L'ami juif du pape nous dit "Joseph Ratzinger n'est pas antisémite". On s'en doutait un peu. Article en Italie, et en France (10/5/2009)



Joseph Ratzinger a consacré plusieurs pages de son Jésus de Nazareth à son livre "A Rabbi Talks with Jesus".
Il est interrogé par la presse européenne sur ce qu'il est désormais convenu d'appeler les "enjeux" du voyage en terre sainte.
Il rend l'hommage qu'il se doit au grand savant, à l'intellectuel, à l'homme qui incarne la tradition européenne de culture et d'intelligence, et ce qu'il dit est beau.

Mais, alors qu'on répète partout (et qu'il le dit lui-même: Ce serait un échec si une des parties revendiquait le fait d'avoir été soutenue, et que l'autre se plaignait d'avoir été injustement rejetée. Le parti pris serait un désastre. L'autorité morale, qui est la force même du pape, aurait été gaspillée) que le voyage serait un échec s'il réussissait à être instrumentalisé au profit d'une des parties, est-ce vraiment d'un ami, d'écrire, dans un tel contexte (même si c'est vrai: inutile de mettre un ami dans l'embarras):

« Avec sa présence physique de pèlerin le Pape affirme la légitimité de l'état d'Israël. ...» (Il Foglio).

« Les visites du pape à l'Etat d'Israël -ce n'est pas la première et ce ne sera pas la dernière - manifestent le changement qui s'est opéré à ce sujet dans l'Eglise, et affirment la légitimité d'Israël comme Etat juif.» (Le Fig mag)



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Il Foglio

(Source: Raffaella)
Ma traduction
IL FOGLIO- "Così Benetto XVI afferma il giudaismo d'Israele e di Gesù. Dice Neusner"

Le Time l'a défini comme « le rabbin préféré du Pape », mais encore avant cela, il était « l'ami juif du cardinal Ratzinger ».
À lui, Jacob Neusner, et à son livre « a Rabbi Talks with Jesus », Benoît XVI a dédié plusieurs pages de « Jésus de Nazareth ».
A partir de lundi, Joseph Ratzinger, dans sa quatrième visite en Terre Sainte, reparcourra pour la première fois comme Pape les mêmes routes que le Jésus Christ qu'il a raconté dans son livre.
« Dans ce voyage le Pape affirme le judaïsme de l'état d'Israël et de Jésus Christ », explique Neusner à Il Foglio.
Selon lui, le voyage de Benoît XVI est une déclaration nette contre ceux qui "sponsorisent" l'antisémitisme d'état :
« Avec sa présence physique de pèlerin - dit-il - le Pape affirme la légitimité de l'état d'Israël. En plus de rappeler que l'islam dans les pays musulmans doit élargir la même liberté d'expression qu'il demande à l'occident ».
Selon Neusner, le pèlerinage du Pape incarne le « trialogue » indispensable entre les trois religions abrahamiques, « celui qui conduit à la compréhension réciproque et qui permet de donner un sens à la différence, non de la dépasser ».
Et aucune scène ne pourrait être meilleure pour le « trialogue » que la Terre Sainte.
Sur le vol vers Amman, Benoît XVI a dit vouloir « contribuer à la paix » au nom de l'église et du Saint Siège, qui n'est pas « un pouvoir politique mais une force spirituelle ».
« Le Pape parle, au nom d'un milliard de catholiques, au coeur du judaïsme et au centre de la religiosité islamique. La rencontre entre les trois traditions se transforme en un acte de recherche religieuse ».
Les chrétiens et les juifs ont une de base commune de départ, les Écritures : « Nous accordons de la valeur aux mêmes histoires et nous leur demandons d'expliquer ce que nous sommes - explique Neusner - Nous pouvons nous adresser à Dieu avec une seule voix à travers la liturgie. C'est pourquoi le Pape a écrit un livre sur les psaumes ».
Benoît XVI arrive en Israël après le Pontife qui pria au Mur des Lamentations et demanda pardon pour l'Holocauste. Et avant même d'atterrir en Jordanie il a dit que le dialogue avec les juifs « progresse... malgré les malentendus ».
Parce qu'en dépit des accusations d'antijudaïsme et même d'antisémitisme qui lui sont tombées dessus, Benoît XVI a montré en plus d'une occasion son amitié envers les juifs.
« Il a poursuivi la tradition de Jean XXIII, de Paul VI et de Jean Paul II, et a affirmé l'héritage des Papes de la réconciliation entre judaïsme et christianisme. Benoît XVI a montré que la vérité religieuse ne doit pas se compromettre dans la recherche de l'amitié entre les croyances ».

