C'est le deuxième article de John Allen, en relation avec la visite du Saint-Père à Aparecida, au Brésil, à l'occasion de l'ouverture de la CELAM, après celui-ci: Les enjeux du voyage au Brésil

Il développe les arguments du premier article, où il donnait la parole au Cardinal Mc Carrick, spécialiste de l'Eglise Latino-Américaine, et reprend en gros ceux de Sandro Magister sur le même sujet ( Le voyage du Saint-Père au Brésil ): état du catholicisme, problèmes du clergé, notamment pénurie des prêtres et engagement des laïcs, concurrence des mouvements pentecôtistes, séquelles de la "Théologie de la libération", défis liés à la nouvelle donne politique du continent sud-américain et à la laïcisation.

J'en ai traduit les passages que je trouve les plus nouveaux, et les plus significatifs:
Version originale en anglais ici: A look ahead to benedict in Brazil

Coup d'oeil prospectif sur le voyage de Benoît au Brésil.
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Pour un Pape souvent affublé du qualificatif 'eurocentrique', le voyage au Brésil offre à Benoît XVI une opportunité vitale de convaincre les populations de l'hémisphère sud, qui compte les deux tiers des 1,1 milliards de catholiques dans le monde d'aujourd'hui, qu'eux aussi sont au centre de sa sollicitude pastorale.
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Bien que les organisateurs de la CELAM ne l'exprimeraient pas tout à fait de cette façon, les sujets qui seront probablement l'objet des plus grandes préoccupations, à Aparecida, peuvent se résumer en 4 'P': Pauvreté, Pentecôte, Prêtres, Politique.

Pauvreté:
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Selon le rapport de l'ONU sur le développement des Nations, l'Amérique du Sud est le continent où le fossé entre riches et pauvres est le plus grand, et c'est au Brésil que ce fossé est à son comble. Tour à tour, ces disparités engendrent crime, corruption, alcool, dépendance aux drogues, violence. La ville de Recife, au Nord-Est du Brésil a un taux de criminalité double de celui des villes les plus violentes des Etats-Unis, avec environ 80 homicides par an pour 100.000 habitants....
L'Eglise Catholique a toujours été en première ligne pour promouvoir la justice sociale. Durant les 12 dernières années, par exemple, les évêques brésiliens ont soutenu une marche annuelle appelée "Le Cri des Exclus", organisée dans les plus grandes villes afin d'attirer l'attention sur la condition critique des pauvres.
Des prêtres, des religieuses, sont morts, pour défendre les pauvres...
Beaucoup de catholiques latino-américains attendent de Benoît XVI un encouragement à poursuivre ces efforts. C'est un point à éclaircir pour lui, d'autant plus que le cardinal Ratzinger avait pris des mesures énergiques contre le mouvement de Théologie de la Libération. Bien que Ratzinger ait insisté sur le fait que cela concernait uniquement une doctrine théologique erronée, et pas le souci de l'Eglise pour les pauvres, cette expérience n'en avait pas moins fait de lui une figure ambigüe dans certains cercles latino-américains.
Le voyage au Brésil offre donc à Benoît une occasion cruciale pour faire la preuve de ses préoccupations sociales.
Il y a certainement là une piste à explorer.
Par exemple, le 23 avril dernier, Benoît a écrit à la chancelière Angela Merckel, actuelle présidente du G8, lui demandant "l'annulation rapide, totale et inconditionnelle" de la dette extérieure des pays pauvres, présentant cela comme "une grave responsabilité morale, fondée sur l'unité de la race humaine, la dignité commune et le destin partagé des riches et des pauvres".
Dans un récent message adressée à l'Académie Pontificale pour les Sciences Sociales, Benoît souligna trois défis majeurs: 1° l'environnement et le développement 'durable'; 2° le respect pour la dignité et les droits des personnes; 3° Le danger de la perte des valeurs spirituelles dans un monde technique.
S'il parvient à insérer ces thèmes dans ses propos au Brésil, les observateurs pensent qu'il aura accompli un grand pas vers les coeurs et les esprits.

