Revue de presse du 6 mai (6/5/2009)



Deux jours avant le départ du Saint-Père, les commentaires continuent d'aller bon train.
Un moratoire s'imposerait.
Assez de prédictions catastrophistes qui tournent en rond!

Dans la boursouflure médiatique que l'on veut imposer à chaque évènement et qui est la marque de notre culture de l'instantané, de l'oubli et du refus de l'analyse, chacun essaie de convaincre notre Pape qu'il est sur le point d'affronter LE voyage, une mission surhumaine, comme si on voulait lui faire peur, pour alourdir encore ce fardeau (mais rappelez-vous ce qui avait été dit à la veille de son voyage en Turquie, qui est ce que je trouve de plus proche, jusqu'à présent, dans son Pontificat).

Tous ces commentaires oublient l'essentiel: le Saint-Père n'est pas encore parti. Et les mêmes qui proclamaient, en avril 2005 "Ce pape nous surprendra" voudraient que le déroulement en soit déjà écrit?

A moins que les polémiques ne soient déjà dans les cartons???

Ce matin, dans son billet hebdomadaire, Sandro Magister, dont les analyses sont très suivies écrivait:
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Le plus difficile pour le pape en Terre Sainte: conquérir les chrétiens.
Les Israéliens l'ont invité, les musulmans l'ont demandé. Mais pas ses fidèles locaux, qui ont exprimé les plus importantes oppositions à son voyage. ...

Et d'ajouter:

(..) ces chrétiens locaux, [qui] sont une infime minorité, moins de 2% de la population juive et arabe... sont ceux qui ont montré le plus de scepticisme à l'annonce du voyage du pape. Beaucoup, y compris des prêtres et des évêques, ont contesté l'opportunité de sa visite.
Il a fallu un gros travail pour adoucir ce front du refus. Le patriarche latin de Jérusalem, Fouad Twal, l'a confirmé dans une interview: les raisons des opposants ont été exposées à Benoît XVI lui-même.
La grande crainte des opposants était que le voyage du pape – y compris en raison de ses positions très avancées dans le dialogue religieux avec le judaïsme – ne tourne à l’avantage politique d’Israël.
Benoît XVI a fermement résisté. De son côté, la diplomatie vaticane a tout fait pour tranquilliser les opposants.
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Ceux qui lisent ces pages savent depuis longtemps que l'accueil des chrétiens s'annonçait réticent... (voir par exemple cet article d'Andrea Tornielli, datant de février: le voyage le plus difficile . Et aussi la lettre de l'ex-curé de Gaza, le Père Musallam. Ou encore cet article inédit de MA Beaulieu, de la Custodie en Terre Sainte).
Encore conviendrait-il de s'interroger sur ce que recouvre ce terme de chrétiens en terre sainte.
S'il s'agit des populations, chacun sait, par expérience ici, que "la rue" a rarement droit à la parole, et qu'on peut lui faire dire n'importe quoi. Ou alors de ceux qui se sont donné le droit de s'exprimer ( Le Pape va en Terre Sainte )?



Méfiance...

Il va falloir se méfier de la presse, autrement dit la lire avec de grandes précautions.
Cela commence mal.
Ainsi, ce quotidien régional, sous un titre à première vue anodin, devenu incontournable, mais tendant à accréditer une dimension uniquement politique au voyage - alors que le Pape s'évertue à dire le contraire - poursuit ainsi:





Du 8 au 15 mai, le pape Benoît XVI se rend en Israël. Ce voyage était prévu depuis longtemps, mais sa date a été avancée à cause de la ténébreuse affaire Williamson : l'évêque intégriste qui nie la Shoah...
Williamson relève de la pathologie mentale, mais sa déclaration à la télévision suédoise (en janvier) a gêné le Vatican, qui s’apprêtait à lever l’excommunication des lefebvristes.
Du coup, Rome a vu dans le voyage en Israël un moyen de dissiper les nuages.
...
Selon les commentateurs arabes, Israël calcule que
Benoît XVI, gêné par la polémique Williamson, sera hors d’état de critiquer la politique israélienne lors de son séjour en Terre Sainte. Et ceci tomberait d’autant plus à pic, que le pape aurait des reproches à faire au nouveau gouvernement israélien marqué à l’extrême droite et hostile à toute idée d’Etat palestinien.



Le voyage n'a pas été avancé!

