au Saint Sépulcre. Récit sur le blog collectif de La Croix (17/5/2009)

Voir aussi: L'expérience "dantesque" de MA Beaulieu et Interviewe de Marie-A. Beaulieu



Elle a collaboré au blog collectif que La Croix a ouvert pour l'occasion, et ses contributions sont rassemblées ici:
http://pape-en-israel.blogs.la-croix.com/category/marie-armelle-beaulieu/
J'ai aimé son dernier témoignage, et même plus que cela. Par sa proximité des faits (n'oublions pas qu'elle vit sur place) son avis me paraît plus important, et plus respectable que tous les commentaires de vaticanistes.
Elle est la voix et l'oreille de la rue, en quelque sorte.
Et elle écrit, tenez-vous bien: Nous n’avons pas fini de mesurer la portée de ce voyage, moins médiatique et moins facile que celui de Jean-Paul II. J’ai l’impression qu’il pourrait porter plus de fruits. .

Juste une réserve - et encore! car ce témoignage est le plus beau des hommages, justement pour cette raison:
Elle ne connaissait manifestement pas vraiment Benoît XVI avant cela, et elle a du mal à passer au-delà du préjugé du Benoît glacial, que l'épisode du chant avec les dignitaires des autres religions auraient fait "fondre" (??).
Mais moi, je l'ai vu deux fois de très, très près, à Lorenzago et à Bressanone, et il n'est pas du tout, du tout glacial.
Il est seulement d'une grande délicatesse, jusque dans ses rapports avec les gens - et a fortiori, avec la foule.



Le pape théologien nous donne une leçon
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Samedi 16 mai au matin, j’ai appelé une amie religieuse palestinienne pour lui dire que j’étais en vie après cette semaine mémorable : 20 heures de sommeil en une semaine, 3 repas avalés en cinq jours, des journées de 22 heures de travail (je compte pour travail les heures passées à céder au bon vouloir de la sécurité israélienne mais aussi palestinienne – à Bethléem, les Palestiniens ont voulu montrer qu’ils étaient tout aussi capables (et bornés ?) que les Israéliens).

Elle m’écoute mais ce qui lui brûle les lèvres de me dire c’est : “Je lui ai embrassé la main au Saint-Sépulcre.”
Alors là je suis scotchée.
Avant la visite, elle m’avait dit d’un ton sec que je ne lui avais jamais connu : “Qu’il reste chez lui !”
Mais à l’autre bout de la ligne, je la sens si heureuse… Et ce n’est pas la seule à m’ exprimer ce bonheur, cette fierté de pouvoir dire : « J’y étais ». Je connais aussi nombre de religieux européens vivant ici, facilement sceptiques sur ce que dit ou fait Benoît XVI, parmi eux de grands intellos, eux aussi ont rendu les armes et lui rendent hommage… Moi aussi je lui aurais bien embrassé les mains… j’ai bien failli d’ailleurs.

Même mes voisins appartenant à une minuscule église protestante évangélique m’interrogent avec empressement car je l’ai vu de si près, ils m’ont vue à la télé. « Alors, alors ? »

Le glacial Benoît XVI vénéré ! Oui, glacial, et ce n’est pas lui manquer de respect !
A mon arrivée à la salle de presse jeudi soir après la journée de Nazareth, les vaticanistes sont dans tous leurs états : « Le pape était super heureux, il a chanté, il a levé les bras ». Regardez la vidéo quand Benoît XVI est au taquet de la joie ça reste très, très… retenu.

Que s’est-il donc passé ? Qu’a-t-il dit ? Le plus étonnant c’est que la révolution des coeurs et des esprits s’est opérée tout au long de la semaine dans la communauté chrétienne arabe sans que la plupart ait une réelle connaissance des propos mêmes du pape.