Mais ce Pape est né et a grandi dans l'Allemagne nazie et la susceptibilité vis-à-vis de ses origines semble ne pas être entièrement surmontée. Au point que la salle de presse du Vatican a cru devoir spécifier, pour la première fois, que le Pape ne parlerait pas en allemand. « Les souvenirs de l'Holocauste pour beaucoup sont liés aux sons de la langue allemande. C'est un geste de sensibilité. Benoît XVI a pris position parmi ceux qui refusent l'héritage de la génération qui a commis l'Holocauste ». (commentaire: le Pape n'a jamais parlé en allemand dans aucun voyage à l'étranger, sauf évidemment en Allemagne, et en Autriche; il s'exprime lorsqu'il le peut, c'est-à-dire très souvent, dans la langue du pays, et sinon, en italien)
© Copyright Il Foglio, 9 mai 2009
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Le Fig Mag du 9 mai

Dans son «Jésus de Nazareth », Benoît XVI commente « Un rabbin parle avec Jésus », un livre de Jacob Neusner. Historien, théologien et rabbin, cet universitaire américain est une sommité mondiale du judaïsme. Il livre ici sa vision des enjeux du voyage de Benoît XVI en Terre sainte.
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Le Figaro - Comment situez-vous l'enjeu du voyage de Benoît XVI en Terre Sainte ?
Jacob Neusner - Le pape est une autorité morale pour les fidèles catholiques et pour l'humanité au sens large. Dans un conflit comme celui qui oppose l'Etat d'Israël à ses voisins arabes, l'exercice d'une telle autorité morale, reconnue dans le monde entier, représente une chance.

- Q'attendez-vous de ce voyage sur le plan politique ?
- Le pape Benoît XVI a montré sa capacité à parler sans prendre de gants, comme l'a prouvé son discours de Ratisbonne. Il ne cache ni ne mâche ses mots. J'attends donc de lui qu'il parle vrai à toutes les parties en conflit, tout en préservant une positionjuste et équilibrée pour tous ceux qui y sont impliqués. C'est là sa responsabilité. Dans le même temps, l'Eglise catholique a ses propres intérêts au Moyen-Orient, et le pape les a bien présents à l'esprit. Les pays musulmans n'accordent pas au christianisme les droits de libre expression que les chrétiens demandent, et dont les musulmans jouissent pourtant dans les pays chrétiens. Le pape est attendu aussi sur ce terrain.

- En quoi ce voyage serait-il un échec ?
- Ce serait un échec si une des parties revendiquait le fait d'avoir été soutenue, et que l'autre se plaignait d'avoir été injustement rejetée. Le parti pris serait un désastre. L'autorite morale, qui est la force même du pape, aurait été gaspillée.

- Que serait le succès de ce voyage ?
- Ce voyage marquerait un succès si, en réponse à la présence du pape, les deux parties en conflit étaient stimulées pour avancer sur le chemin de la paix.

- Cette visite papale intervient dans le contexte de deux polémiques: l'affaire Wilhamson, et les débats qui entourent la cause de béatification de Pie XII
- Le pape a condamné le négationnisme de Williamson. Quant à Pie XII, tant que les archives n'auront pas été étudiées par toutes les parties intéressées, aucune conclusion en ce domaine ne pourra être posée. L'Eglise catholique avait un long passé d'antijudaïsme, comme l'a montré Jules Isaac dans son ouvrage L'Eseignementdu mépris. Mais depuis le pape Jean XXIII, c'est le respect du judaïsme l'amitié pour le peuple juif qui ont pourtant dominé. Cela ne signifie pas que les vieilles habitudes de pensée aient été partout abandonnées, mais il y a désormais des points de vue différents. Le pape Benoît XVI s'est inscrit de façon constante dans la tradition ouverte par Jean XXIII et par Jean-Paul II. Il veut être et entend être reconnu comme un ami du peuple juif.

