Ce n'est pas un journal que je classerais parmi mes favoris... mais le reportage de Jean Mercier, qui est du voyage, a la saveur du vécu, et ne manque ni d'intérêt, ni de pittoresque, même si l'excellent y côtoie parfois le moins bon. (9/5/2009)






Premier bain de foule

par Jean Mercier

La limousine noire, où flotte le drapeau blanc et jaune du pape s'immobilise. Elle arrive directement de l'aéroport, où le pape a atterri il y a une heure. Nous sommes au milieu de nulle part, sur une colline où ne poussent que les oliviers et les cyprès. Pour sa toute première étape sur le sol jordanien, le pape a choisi le centre Reine de la Paix, un établissement catholique dédié à l'accueil de personnes handicapées. La clameur explose. Trois mille jeunes surexcités attendent le pape depuis l'aurore, principalement des scouts. C'est le premier bain de foule. Le pape, alerte mais visiblement un peu fatigué, se prête au jeu dans une joyeuse cacophonie. D'un côté de l'esplanade de l'église, la sono puissante assène le tube du moment « Benedetto, benvenuto in Giordania » (Benoît, bienvenue en Jordanie), reliée par les jeunes. De l'autre, un orchestre jordanien de cornemuses écossaises tente stoïquement de se faire entendre. Benoît XVI est flanqué de son secrétaire Georg Gänswein, visiblement très soucieux, et d'un essaim de soldats en treillis.

Lorsque le pape entre enfin dans l'église, la joie redouble. Remontant la nef, le corps du pape continue de se laisser toucher. Les religieuses lui baisent la main, les fidèles s'inclinent. Un homme handicapé mental, d'un certain âge, se jette dans ses bras, le prend par les épaules et lui colle une bise sur les deux joues. Joseph Ratzinger n'est guère friand de démonstrations affectives (??). Mais comme cela doit faire du bien lorsqu'on est pape et qu'on subit l'effrayante déférence (??) dûe au chef de l'Eglise...

Le pape se précipite maintenant sur un prie-Dieu et fixe le crucifix posé sur l'autel devant lui. Geste typique de Benoît XVI, qui refuse d'être une star et veut conduire les croyants au Crucifié. Il livre ensuite une belle méditation sur son espérance. « Je viens prier pour le don de l'unité et de la paix au Moyen Orient, la paix durable qui naît de la justice, de l'intégrité et de la compassion, la paix qui surgit de l'humilité, du pardon, et du désir profond de vivre en harmonie les uns avec les autres ». Et le pape se livre très personnellement, comme il aime le faire assez souvent : « Chers jeunes amis, je désire vous dire que c'est de Dieu que je tire ma force. (…) Je désire vous demander d'accomplir une tâche spécifique : veuillez, s'il vous plaît, prier pour moi chaque jour de mon pèlerinage, pour mon renouvellement spirituel personnel dans le Seigneur et pour la conversion des coeurs sur le chemin de pardon et de solidarité que Dieu ouvre afin que mon espérance – votre espérance – pour l'unité et la paix dans le monde porte des fruits abondants ».

La rencontre dure à peine une demie heure. Dehors, sur le parvis, Soeur Damiana, religieuse de la congrégation du rosaire à Amman, est transfigurée de bonheur : « Le pape est venu pour nous. Nous existons pour lui, c'est extraordinaire. » Comme une météore, le pape reprend la route. On l'attend au palais royal...





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