Nous ne sommes pas dans l’épluchage analytique des discours. On se contente de bribes rapportées ici ou là. Il y a eu aussi des images extrêmement fortes en Jordanie et ici et tout le reste se fait grâce au très efficace et bien nommé téléphone arabe. Il faudrait que je laisse traîner mes oreilles dans les jours qui viennent. Mais je sais, et je sens déjà que les chrétiens locaux ont du baume au coeur… Ils se sont sentis compris, respectés, reconnus, aimés.

Et puis le pape a rencontré juifs et musulmans et aux uns comme aux autres il a montré son respect et à tous il a lancé un message pour la justice, l’égalité et le savoir vivre ensemble. Et la petite communauté chrétienne a apprécié ces appels, elle qui se sent coincée entre les deux. Et il y a eu les divers appels à la création d’un état palestinien et à la chute du Mur.

Pour ma part, faute d’avoir tout vu, j’ai lu tous les discours et j’ai vu et entendu.
Il faudra que je relise les discours, ceux du Saint-Père, ceux de ses hôtes, mais je suis profondément marquée d’abord pas l’intensité de la prière du pape dont j’ai été le témoin à la grotte de l’Annonciation à Nazareth et plus encore dans l’intimité devant le Saint-Sacrement au Saint-Sépulcre, j’en ai pleuré d’émotion. Il est vraiment venu en pèlerin pour prier.

J’ai pleuré de tristesse à Gethsémani. J’espère que les chrétiens palestiniens qui n’ont pas daigné se rendre à la messe pour des raisons de confort – il fallait arriver « trop » à l’avance et s’asseoir par terre – feront leur examen de conscience. J’espère que ceux qui ont été empêchés de s’y rendre à cause des contrôle de sécurité croiront encore à la possibilité de vivre avec les juifs. J’ai pleuré de joie à Nazareth sur le Mont du précipice en voyant ce que j’attendais, une manifestation de « christian pride » arabe.

J’ai jubilé de ces messes largement en langue arabe mais qui ont aussi laissé un peu de place à l’hébreu, la langue aussi de chrétiens en Israël. J’ai aimé que le pape salue cette communauté hébréophone qui vit une autre situation, loin d’être facile tous les jours. Ce serait bienvenu que ces deux communautés lancent des ponts entre elles, prémices des ponts à jeter entre Israéliens et Palestiniens.

Au camp de Aïda, j’ai senti l’émotion du chef du camp disant au pape : « Merci d’avoir renoncé à visiter des lieux saints pour venir nous visiter. » J’ai vu la silhouette blanche du pape se détacher sur la grisaille du mur. Ce mur, la plus triste expérience de son voyage, a dit le pape à son départ.

D’un mur à l’autre, le pape m’a paru heureux de sa prière devant le Mur occidental.

Tant d’images me reviennent à l’esprit. J’écris, il est 10h37 ce dimanche, j’entends ma voisine du dessous syriaque orthodoxe qui écoute une messe catholique… je me précipite voir. C’est la messe de Nazareth qui est rediffusée à la télevision maronite libanaise Télélumière !
Nous n’avons pas fini de mesurer la portée de ce voyage, moins médiatique et moins facile que celui de Jean-Paul II. J’ai l’impression qu’il pourrait porter plus de fruits.

Je pense à cette semaine, à ce mont du Précipice, à son histoire, Jésus avait prêché à la synagogue, ça n’avait pas plu, on avait voulu le précipiter du haut de la montagne.
J’ai vraiment craint que Benoît XVI sur notre champ de mines ne se fasse exploser, que par ses propos quels qu’ils soient, ne se fasse crucifier… Il est venu, il a prêché et comme Jésus au milieu de ses détracteurs « passant au milieu d’eux, s’en alla. »

Le pape théologien nous donne une leçon : le temps et le projet de Dieu dépassent nos courtes vues. Il nous précède et nous tire et Dieu nous attire à Lui infailliblement, en Lui il n’y aura plus ni juifs, ni chrétiens, ni musulmans, nous finirons bien par être Un en Lui.





Un voyage courageux... Haute tension à Jérusalem