Mauvais début

'Le Monde' prend ses désirs pour des réalités

Le Saint-Père est trop subtil pour ne pas savoir manier l'ellipse, même si ses propos sont le plus souvent très explicites.
C'est ce que ne semble pas avoir compris l'envoyé spécial du Monde, dans son analyse de l'homélie prononcée jeudi devant les représentants du clergé.
Il me semblait pourtant l'avoir lue avec attention (
ICI en français sur le site du Vatican), et n'y avoir pas décelé la même chose que lui. L'article est un raccourci de ce qui peut se faire de pire dans la malveillance, la mauvaise foi militante, et la volonté de semer la zizanie:

L'article d'Henri Tincq

Benoît XVI rappelle à l'ordre les intégristes catholiques (????)
...
Dès son arrivée à l'aéroport, jeudi, il avait prévenu ses hôtes : "Il ne s'agit pas seulement d'un voyage sentimental." Ce pape allemand est pourtant chez lui en Pologne. Il est l'ami et le successeur de Jean Paul II... Leurs photos se confondent dans la foule et leurs ouvrages à la vitrine des librairies.
Et si l'accueil de Varsovie ne fut pas aussi coloré ni aussi chaleureux qu'il devrait l'être ce week-end à Cracovie, c'était déjà vrai au temps de Jean Paul II.
Malgré le sourire dont il ne se départit jamais, Benoît XVI n'a pas craint de toucher à vif les plaies d'un pays qui vient de se doter d'une coalition gouvernementale composée du parti conservateur majoritaire PiS (Droit et justice), des antilibéraux de Samoobrona (Autodéfense) et de la Ligue des familles polonaises (catholiques intégristes et nationalistes). Une coalition qui bénéficie du soutien sans ambages de la radio intégriste Radio Maryja.
Dans la cathédrale Saint-Jean, devant les représentants de l'épiscopat et du clergé, le pape a clairement mis en garde l'Eglise polonaise contre le retour à ses vieux démons : la volonté de puissance, l'enrichissement matériel, la collusion avec la politique. Il l'a fait à sa manière, douce mais ferme. Il a brossé le portrait idéal du prêtre dont le rôle doit être exclusivement spirituel et qui doit fuir toute liaison incestueuse avec la politique : "Les fidèles n'attendent qu'une chose du prêtre : qu'il les aide à rencontrer Dieu, a dit Benoît XVI sous les applaudissements. Ils n'ont pas besoin d'un prêtre qui soit expert dans l'économie, expert dans l'immobilier et la politique. Du prêtre, on attend seulement qu'il soit un expert dans la vie spirituelle." Le clergé ne doit donc pas faire de politique. Le pape veut des prêtres "mûrs", "virils", mais "modestes".
Pour les Polonais, l'allusion à la polémique sur Radio Maryja est claire. Et elle vaut, dans la bouche du pape, condamnation de son directeur, le Père Tadeusz Rydzyk, qui a fait de cette radio catholique un empire immobilier et médiatique, devenu la tribune des courants antieuropéens, nationalistes, parfois antisémites. Le Père Rydzyk ignore les rappels à l'ordre du nonce à Varsovie et de la partie de l'épiscopat qui a pris position contre lui. Mais il sait les soutiens dont il dispose dans la hiérarchie et les milieux politiques actuellement au pouvoir. Que fera-t-il de cet avertissement du pape ?
Henri Tincq

Je trouve personnellement que la paternelle admonestation du Pape pouvait tout aussi bien s'adresser aux prêtres progressistes, qui ont troqué le message de l'Evangile contre une sorte de militantisme syndical. Il est probable que le Saint-Père s'adressait en fait aux uns et au autres. Mais le procédé qui consiste à s'approprier son message pour condamner nommément Radio Maryja, et pour servir aux fins politiques que l'on sait être celles de ce journal militant est intellectuellement malhonnête.
La suite de l'article ne vaut pas mieux, et contredit de façon flagrante les images chaleureuses de la rencontre avec le président polonais et sa famille, vues dans ces pages:

Une fois de plus les prêtres sont invités à donner l'exemple. Face à la "permissivité" ambiante, ils doivent fuir les modes intellectuelles, "quitter un monde sûr et connu pour servir là où il manque des prêtres, notamment dans les pays les plus pauvres".
Ce thème de l'ouverture, le pape devait le reprendre au cours de la rencontre formelle et courte qu'il a eue jeudi avec le chef de l'Etat, le conservateur Lech Kaczynski, à la résidence présidentielle, où il a dû serrer la main aux représentants les plus patentés du populisme polonais : Andrzej Lepper, chef de Samoobrona, et Roman Giertych, de la Ligue des familles polonaises.

Le texte donne l'impression que Benoît a serré la main avec dégoût aux représentants du gouvernement polonais!
On ne sera donc pas non plus étonné par la conclusion de l'analyse tincquienne, malveillante à souhait:

Etape manquée au Monument du ghetto juif de Varsovie
En traversant, jeudi 25 mai, la capitale polonaise pour se rendre à la cathédrale Saint-Jean, la papamobile de Benoît XVI a ralenti devant le Monument de l'insurrection du ghetto juif de Varsovie. Le pape s'est légèrement incliné, a fait une bénédiction, mais ne s'est pas arrêté. Cela a provoqué une petite polémique...