- Est-ce que le fait d'être allemand pour ce pape change les choses, et donne une importance particulière à ce voyage ?
- Le pape a donné le témoignage de la répudiation du passé honteux de l'Allemagne. Il a donné le témoignage d'une politique de réparation et de conciliation avec le peuple juif. Il a donné le témoignage d'un soutien affirmé à l'Etat d'Israël. Benoît XVI a ainsi montré sa sensibilité pour les inquiétudes des juifs, et a corrigé et reconnu des erreurs quand elles ont été commises.

- Ce voyage est avant tout un pèlerinage : comment le percevez-vous en tant que rabbin et intellectuel juif ?
- II y a un siècle, quand Theodor Herzl, fondateur du sionisme, se tourna vers le pape pour lui demander de soutenir l'état juif, il lui fut répondu que tant que le peuple juif ne se convertirait pas au christianisme, l'Église ne ferait rien pour aider à établir un Etat juif: Les visites du pape à l'Etat d'Israël -ce n'est pas la première et ce ne sera pas la dernière - manifestent le changement qui s'est opéré à ce sujet dans l'Eglise, et affirment la légitimité d'Israël comme Etat juif. Il est toujours important de souligner la prise de position implicite d'un pèlerinage du pape.

- Mais quel est l'enjeu religieux de ce pèlerinage ?
- Vatican II a défini un objectif de réconciliation dans le cadre des relations entre judaïsme et christianisme. Cette visite représente une étape de plus vers la réalisation de l'amitié entre les deux religions. Ce n'est pas une nouvelle étape, car c'est à Jean-Paul II que l'on doit d'avoir véritablement franchi cette nouvelle étape, mais ce voyage est un pas en avant dans cette lignée, et il vise à dépasser les tensions.

- Et comment définiriez-vous le travail de théologlen de Benoît XVI, dans le cadre des relations entre juifs et catholiques ?
- Les idées que Benoît XVI a mises en avant dans ses écrits le désignent comme une figure importante du dialogue judéo-chrétien. C'est un grand savant, un philosophe et un théologien. Ses idées et son intelligence critique vont former la mentalité des générations à venir. En matière intellectuelle, c'est un homme d'une grande dimension.

- Dans son livre « Jésus », le pape s'est abondamment référé à vos recherches sur Jésus. Fut-ce une surprise pour vous ? Poursuivez-vous le dalogue avec lui ?
- Je suis toujours heureusement surpris de voir mes travaux appréciés. Au cours des dernières décennies, le cardinal Ratzinger m'a envoyé des articles qu'il publiait et l'un de ses livres. J'ai fait de même. Mais l'ouvrage Jésus de Nazareth est une oeuvre en soi, elle se suffit à elle- même.

- Benoît XVI est souvent caricaturé ou mal compris. Qui est-il vraiment selon vous ?
- Avant la rencontre entre le pape et George Bush, il y a deux ans, la Maison-Blanche me demanda d offrir mes conseils au président américain sur l'homme qu'il allait rencontrer. Je lui ai dit que je ne connaissais pas Benoît XVI personnellement, mais seulement à travers des lettres; que j'avais cependant l'impression d'un homme qui incarnait la tradition européenne de culture et d'intelligence ; qu'il n'était pas seulement un esprit très pénétrant, mais qu'il était aussi civilisé. C'est un modèle d'intellectuel religieux. La portée de la papauté est certes mondiale, mais pour la civilisation occidentale, Benoît XVI incarne le message évangélique.

Propos recueillis par Jean-Marie Guénois



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Conférence dans l'avion L'Eglise est vivante