ont éclipsé la rencontre avec les orthodoxes, ils ont répondu à leurs attentes. Les minorités chrétiennes en terre d'Islam souhaitaient en effet cette visite à la mosquée. Elles estiment aussi que l'Europe serait la meilleure garante du respect de la liberté religieuse en Turquie. Une question que Benoît XVI n'a pas cessé de soulever durant son voyage.


Le Cardinal Ratzinger sur la Turquie

"L'intégration de la Turquie dans l'Union européenne serait une grande erreur", a déclaré le préfet de la Congrégation au quotidien suisse Giornale del Popolo le 20 septembre dernier. ...
"La Turquie doit être respectée dans ses valeurs identitaires", car elle a "une autre mission à accomplir". Cette mission, c'est celle de "pont culturel", entre l'Europe et le monde arabe. Précisément, "la Turquie devrait former un continent culturel" avec les pays arabes, même si "le moment n'est pas propice, à cause des tensions existantes".

Toujours modeste, le cardinal a déclarer se prononcer sur cette question en tant que"petit historien qui a toujours conservé amour et attention pour cette discipline". Pour l'historien Ratzinger, l'Europe est un concept non pas d'abord "géographique" mais "culturel", qui s'est forgé au cours d'un processus historique parfois conflictuel, et fondé sur la foi chrétienne.
... Le cardinal fait observer que l'empire ottoman a toujours été en opposition avec l'Europe. Même si, dans les années vingt, Kemal Attaturk a construit une Turquie laïque, elle demeure le noyau de l'ancien empire et a un fondement islamique. Elle est ainsi très différente de l'Europe, qui est elle-même un ensemble de nations laïques, mais avec un fondement chrétien, même si elles semblent aujourd'hui le nier.
(27 septembre 2004)


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