Pentecôte:
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Une des réponses au défi pentecôtiste a été la croissance des mouvements catholiques 'charismatiques', une forme de spiritualité spontanée et enthousiaste, concentrée sur les dons de l'Esprit-Saint.
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En gros, les "charismatiques" représentent environ la moitié des populations catholiques d'Amérique latine.
Certains spécialistes pensent que la croissance des mouvements charismatiques aide à endiguer le flot Pentecôtiste, parce qu'ils proposent ce qui attire les latino-américains dans le Pentecôtisme, à l'intérieur de l'Eglise catholique. D'autres, au contraire, déplorent qu'ils miment trop les Pentecôtistes, notamment dans leur façon de mettre l'accent sur une satisfaction émotionnelle immédiate....

Dans cette perspective, deux défis attendent Benoît.
D'une part, ce Pape notoirement 'cérébral' , plus réputé pour répandre de la lumière que de la chaleur, peut-il porter suffisamment son coeur en bandouillère ('wear enoug his heart on his sleeve') pour gagner un auditoire imprégné de culture charismatique? Secundo, Benoît peut-il conforter la foi enthousiaste et profonde des charismatiques, tout en s'assurant qu'ils demeurent attachés aux préoccupations pastorales de l'Eglise?
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Politique:
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Dans une grande parie de l'Amérique Latine, des gouvernements de gauche ont pris le pouvoir. Evidemment, cette gauche n'est guère homogène. Hugo Chavez, au Venezuela, Eva Morales, en Bolivie, Rafael Correa en Equateur, représentent à différents degrés la gauche populiste classique, tandis que Lula da Silva, au Brésil, et Michelle Bachelet, au Chili, sont plus proches des sociales-démocraties européennes. Souvent, ces gouvernements sont arrivés au pouvoir avec le soutien de l'Eglise Catholique, que motivait leur souci de justice sociale (comme ce fut le cas au Brésil, par exemple). En fait, le prochain candidat de la gauche aux élections présidentielles du paraguay, pourrait bien être un ex-évêque catholique, Fernando Lugo...
Pourtant, l'accession au pouvoir de ces gouvernements de gauche a aussi semé le trouble dans l'Eglise Catholique. Les évêques boliviens, par exemple, ont à maintes reprises critiqué ce qu'ils considéraient comme des mesures négatives, prises par Chavez. Dans une interview télévisée, en juillet dernier, le bolivien Morales a dit que les évêques "avaient nui au pays dans le passé", en fonctionnant comme un "instrument de l'oligarchie".
Même quand les relations Eglise/Etat restent courtoises, au plan formel, la vague de gauche pose des défis à l'Eglise, face à ce que les leaders religieux voient comme l'identité catholique de l'Amérique latine, notamment sur les questions de la sexualité et de la famille. Les gouvernements du Mexique, de la Colombie, du Chili, du Salvador, ont déjà adopté des législations assouplissant les restrictions à l'avortement, et une loi semblable se prépare au Brésil. En mars, la ville de Mexico a légalisé les unions entre personnes du même sexe, imitant en cela Buenos Aires, Rio de Janeiro et Sao Polo.

Des spécialistes voient dans ces tendance les premières séductions du sécularisme occidental en Amérique latine.

Eu égard à ces circonstances, Benoît voudra sans doute porter son effort contre "la dictature du relativisme" en Amérique latine. La question est de savoir comment rallier ses troupes, sans alimenter par inadvertance une polémique que le pape dit regretter en Occident -- une église qui réussit mieux à expliquer le "contre" que le "pour", mieux à dire "non" plutôt que "oui". Le ton que Benoît emploiera en abordant ces questions pourrait donner forme à l'approche qu'adopteront les évêques latino-américains.

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Notons que John Allen fera partie de la suite qui accompagnera le Saint-Père en avion au Brésil, et promet de poster des compte-rendus quotidiens ici : Daily News and Updates
Ses commentaires risquent d'être d'un plus grand intérêt que ceux que la presse française nous distillera avec parcimonie. J'essaierai de traduire ce que je pourrai... toute contribution d'angliciste est bienvenue...