L'autre voyage, une fois de plus. Récupération et slogans, pour démentir le vrai, car il faut que ce voyage soit un échec.
Réduire le voyage à la dimension du dialogue interreligieux via une "image-choc", c'est une tromperie. (16/5/2009)






Benoît XVI vient de rentrer à Rome, au soulagement de ceux qui, comme moi, voyaient ce voyage comme une très lourde épreuve.
Je viens d'entendre sur une radio un "débat" sur le "bilan" de son pélerinage en Terre Sainte - pélerinage que l'on nomme ici tournée, déformation professionnelle oblige, bilan réduit à l'étape en Israël, et à la dimension politique.
Décidément, ce voyage commencé dans la polémique (inventée) va peut-être s'achèver dans la polémique (suscitée), à défaut de l'indifférence, au moins dans notre beau pays.

Cet homme qui incarne la bonté, la pureté, la douceur, l'intelligence, "le meilleur de la culture européenne", cet esprit de toute beauté qui, à l'inverse de certains, n'a pas besoin de publier son QI - or, il doit faire exploser le barême - est traîné dans la boue depuis son élection, mais plus particulièrement depuis quatre mois, par des voyous sans foi ni loi.
Je conçois bien sûr leur manque d'intérêt pour l'aspect spirituel du pélerinage (un aspect qui les dépasse définitivement, dussent-ils vivre mille ans), mais cela ne les autorise pas à mentir délibérément.
Or, tout, dans ce que je viens d'entendre évoque pour moi une phrase écrite par Joseph Ratzinger - à propos de ses années de Tubingen: "j'ai vu le visage hideux du mensonge".

M.A Beaulieu disait, à propos de ce voyage en Terre-Sainte "je crains qu'il ne soit crucifié" - métaphoriquement parlant, bien sûr! J'ai pensé hier soir, avec soulagement, qu'elle s'était trompée.
Il ne l'a pas été, pour l'heure, car il a fait un sans faute, conjuguant délicatesse et fermeté.
Son pélerinage est jonché d'instants de toute beauté qu'il n'est pas nécessaire d'énumérer, puisqu'on les retrouve tous ici: Photos, reportages .

Qu'importe!
On va réécrire toute l'histoire de son voyage, et il n'y aura plus rien de vrai.
On va déformer, caricaturer grossièrement les faits, rappeler jusqu'à la nausée l'affaire Williamson, l'épisode supposé des jeunesses hitlériennes et la "maladresse" du père Lombardi, d'ailleurs déformée, elle aussi, puisque certains n'hésitent pas à multiplier par deux sa réaction (j'ignore encore s'il s'agissait de maladresse, ou de déloyauté, je penche évidemment pour la première option, mais le fait est qu'à l'origine, il y a un harcèlement insensé, et le Père Lombardi n'y est pour rien) et cela est d'autant plus facile que la couverture médiatique du voyage aura été pratiquement inexistante chez nous. Les gens en ignorent tout, ou presque. On peut leur raconter après coup - et leur faire dire - n'importe quoi. Si tant est qu'on les interroge...

Donc on va en faire un objet repoussant pour ses ennemis (normal, et même rassurant!) mais surtout pour ses soutiens, en prétendant qu'il a donné la priorité au syncrétisme religieux, dont on sait qu'il est assez mal vu, dans les milieux traditionalistes. Et aussi qu'il avait quitté la salle quand un cheik palestinien a prononcé devant lui "une violente diatribe contre Israël", façon de le faire mal voir par les musulmans. En réalité, il est resté, le cheik lui avait parlé avec respect, même s'il cherchait à l'utiliser, et lui a serré la main en sortant, et qui sait vraiment ce qu'il a pensé?
La scène a été relatée ici par un spécialiste au-dessus de tout soupçon, même pour les grandes consciences, Sandro Magister: Le cheik fait un scandale .

Mais qu'importe de raconter un voyage imaginaire, puisqu'on ne sera pas démenti. On va donc tout faire pour pouvoir proclamer triomphalement ce qui était déjà écrit avant le départ: le voyage est un échec. Avant de l'enterrer sous une couche d'oubli.






Last, but not the least, et c'est la goutte d'eau qui pour moi fait déborder le vase, la récupération passe par une 'image choc' (les medias en raffolent, comme ils ne comprennent pas les paroles, ils cherchent les gestes), celle du Pape tenant par la main un rabbin et un représentant d'une autre religion(?). Je l'avais remarquée immédiatement, cette image (et je m'en veux d'en avoir parlé!), cherchant la référence sur les sites italiens, et la qualifiant simplement de "hors-programme". Un moment de détente sympathique, car la rencontre avec les dignitaires religieux était franchement barbante, et on aurait compris le Saint-Père s'il avait cédé à la fatigue et s'était endormi!
Personnellement, c'est ce que j'aurais fait.
Or, elle va devenir le leit-motive du voyage, via un 'clip' mis sur Daily motion par KTO.
Des images superbes, forcément, mais une bande-son superflue. Et évidemment, que ce soit un rabbin qui ait permis à ce Pape "coincé" de lever les bras au Ciel, lui qui ne le fait jamais (comme toutes les images de ce site en témoignent, effectivement!), c'est un vrai miracle.
Autrement dit, le plus beau du pélerinage spirituel de Benoît XVI en Terre Sainte, c'est-à-dire dans les lieux où Jésus a vécu sa vie terrestre, on le devrait à un rabbin chantant la paix, en psalmodiant "shalom, peace, love, pace...!".
De qui se moque-t'on?



Alors que pour moi, l'image-choc du voyage, c'est celle de Benoît XVI au Saint-Sépulcre, abîmé en prières devant le tombeau vide. Lui qui disait qu'il venait en Terre sainte pour satisfaire le désir profond de toucher, de tirer réconfort et de vénérer les lieux où Jésus a vécu, lieux qui ont été sanctifiés par sa présence.
Devant ce tombeau s'arrête irrémédiablement le dialogue inter-religieux.

Je regrette enfin que le discours de départ, qui pouvait avoir des raisons diplomatiques, ait tout de suite été considéré comme le point d'orgue du voyage, alors que ce discours a été réécrit à la fin, contrairement aux autres, composés, contrôlés (sans doute), et longuement médités, eux, dans le calme d'un bureau.



Dans certains passages, on reconnaît certes la main du Saint-Père (Monsieur le président, vous et moi avons planté un olivier dans votre résidence le jour où je suis arrivé en Israël. L’olivier, comme vous le savez, est une image utilisée par saint Paul pour décrire les très étroites relations entre les chrétiens et les juifs. Paul décrit dans sa lettre aux Romains comment l’Église des gentils est comme un rameau d’olivier sauvage greffé sur l’olivier cultivé qui est le Peuple de l’Alliance. Nous sommes nourris aux mêmes racines spirituelles....), mais dans d'autres, on imagine des contraintes circonstancielles et diplomatiques.

Voilà!
Ce n'est même plus de la désinformation, c'est de la propagande via la diffamation.
Et pour quelqu'un qui s'est investi comme moi dans l'observation du voyage, et qui commence à bien connaître le Pape, c'est à la fois pénible et frustrant.





La presse israélienne était hostile Caritas Baby: récit de la visite