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PROPOS DE MGR BERTONE: À BOULETS ROUGES
 

La "déclaration" de Mgr Bertone(*) sur l'entrée de la Turquie dans l'UE suscite dans certains milieux un véritable tir de barrage contre le Saint-Siège. Ou plutôt contre le Saint-Père, car il ne faut pas se leurrer, c'est lui qui est attaqué à travers son bras droit.
Du côté gauche (une gauche très large, qui englobe le Monde et le Figaro, reproduisant curieusement la même dépêche de l'AFP), comme on le fait toujours, on appuie malignement là où ça fait mal, en soulignant les "revirements", voire les "retournements", du Vatican.
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Le Pape s'excuse?

[..] Une déclaration qui fait écho à une précédente prise de position du Saint-Siège. En 2004, en effet, le pape Benoît XVI - qui n'était encore qu'à l'époque que le cardinal Joseph Ratzinger - s'était clairement prononcé contre l'entrée de la Turquie dans l'UE. Mais le Vatican s’était empressé de préciser que le cardinal Ratzinger s'exprimait uniquement à titre personnel.

Une nouvelle crise s'était produite en septembre 2006, après le discours du Pape à Ratisbonne, lors d'un voyage en Allemagne, dans lequel il semblait associer l'islam à la violence, déclenchant une violente polémique. Benoît XVI avait également réussi à réduire ce foyer de tensions, effectuant un voyage historique en décembre dernier en Turquie, au cours duquel il avait prié dans la mosquée bleue d'Istanbul. Un geste exceptionnel permettant de tourner une nouvelle fois la page.
(AFP, Le Monde, Le Figaro...)



 

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Il est clair que l'on cherche à accréditer l'idée que la "déclaration" du Cardinal Secrétaire d'Etat est une forme d'excuse rendue nécessaire auprès des musulmans par les "maladresses" du pape!

Côté droit (où l'on a rarement accès aux infos brutes) c'est - parfois- la curée.
Là encore, il est clair que la rancoeur accumulée à cause du "retard" dans la promulgation du motu proprio n'est pas étrangère à cet accès de violence verbale.
A titre d'exemple, voici ce que je lis sur un forum... catholique:


 

Pauvre Vatican ...qui a même peur de son ombre !
Un pas en avant, deux pas en arrière, telle semble la politique suivie actuellement par le Pape et sa Curie !
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Sur la Turquie, c'est vraiment lamentable, puisque personne ne demandait rien au Vatican sur le sujet. (ndr: eh, si! justement! Le cardinal a été interrogé "frauduleusement" et il était bien forcé de répondre, mais il ne s'agissait pas d'une "déclaration")
Il est d'ailleurs constant, ces dernières années, que l'Eglise intervienne toujours à contre-temps.
Ainsi, c'est au moment où l'Union européenne commence à avoir des doutes sur la compatibilité européenne de la Turquie que le Vatican fait cette lamentable déclaration qui tombe comme un cheveu sur la soupe !
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"Un pas en avant, deux pas en arrière, telle semble la politique suivie actuellement par le Pape et sa Curie !"
...
Cette fois, il n'est plus possible de ne pas voir l'évidence : Benoît XVI désavoue frontalement ... Joseph Ratzinger.
Souhaitons que le pape ne désavoue pas l'illustre cardinal (Ratzinger) sur une autre série de sujets plus déterminants....
L'opinion du cardinal Bertone montre :
- que le secrétaire d'Etat ne connaît rien de la "laïcité" turque et de la politique anti-chrétienne constante de cet Etat
- qu'il veut ignorer la montée des assassinats de chrétiens (prêtres catholiques inclus), recrudescence qui pourtant commence à inquiéter même les turcolâtres bruxellois,
- n'a pour la Turquie aucune revendication de liberté religieuse (pourtant bafouée dans ce pays tous les jours)
- n'a aucune considération quant au génocide des Arméniens et àl'occupation d'un pays membre de l'UE, on ne va pas s'arrêter sur de telles vétilles, n'est-ce pas ?
En d'autres termes, le voyage en Turquie valait bien élimination du discours de Ratisbonne

