Un article revigorant de Jeanne Smits, dans Présent (13/5/2009)



Après la bile d'hier, un flot d'eau pure, enfin.
Un article de Jeanne Smits sur "Présent" d'aujourd'hui.



Benoît XVI en Israël
Le Pape enseignant
-----------------------------

Comme dans tous ses voyages apostoliques, l’essentiel à retenir des faits et gestes de Benoît XVI en terre étrangère est l’ensemble, toujours dense, impressionnant, riche de réflexions à méditer, de ses discours. Il faut les lire avec les yeux de la Foi et depuis la perspective qui est la sienne : celle d’évêque de Rome et de successeur de Pierre chargé de « faire paître le troupeau », comme il l’a rappelé, celle de « coopérateur de la Vérité » confronté en Terre sainte à des conflits, à une histoire, à des embûches aussi, dans le plus grand contexte de ce pauvre monde qui tente de rejeter Dieu.

La première journée de Benoît XVI en Israël fut marquée par un franc-parler audacieux sur cette terre déchirée par le conflit israélo-palestinien, et en même temps une compassion amène et affectueuse, mais sans complaisance, à propos des souffrances endurées par le peuple juif des mains des nazis. La presse attendait le Pape sur ces deux dossiers, et elle a monté en épingle les « péchés » de ce souverain pontife et de cette Eglise à propos de Mgr Williamson et plus encore du désir affiché de béatifier Pie XII. Le troisième pape à avoir foulé la terre d’Israël ne s’est pas laissé attirer sur ce terrain. Il n’est pas venu faire une repentance. Pas plus que Jean-Paul II, il ne visitera le musée de la Shoah, où la mémoire de Pie XII est salie. Et il y a un langage sur la Shoah qu’il ne partage pas.

Dès son arrivée à l’aéroport Ben Gourion, accueilli par le Président et par le Premier ministre d’Israël, Benoît XVI a affirmé cette tranquille vérité, le fait que les chrétiens ont pour cette terre de « patriarches et de prophètes » une « particulière vénération puisque c’est là que se déroulèrent la vie, la mort et la résurrection de Jésus ».

Et d’enchaîner, presque immédiatement :

« Monsieur le Président, le Saint-Siège et l’Etat d’Israël partagent de nombreuses valeurs, en particulier la préoccupation de donner à la religion sa juste place dans la société. Le juste ordonnancement des relations sociales présuppose et requiert le respect de la liberté et de la dignité de chaque être humain, que les Chrétiens, les Musulmans et les Juifs croient être créé par un Dieu aimant, à son image et à sa ressemblance. Quand la dimension religieuse de la personne est niée ou marginalisée, le fondement même de la juste compréhension des droits humains inaliénables est mis en péril. »

Que l’islam considère Dieu comme un être aimant, et même comme un Père, voilà qui demeure sujet à discussion, mais c’est assurément une vérité qu’il s’agit de faire découvrir aux musulmans. Mais on voit que la préoccupation de Benoît XVI, affirmée sans cesse depuis une époque bien antérieure à son élection pontificale, est d’en finir avec l’exclusion de Dieu de notre société moderne. Ses discours en Israël sont de ce point de vue bien dans la continuité de ceux plaidant en Jordanie pour la réconciliation entre foi et raison, pour une juste identification de la vraie source du bien, de la paix, de la stabilité dont on parle tant pour le Proche-Orient.

Oserai-je parler du « culot » de Benoît XVI lorsqu’il évoque Israël et Palestine en disant : « Avec les hommes de bonne volonté, où qu’ils soient, je plaide pour qu’avec tous les responsables soient explorées toutes les possibilités afin d’aboutir à une solution juste aux difficultés persistantes, de telle sorte que les deux peuples puissent vivre en paix dans leur propre pays, à l’intérieur de frontières sûres et internationalement reconnues » ? Mais quel autre mot choisir pour évoquer la bonté de son regard, la malice de son sourire, la franchise de son propos devant ces gouvernants ; Netanyahu en particulier, qui s’oppose farouchement à la création d’un Etat palestinien ? Quel autre mot quand Benoît XVI désigne les chrétiens de Terre sainte comme ceux qui, à travers leur « foi en Celui qui a prêché la réconciliation et le pardon », leur « engagement pour défendre le caractère sacré de toute vie humaine », peuvent « apporter une contribution significative à la cessation des hostilités qui ont trop longtemps affligé cette terre ».

La première visite du Saint-Père fut celle « de courtoisie » au palais présidentiel où il expliqua à Shimon Peres « la vraie nature de l’homme qui est chercheur de Dieu », le rôle des religions dans la quête de la paix qui « se situe d’abord sans la recherche de Dieu, de tout cœur et unie ». Tel est le sens de l’unité de la famille humaine promise par Dieu à Abraham. « Sécurité, intégrité, justice et paix. Dans le dessein de Dieu pour le monde, elles sont inséparables. Loin d’être les simples fruits des efforts humains, ce sont les valeurs qui s’enracinent dans la relation fondamentale de Dieu avec l’homme. » Et de rappeler que les simples familles aspirent à cette paix : « Quelle fin politique humaine peut jamais être servie par le conflit et la violence ? »

Ainsi l’injustice abominable de la Shoah, évoquée par Benoît XVI lors de sa visite au mémorial de Yad Vashem, n’efface-t-elle pas d’autres conflits qu’il s’agit de régler aujourd’hui. Parlant des noms des millions de victimes de ces juifs dont « la foi fut éprouvée » comme celle d’Abraham, le Pape souligna qu’ils ne peuvent être effacés de l’histoire. Mais il évoqua aussi le thème du « silence », où les survivants juifs de l’Holocauste veulent voir le silence de Dieu, et que Benoît XVI peuple des cris des innocents, « le perpétuel reproche contre la dispersion du sang innocent », « le cri d’Abel qui s’élève de la terre vers le Tout-Puissant ». « Silence pour se souvenir, silence pour prier, silence pour espérer »…

A ce titre, la citation du Livre des Lamentations qui achevait son discours à Yad Vashem sonnait aussi comme une contradiction :

« “Les faveurs du Seigneur ne sont pas finies, ni ses compassions épuisées ; elles se renouvellent chaque matin, grande est sa fidélité ! Ma part, c’est Dieu ! dit mon âme, c’est pourquoi j’espère en lui.” Le Seigneur est bon pour qui se fie à lui, pour l’âme qui le cherche. Il est bon d’attendre en silence le salut de Dieu ». (Lm 3, 22-26).

JEANNE SMITS





Sans chaussures à la mosquée Le cheik fait un scandale