Les faits rapportés au début sont faux, les perspectives évoquées ensuite risquent de l'être tout autant.
Rappelons que la première fois qu'il a été question d'une visite de Benoît XVI en Israël, c'était en novembre 2008 (peut-on dire que cela fait "longtemps"?) et c'est le quotidien Haaretz qui annonçait la nouvelle: http://benoit-et-moi.fr/2008/...
La date annoncée était déjà bel et bien mai 2009.
L'"affaire Williamson" a éclaté deux mois après (21 janvier), et n'a donc aucun rapport, sinon celui que certains voudraient imposer: il est très important pour eux, de dire que le voyage est politique, car ils se trouveront sur un terrain qu'il leur sera plus facile de commenter, de critiquer, d'instrumentaliser.
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Dernier commentaire que je m'autorise à reproduire, celui de J-PD, dans La Vie.

Gageons que lui et ses accolytes CT et OV s'apprêtent à camper dans les studios de radio et de télévision, la semaine prochaine, à l'affût du moindre faux pas, [guettant] la petite phrase, cet art de la formule que maîtrise si mal le pape actuel, et tout prêts à ressortir ce qu'il appelle les cadavres dans le placard de l'Eglise... ou du Pape!
Rappelons (pour les lecteurs étrangers) qu'il est l'initiateur de la pétition "Pas de négationistes dans l'Eglise".
Une autorité morale, donc, à l'aune médiatique.



Compliqué...

(La Vie)
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Le voyage de Benoît XVI. Le voyage des voyages. Le risque des risques. Physique, verbal, politique. Tous les ingrédients semblent réunis pour un pèlerinage en forme de chemin de croix.
D’abord, l’ultramédiatisation. Le Vatican a dû envoyer un second avion pour transporter tous les journalistes qui couvriront l’événement. On guettera la petite phrase, cet art de la formule que maîtrise si mal le pape actuel.
Imaginons que tout ceci soit bordé, encadré, pensé.



Le pape est à la fois un chef spirituel et un souverain politique. Il n’a pas une vision très romantique du dialogue interreligieux, qui lui apparaît davantage comme un devoir d’État que comme un appel d’Évangile.
Parlera-t-il, alors, un langage destiné aux seuls chrétiens ? Son lourd programme ne le lui permet pas. Se contentera-t-il de propos convenus ? On ne le lui pardonnerait guère. Bref, il faut se montrer ennuyeux mais prophétique, profond mais diplomate, spirituel mais politique, percutant mais dialectique…

Face au monde musulman, dès ce week-end, le pape doit dénoncer sans faiblesse la pression islamiste croissante, le retour du cauchemar taliban, l’oppression de la femme, l’atroce condition des travailleurs immigrés dans les pays du Golfe. Évoquer la pression qui pèse toujours plus fortement sur les communautés chrétiennes de Palestine, d’Égypte, de Turquie, de tout le Proche-Orient…

Ou ne rien dire, pour ne pas s’attirer une cataclysmique contre-offensive ?

Avec le judaïsme, dès lundi, refuser de mélanger la politique et la spiritualité. Donc, rappeler qu’il y a, d’un côté, les relations encore insatisfaisantes que le Saint-Siège a établies avec Israël, de l’autre, le rapport apaisé et essentiel que les chrétiens entretiennent avec leurs frères aînés. Ne pas forcément céder au « toujours plus de repentance » demandé. Dénoncer la désastreuse intervention à Gaza, appeler l’actuel gouvernement israélien au courage de la négociation, à la reconnaissance de deux États.

Ou se taire, pour éviter la polémique mondiale qui guette ?

Alors, puisque tout et son contraire semblent impossibles, soyons fous. Attendons du pape une parole de vérité (mon commentaire: comme s'il ne disait pas que cela!!). Une parole libérée. Une parole assumée. Postulons que le catholicisme devrait cesser de battre sa coulpe à la première injonction. Assez de flagellation ! Assez d’une religion de l’autodénigrement ! Demandons à l’autre d’entendre aussi ce que nous avons à lui dire. Appelons, finalement, à une réconciliation authentique, fondée autant sur le respect de soi que sur l’écoute de l’autre.

Cette posture serait plus facile à tenir, il est vrai, si l’on avait achevé le ménage. On peut parler fort, mais il vaut mieux ne pas avoir de cadavres dans son placard. L’affaire Williamson l’a montré : en fermant les yeux sur certaines complaisances antisémites, en laissant parfois s’exprimer, fût-ce à mots couverts ou sous forme de prières ambiguës, le vieil antijudaïsme, l’Église catholique rend plus problématique un éventuel discours de franchise. Voilà peut-être la plus grande difficulté que le pape trouve devant lui à l’occasion de ce périple passionnant : l’Orient est compliqué, mais le catholicisme, ce n’est jamais simple.





Une erreur du Père Lombardi? Shalom salam peace