Bilan du voyage
« Du Pape un nouvel espoir pour nous, chrétiens de Terre Sainte »
Pizzaballa : assez de victimisme, collaborons à construire des ponts de paix.
Avec les juifs lien indissoluble, la raison à centre du dialogue avec l'islam
« La franchise avec laquelle il s'est exprimé a été très appréciée tant par les israéliens que par les palestiniens »
http://Paperatzinger2-blograffaella.blogspot.com/...
LUIGI GENINAZZI
-----------------



Repas à la Custodie (Raffaella)

Le Pape nous a ouvert le chemin. Et maintenant c'est notre tour, à nous chrétiens de Terre Sainte. Assez de victimisme, mettons-nous au travail ».
Le Père Pierbattista Pizzaballa est connu pour ses jugements nets et souvent tranchants. 44 ans, depuis cinq ans Custode fransiscain de Terre Sainte, il a été une des présences les plus discrètes mais en même temps les plus proches du Saint Père dans dans son long pèlerinage. La personne qu'il faut, donc, pour tracer un bilan de cette visite mémorable.

- Père Pizzaballa, commençons par la fin : le discours d'adieu prononcé par Benoît XVI à l'aéroport de Tel Aviv a été un appel fort pour que la solution des deux États devient vite réalité. Beaucoup sont restés surpris, certains l'ont jugé un discours trop politique. Quel est votre jugement?
- Permettez-moi de dire avant tout que le coeur de ce voyage a été religieux et la visite au Saint Sepulcre en a représenté le sommet. Mais il est certain que le Pape ne s'est jamais dérobé face aux implications politiques de son message. Il les a dites à peine arrivé en Israël et il les a réaffirmées au départ. Et il les a soutenues avec force pendant la visite à Bethléem. Il a montré un grand courage mais pour moi cela n'a pas été une surprise.

- Une chose est de dire que le mure est une tragédie en parlant aux palestiniens qui en souffrent les conséquences, une autre bien différente est de répéter le même concept devant le premier ministre israélien Netanyahu qui lui, l'a voulu, ce mur..
- C'est vrai, ce qui nous confirme que Benoît XVI n'est pas une personne accomodante. Sa coutoisie et sa délicatesse ne peuvent pas passer pour de la complaisance. Ce qu'il a à dire, il le dit avec grande clarté. Et pour ce que j'ai pu en remarquer, sa franchise a été beaucoup appréciée, tant du côté palestinien que du côté israélien. Même par ceux qui ne sont pas d'accord.

- Sur les journaux sont apparus divers commentaires critiques à propos du discours prononcé par le Pape au mémorial de Yad Vashem…
- Pour la visite de Benoît XVI à Yad Vashem, il y avait beaucoup d'attentes mêlées de prejugés et de rancune.
En somme le scénario avait été déjà écrit, seulement le Pape ne l'a pas respecté.
Il a développé une tres belle réflexion sur le nom, au sens biblique. Au contraire beaucoup attendaient ses éxcuses comme allemand, comme Chef de l'Église catholique et ainsi de suite. Un climat d'exigence émotive qui a perdu de vue le fait plus important, c'est-à-dire que le Pape à plusieurs occasions, avant et pendant le voyage en Israël, a fait des déclarations très nettes contre l'antisémitisme et le négationnisme.
Après les premières réactions cependant les tons ont changé. Par exemple le dernier éditorial du quotidien « Yediot Ahronot » souligne que l'Église catholique a déjà fait son mea culpa et qu'il n'est pas juste demander à chaque fois qu'elle s'excuse auprèsd du peuple juif.

- Quel effet aura ce voyage sur les rapports entre chrétiens et juifs?
- Les positions étaient déjà très claires mais il est important que le Pape les ait réaffirmées. L'affirmation faite sur le Mont Nebo selon laquelle « il y a un lien indissoluble entre christianisme et judaïsme » n'est pas nouvelle mais de l'avoir répétée de manière ainsi publique et solennelle, a une grande signification. Jusqu'à présent le dialogue entre chrétiens et juifs était une affaire de spécialistes, de rabbins et de théologiens. Avec ce voyage, le Pape a assumé, pour ainsi dire, un devoir de divulgation.

- Et dans les rapports avec l'islam ?
- Il a gardé une distinction entre le dialogue avec le judaïsme, qui concerne nos racines et a un caractère théologique, et celui avec le monde musulman qu'il a défini comme alliance de civilisation.
Avec le discours prononcé à la mosquée d'Amman le Pape a fait faire un pas en avant au dialogue entre christianisme et islam, en rappelant le concept de rationalité de la foi religieuse. En Jordanie ce discours a été compris. Ici à Jérusalem par contre tout est politisé, comme cela s'est vu pendant la rencontre interreligieuse à Notre Dame où il y a eu une intervention décidément déplacée de la part d'un leader islamique.

- Pour les chrétiens de Terre Sainte, qu'a signifié le pèlerinage du Pape ?
- Il a balayé les perplexités et les craintes que certains avaient manifesté avant. Benoît XVI n'a pas perdu d'occasion pour nous encourager en nous faisant sentir toute sa proximité personnelle. Il a célébré trois messes solennelles qui ont fait découvrir au grand public d'Israël la réalité de l'Église locale. Maintenant il nous revient à nous, chrétiens de Terre Sainte, de mettre de côté la tendance aux lamentations et au victimisme pour donner une contribution positive à la societé, en construisant des ponts de paix. Le fait d'être submergé par tant de problèmes ne veut pas dire que nous devons nous noyer. Le Pape a eu des mots de grande compréhension pour les souffrances des chrétiens mais en même temps il nous a invités à relever la tête, il nous a redonné espoir.

- Les problèmes de l'Église locale sont au centre d'une négociation qui se poursuit depuis plus de dix ans entre le Saint Siège et l'État d'Israël. Après la visite du Pape les choses se sont-elles débloquées ?
- La question centrale des négociations concerne six lieux saint. C'est un problème qui touche la liberté religieuse, pas la propriété qui est déjà à nous. Nous demandons plusieurs garanties à l'État d'Israël, par exemple l'engagement qu'ils ne seront pas confisqués. Le voyage du Pape n'a pas amené à des résultats concrets mais à une clarification de fond. L'impression est que même le gouvernement israélien a finalement intérêt à clore l'épisode. Je crois qu'après la visite de Benoît XVI les rapports avec Israël deviendront plus fluides.

- Vous avez été auprès de Benoît XVI pendant les huit jours de la visite Papale. Pouvez-vous nous dire avec quels sentiments le Saint Père a vécu son pèlerinage ?
- C'est une personne très réservée mais il a laissé filtrer en plus d'une occasion sa grande joie pour les rencontres qu'il a eues.
Il a une grande liberté intérieure, il ne s'est pas laissé effrayer par tous les conditionnements et les difficultés objectives de la situation. Etant à ses côtés, j'ai compris qu'il avait un grand besoin intérieur de faire ce pèlerinage. Il l'a fait avant tout pour lui. Mais il a réussi à le faire devenir signe de grande espérance pour tous.



<<< Retour: Echos d'Italie