Le prochain pas en avant sera-t-il la publication de l'Arlésienne motupropriesque ? Suivie des 2 pas en arrière quant au contenu ou pire encore ?
Le grand écart entre le réel et le virtuel s'accentue de mois en mois.
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En conclusion

Je souligne que, contrairement à ce qu'on veut nous faire croire, il ne s'agissait pas d'une déclaration du Cardinal Bertone, mais tout au plus de propos informels, tenus au cours d'une conversation à bâtons rompus, où lui-même dénonçait les manipulations médiatiques. On peut dire qu'il s'agissait d'une séance de travaux pratiques! (la même technique avait servi lors de la conférence de presse impromptue du Saint-Père, dans l'avion vers le Brésil: les dépêches avaient titré sur l'excommunication des politiciens favorables à l'avortement).

Je renvoie à ce paragraphe: QUAND ON SE DIT "CATHOLIQUE"...
Il est terriblement d'actualité (mais évidemment, en critiquant Mgr Bertone, voire le cardinal Ratzinger... on ne critique pas le Pape, c'est donc plus subtil!)

Sur le même sujet:
Mgr Bertone et l'entrée de la Turquie dans l'UE
Mgr Bertone: quand Le Monde s'en mêle

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Pour terminer sur une note moins pessimiste, voici un commentaire, lu sur un blog:



 

[..] la question de l'opportunité [de l'entrée de la Turquie dans l'UE] n'entre pas dans la compétence de l'Eglise. Elle ne juge pas des politiques humaines. L'autonomie de la sphère laïque est un absolu de la morale catholique.

Selon moi, la réponse du cardinal n'est donc pas un jugement porté sur l'opportunité de l'entrée de la Turquie en Europe, mais un jugement moral et hypothétique ("dans le cas où...") ou optatif (pourvu que les règles de la vie en commun soit respectées etc.)

Il est donc faux de faire dire au cardinal qu'il juge de la politique des peuples européens et qu'il tranche en faveur de la Turquie, c'est de la désinformation.


(*)

Voici ici la version en italien, telle que transcrite sur le site de La Stampa (le journal qui a mené l'interview), des quelques mots de Tarcisio Bertone (ma traduction en français ici: Mgr Bertone et l'entrée de la Turquie dans l'UE ).
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Stiamo parlando di secolarizzazione. Si discute dell'ingresso in Europa di un paese, come la Turchia, che ha un problema opposto, quello del fondamentalismo; e vuole entrare in Europa.

«E' vero c'è un po' di contraddizione.
La Turchia è un paese che è definito laico; in Europa si esalta il laicismo come tale, non solo laicità, ma laicismo, e in nome di questo laicismo non si vuole nessun riferimento alle radici giudeo-cristiane. Però anche la Turchia ha camminato molto, sta camminando. Voglio dire che ci sono delle evoluzioni; ci sono naturalmente posizioni molto diversificate, ma in un concerto di soggetti, popoli e governi che rispettino le regole fondamentali del vivere comune, si può dialogare e costruire insieme un bene comune a raggio europeo e anche a raggio di comunità mondiale».

Anche con un ingresso in Europa?

«Anche con un ingresso in Europa».
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Les mots comptent beaucoup, et la traduction donnée par les agences françaises de la phrase soulignée était "La Turquie est un pays définitivement laïque". Alors qu'il s'agit en fait de "La Turquie est un pays défini comme laïque", jugement, on en conviendra, nettement moins péremptoire.
Sous la plume de John Allen , qui parle par ailleurs d'ouverture prudente à la candidature de la Turquie à l'entrée dans l'UE, cela donne en anglais: "definitely a secular country", qui, selon moi, est inexact.

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